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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE - « Chlah al-Tarbouch » au Madina, jusqu’au 8 avril, à 20h30* Autopsie d’un système sclérosé

Peut-on changer le cours de l’histoire? Le Liban pourra-t-il, un jour, se débarrasser de ce tarbouche qui l’aliène depuis un siècle ? En faisant le portrait d’une famille libanaise dont les générations traversent les âges, Élie Karam brosse la fresque d’un pays qui étouffe sous le poids du passé. C’est sur fond d’un Beyrouth en Cinémascope et sous des dates qui s’égrènent sur un panneau lumineux (de 1916 à 2006) que se déroule l’action de la pièce, invitant le spectateur à remonter le temps. Au temps où un certain Ghaleb Abdallah sera pendu en refusant d’ôter son tarbouche. Au temps où sa femme, lasse de ne pas être désirée, ira chercher le plaisir dans d’autres bras et au temps où leur fils s’amourachera d’une fille n’appartenant pas à sa communauté. Que de générations se sont succédé depuis cette fameuse exécution et, tel un totem brandi à la face des Libanais, le tarbouche demeure intact et à la même place. C’est au nom de cet objet sacré et sacralisé que seront commis les crimes les plus ignobles et que sera instauré le diktat de la pensée unique. À travers cette visite guidée au sein d’une famille moyenne, Élie Karam, metteur en scène et scénariste, questionne le système libanais sclérosé qui, en négligeant le citoyen et son individualité, a tissé une toile ténue et l’y a enfermé. L’histoire du Liban est un perpétuel recommencement, semble dire Karam, et personne n’a le courage d’ôter ce couvre-chef qui défigure la vérité. Une heure trente d’un dialogue acerbe et tranchant, en langue libanaise (avec surtitres français malheureusement mal synchronisés), sous-tendu par des tableaux courts et brefs ainsi que par une réalisation théâtrale à effets cinématographiques, où les comédiens Chawki Matta, Youssef Fakhri, Majdi Machmouchi, Randa Kehdi, Omar Rajeh, Zeina Daccache, Maroun Cherfan et Zeina Layoun sont au meilleur de leur forme. Caractères interchangeables, dans un décor presque immuable, où seuls certains éléments viennent rappeler le changement d’époques, ils se travestissent de costumes pour camper d’autres personnages. Sous l’éclairage diffus et zoné qui démarque les multiples espaces ainsi que les images et les films d’un Beyrouth panoramique en évolution, les scènes résonnent par leur puissance et l’énergie qu’elles transmettent. Les individus ne sont plus que prototypes humains, représentant des milliers de personnes anonymes. Combien de martyrs faudra-t-il encore avant que le pays ne se réveille de sa léthargie ? Combien de victimes du quotidien ou du politique (car, au Liban, ils sont indissociables) devront encore tomber au nom de... au nom de quoi au fait? Même les Libanais eux-mêmes semblent ne pas le savoir. Et jusqu’à quand ce pays ira-t-il à la dérive avant de prendre sa destinée en main? Karam n’a pas peur des mots ni des gestes pour faire parvenir le message. Il s’est approprié la gestuelle la plus débridée et l’expression la plus volage et les a mâtées au service de l’image. Une image souvent représentée en deux ou trois dimensions, à la manière du cinématographe, et une fin en apothéose pour un drame qui aura duré une heure et demie sur scène, mais un siècle dans l’histoire d’un pays qui, jusqu’à nos jours, n’a pas ôté son tarbouche. Colette KHALAF * Les séances ont lieu de mercredi à dimanche. Pour les réservations, appeler au 01/753010.

Peut-on changer le cours de l’histoire? Le Liban pourra-t-il, un jour, se débarrasser de ce tarbouche qui l’aliène depuis un siècle ? En faisant le portrait d’une famille libanaise dont les générations traversent les âges, Élie Karam brosse la fresque d’un pays qui étouffe sous le poids du passé.

C’est sur fond d’un Beyrouth en Cinémascope et sous des dates...