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THÉÂTRE - « Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu » par la compagnie Pierre Tabard Duel à fleurets mouchetés entre le despote et le démocrate

Sur de sombres et inquiétants rivages où, selon les Grecs, descendaient les esprits des morts, Montesquieu rencontre Machiavel. «L’esprit des lois» cartésien rencontre «Le Prince» machiavélique. Au centre du débat ? Le pouvoir sous toutes ses formes, abordé de manière lucide et pragmatique selon un processus thématique, histoire de rendre le débat plus corsé. C’est à la salle Montaigne du CCF (après une représentation à Balamand) que s’est déroulé le Dialogue aux enfers, dans une mise en scène d’Hervé Dubourjal. Des sorties aiguës et pertinentes par des acteurs qui tirent très justement leur épingle du jeu. Un divertissement intelligent et ô combien d’actualité. Véritable gageure que de vouloir monter au théâtre un traité de politique appliqué dont la continuité du script pourrait s’apparenter à un pensum juridique ! L’œuvre insolente de Maurice Joly revampée par Pierre Tabard et Fabienne Périneau possède néanmoins un style époustouflant, un dialogue brillant. Pour la réalité historique, soulignons d’abord que le Machiavel et le Montesquieu des planches ressemblent plus de loin que de près à leurs homonymes réels. Ces personnages défendent en effet dans ce Dialogue des positions souvent caricaturées ou éloignées des modèles dont ils s’inspirent. Le metteur en scène Hervé Dubourjal le concède lui-même en soulignant qu’au-delà de ces « divergences entre les modèles et les personnages de Maurice Joly, le jeu de masque auquel il procède est un jeu de la vérité, grande leçon du théâtre ». Dans cette tragi-comédie, deux doctrinaires virtuoses, le démocrate et le despote, échangent des propos sur la politique moderne et la façon la plus efficace pour quelques hommes politiques d’acquérir et de conserver indéfiniment le pouvoir. Montesquieu, conformément à son rôle historique, met l’accent sur la séparation des pouvoirs, l’État de droit, la souveraineté de la nation. Mais Machiavel retourne à chaque fois ses arguments pour montrer comment ces notions nobles peuvent être détournées au service d’un homme, ici Napolélon III qui n’est jamais cité, manipulant toutes les composantes de la société. Dans ce jeu infernal, Machiavel devient le porte-parole du despotisme moderne : d’abord, la force brutale, puis la manipulation, l’infiltration de tous les rassemblements afin d’en prendre la direction et de les dévoyer. En face de lui, Montesquieu énonce les anciens principes politiques, moraux et idéologiques. Les voix s’entrecroisent au-dessus des contingences, en quête de règles de conduite stratégiques dont chacun pourra faire son miel. Dans un décor minimaliste où le jeu de lumière (par Cédric Simon) semble percer le mystère des êtres en les rendant impressionnistes, Jean-Pierre Andréani est un Montesquieu juste, troublé, attachant. Face à lui Jean-Paul Bordes, Machiavel, a une énergie, des intonations et des rythmes peu communs et envoûtants. Implacable et rigoureux, faisant fi de toute considération morale, le théoricien de la ruse montre sans détour que la force est le seul principe sur lequel s’appuie tout État digne de ce nom. « Une guerre est juste quand elle est nécessaire », énonçait Machiavel, et nombreux sont les tyrans qui, aujourd’hui, ont repris ce principe à leur compte. Les jeux des pouvoirs sont vils ? Peut-être. Mais ils existent. Ils occupent même une bonne partie de notre temps : dans la vie publique, dans l’entreprise, à l’armée, dans la famille, dans nos amours... Alors autant essayer d’en comprendre les mécanismes. Cette pièce nous y invite. Attention, cependant : à ce jeu-là, chacun, sans exception, en prend pour son grade. Vous voilà avertis. Maya GHANDOUR HERT
Sur de sombres et inquiétants rivages où, selon les Grecs, descendaient les esprits des morts, Montesquieu rencontre Machiavel. «L’esprit des lois» cartésien rencontre «Le Prince» machiavélique. Au centre du débat ? Le pouvoir sous toutes ses formes, abordé de manière lucide et pragmatique selon un processus thématique, histoire de rendre le débat plus corsé. C’est à...