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Actualités - REPORTAGE

Un café politique organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome L’expérience européenne, une source d’inspiration, mais pas un modèle à suivre à la lettre pour le Liban Émilie SUEUR

À l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome, un café politique a été organisé, vendredi soir à La Closerie-Time Out, par la Délégation de la Commission européenne au Liban en coopération avec la présidence allemande de l’Union européenne. Comme précisé dans une introduction par le modérateur du débat, Michael Young, journaliste au « Daily Star », les intervenants, Patrick Laurent, chef de la Délégation de la Commission européenne au Liban, Fadia Kiwan, directrice de l’Institut des sciences politiques à l’Université Saint-Joseph, Karam Karam, politologue et directeur de programme au Lebanese Center for Policy Studies, et Irène Plank, chargée d’affaires a.i. de l’ambassade d’Allemagne au Liban, étaient invités à débattre autour de la question : « L’expérience européenne de paix peut-elle s’appliquer au Liban en crise ? » La construction européenne est née d’une idée forte et simple à la fois : empêcher l’éruption d’une nouvelle guerre sur un continent meurtri par trois conflits dévastateurs, la guerre de 1870, celle de 14-18 et celle de 39-45. Les visionnaires de l’idée européenne ont toutefois rapidement compris que cette construction ne pouvait débuter sur des bases politiques. « Ils ont compris qu’il fallait instituer une solidarité économique capable, à terme, de devenir politique », souligne Patrick Laurent. D’où la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), la mise en commun par les États membres de leurs ressources. « Pour s’inspirer de la construction européenne, les Libanais devraient trouver, symboliquement, leur charbon et leur acier. Il faut trouver un moyen de créer une solidarité économique entre les Libanais. La primauté du politique est contre-productive », a souligné le diplomate européen Pour Fadia Kiwan, toutefois, contrairement à l’Europe, « la question économique à elle seule ne peut être un terrain d’entente entre les Libanais car les divisions politiques sont fondées sur des débats de fond, comme celui concernant un modèle de société ». « Nous avons laissé se développer, au Liban, des modèles de sociétés closes, explique-t-elle. Beyrouth, dans les années 70, s’est retrouvée entourée d’une ceinture de misère. Dix-sept ans après Taëf, le décalage entre les régions s’est accru au niveau économique et social », rappelle-t-elle. Une évolution inverse de celle observée en Europe où l’on a mis en œuvre une politique de solidarité entre les pays du centre et ceux de la périphérie. « Au Liban, nous n’avons pas stagné, nous avons reculé. » Aujourd’hui, le Liban privilégie la voie politique. « Les questions prioritaires dans l’agenda politique libanais sont : faut-il être avec l’Arabie saoudite ou avec l’Iran ? Où sont les questions sociales, le budget, le développement des régions ? » « Le Liban s’est lancé sur la voie des réformes politiques. Il s’agit de construire une citoyenneté pour vivre en communauté et non plus en coexistence. Mais, en s’engageant dans la résolution des questions sur lesquelles ils ont le plus de divergences, les Libanais ne sont parvenus qu’à un blocage. Au lieu de penser en termes de petit à petit, on pense qu’il faut tout résoudre en même temps. Nous sommes dans la logique du tout ou rien. » Par ailleurs, le Liban se trouve dans un environnement hostile, contrairement à l’Europe. Au moment de sa construction, l’Europe « se trouvait dans un environnement apaisé et bénéficiait de l’aide du plan Marshall », ajoute Mme Kiwan. Un point nuancé par M. Laurent, qui a rappelé la menace que représentait à l’époque l’Union soviétique. « Je pense que le Liban doit prendre espoir en regardant l’expérience européenne, mais la suivre à la lettre est trop beau pour être vrai », conclut Mme Kiwan. Pour Karam Karam, il est essentiel de se concentrer sur les collectivités locales, sur la société civile. « Il faut une réforme pour la décentralisation administrative. Il faut accroître les ressources des municipalités. Cela était inscrit dans Taëf, mais n’a pas été mis en œuvre. Aujourd’hui, la périphérie libanaise manque d’infrastructures. Beyrouth est connectée au pouvoir central, mais la périphérie est sous le contrôle de groupes sociopolitiques, explique-t-il avant d’ajouter : « En ce qui concerne la société civile, elle est éclatée. Certes, il faut une volonté politique pour lancer la reconstruction, mais il faut également que la société suive. » Une société civile, qui, comme l’a souligné Patrick Laurent, avait été exclue des premières années de la construction européenne. « La construction européenne s’est d’abord faite par le haut », explique-t-il. Durant les premières décennies de la communauté européenne, les citoyens étaient peu impliqués. « On parlait à l’époque d’un déficit démocratique de l’Europe. Il a été corrigé dans les années 90 avec la création du Conseil économique et social et la mise en place du Comité des régions », rappelle-t-il. La construction européenne s’est en effet faite grâce au courage et à l’engagement d’élites politiques ayant été en contact avec les guerres qui ont ravagé le continent. « Au Liban, au sortir de la guerre, nos élites n’ont pas été capables de présenter un projet fédérateur. L’Europe se définit comme l’unité dans la diversité. Au Liban, nous avons la diversité, mais pas l’unité », conclut M. Karam.
À l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome, un café politique a été organisé, vendredi soir à La Closerie-Time Out, par la Délégation de la Commission européenne au Liban en coopération avec la présidence allemande de l’Union européenne. Comme précisé dans une introduction par le modérateur du débat, Michael Young, journaliste au « Daily Star »,...