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Actualités - OPINION

Gouvernance des sections géographiques universitaires : l’expérience de l’Université antonine

La communication suivante a été faite à l’ESA-Beyrouth dans le cadre des quatrièmes rencontres sur « la France et le Liban dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur » organisées il y a quelques jours par le Service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France. Dans un contexte marqué par la mutation, les universités au Liban n’échappent pas à la règle. Tant les anciennes que les nouvelles ou modernes d’entre elles font face aux défis qui s’imposent à leur administration, ou plutôt à leur gouvernance. Cette dernière relève plus du domaine de l’excellence dans le processus visant les objectifs que se fixe l’université et moins de la gestion ordinaire des différentes ressources. Quant à nous, nous allons nous intéresser à un phénomène qui a tendance à se généraliser au Liban alors qu’en France il constitue toujours une exception : voir des sections géographiques se multiplier tout en restant rattachées à l’institution centrale qui, pour la plupart du temps, est l’unique entité érigée en vertu d’un acte réglementaire légal. Comment appelle-t-on ce phénomène de proliférations régionales : délocalisation ? Décentralisation ? Déconcentration ? À nos yeux, il s’agit de déconcentration universitaire, puisque l’on est en face d’une mise en place d’unités universitaires au sein de collectivités locales en tant que prolongement académique et administratif des unités/mères existantes dans le campus principal. Par exemple, on dispose d’une faculté d’ingénieurs dans le campus principal et une autre dans la Békaa ou au Liban-Nord. Quant à la décentralisation, il s’agit de la mise en place de diverses unités universitaires dans différents campus sans qu’il y ait un lien de prolongement académique entre elles. Tel est le cas d’un campus affecté aux sciences humaines, un autre pour les sciences et le génie, un autre pour les sciences médicales, etc. Face à la déconcentration, phénomène nouveau et qui prolifère au Liban, et en l’absence d’une législation nationale cohérente à cet effet, quelles leçons peut-on tirer de l’expérience de l’Université antonine-UPA ? De par sa structure universitaire administrative reconnue et approuvée par les autorités publiques, comment réalise-t-on la centralisation et la déconcentration ? Comment détermine-t-on le lien organique des sections géographiques avec le rectorat et le rapport matériel avec les facultés mères ? En d’autres termes, en quoi consiste la gouvernance des sections géographiques déconcentrées si la gouvernance universitaire, à bien des égards, a pour but de fournir l’orientation stratégique, de s’assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés de manière convenable et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable ? Avant de nous pencher sur la problématique de l’autonomie et de la dépendance, il convient de rappeler les raisons de la déconcentration. En effet, l’article 176 du statut organique de l’UPA dispose : « Au niveau de tout le pays, notre visée sera de favoriser les régions, en particulier celles qui sont plutôt démunies. Ainsi, dans le cadre d’une politique générale et saine de déconcentration, nous opérerons pour renforcer l’attachement des citoyens à la terre des pères, et pour sauvegarder l’intégrité, la cohésion et la stabilité de la famille libanaise et son enracinement dans l’ambiance. Au lieu de disloquer les familles et obliger la population estudiantine à déserter la périphérie pour se concentrer dans la métropole, il est plus sage que nous nous déplacions nous-mêmes, pour rejoindre l’étudiant chez lui. » Il ressort de cet article un objectif de développement social local que nous pouvons atteindre à travers la formation et la recherche. Cet objectif recoupe avec un autre, non moins important, à savoir le développement social équilibré au niveau national. Ce dernier a pour but d’ « élargir la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif. Ces choix doivent comprendre des possibilités d’accéder aux revenus et à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé et à un environnement propre ne présentant pas de danger ». L’individu, par conséquent, là où il se trouve, pourra désormais participer pleinement aux décisions de la collectivité, en étant bien formé, et de jouir des libertés humaines, économiques et politiques. Ceci dit, qu’en est-il de la visibilité des liens organique et matériel avec l’entité centrale ? Quels sont les éléments qui rendent la dépendance empirique ? Entité centrale/sections géographiques : liens organique et matériel En ce qui concerne le lien organique, force est de constater que l’Orientation stratégique et la planification de la croissance globale (OPG) relève de la compétence du conseil de l’université, instance centrale dont font partie les directeurs des sections géographiques. Même quand il s’agit d’examiner et de décider la déconcentration d’autres unités universitaires en direction de la section géographique en question, c’est l’instance centrale qui statue sur le dossier. Cela préserve le caractère global de la stratégie de l’université et ses plans de croissance à tous les échelons. En outre, il convient de signaler que l’acte de nomination des cadres administratifs et des enseignants permanents et vacataires émane du rectorat, au sein duquel on signe, ratifie et authentifie les contrats conclus avec les tiers. La personnalité juridique des sections géographiques étant intimement liée, voire fondue dans celle de l’entité centrale, que ce soit au niveau du rectorat ou au niveau des unités dont elles constituent un prolongement. C’est pourquoi, il existe un contrôle du rectorat sur les activités de la section, mais qui s’inscrit dans un cadre a posteriori (contrôle de légalité sur les actes dit-on en droit administratif) et non pas a priori, afin de ne pas bloquer ou freiner la bonne marche du processus de ramification et de croissance. Quant au lien matériel, il s’agit d’une pluralité de facteurs ayant rapport à la gestion de qualité tant administrative que scientifique. En effet, on dispose d’une seule source de documents officiels authentifiés : diplômes, attestations, bulletins de notes, certificats, etc. émanant du rectorat, et qui engendre comme corollaire immédiat l’engagement d’une seule responsabilité administrative, à savoir celle de l’entité centrale. Il en va de même quant à l’unicité de la source informatique et de la plate-forme technologique universitaire. Force est de constater également l’existence du même système et règlement d’inscription, d’assiduité, d’élection et de discipline au sein de toute l’université, toutes unités et sections confondues. Enfin et surtout, il convient de signaler le caractère identique des programmes universitaires, des horaires et des énoncés des examens (partiels et finaux), des critères d’évaluation et de la préparation des syllabus. On imagine mal la seconde section de la faculté de gestion disposant d’un programme différent, ou que les examens soient différents ou que les critères d’évaluation et le barème soient divergents. Une faculté ou un institut dans une université doivent préserver l’unicité dans leurs éléments constitutifs puisque le point d’aboutissement de cette formation est le même et pour l’unité centrale et pour l’ensemble des sections déconcentrées : le diplôme. L’autonomie des sections géographiques La dépendance des sections géographiques vis-à-vis de l’entité centrale ne fait pas oublier un autre facteur qui leur est constitutif et sans lequel elles n’existeraient pas : l’autonomie. En effet, la proposition du corps enseignant émane des sections géographiques ou, le cas échéant, en étroite concertation avec l’entité centrale…Dans la plupart du temps, il s’agit d’un corps enseignant permanent engagé par l’université pour l’unité principale et les sections déconcentrées. Or cela ne porte pas atteinte à la compétence des directeurs des sections d’encadrer les enseignants et de coordonner l’évaluation qualitative de leur prestation avec les autorités centrales. D’autres aspects viennent renforcer l’autonomie administrative des sections, notamment à l’égard du calendrier académique concernant les horaires des enseignements et des évaluations continues, de l’organisation d’activités académiques, culturelles, sportives et spirituelles face auxquels l’autorité centrale prend simplement acte. Dans un souci de responsabiliser les responsables des sections déconcentrées par rapport au recrutement estudiantin et à la consolidation du partenariat lycées/universités, la mise en application de la procédure d’orientation et d’information auprès des lycées, les forums de rencontres et les journées portes ouvertes, ainsi que l’organisation des concours d’entrée relèvent de la compétence des sections géographiques et l’entité centrale se contente d’un contrôle a posteriori. De même, et dans un souci d’adaptation des projets en cours et de fin d’études aux besoins des régions accueillant nos sections universitaires, l’encadrement des stagiaires et la délimitation des thématiques des projets de stages et de modules sont effectués par les responsables locaux. Enfin, sur le plan administrativo-financier, bien que l’administration financière des sections géographiques soit liée à l’entité centrale (compte bancaire conjoint, unique administration du compte de l’université à la CNSS, etc.), il n’en demeure pas moins que la conclusion et la signature de contrats d’administration ordinaire ainsi que l’achat de différents matériels et fournitures relèvent de la compétence des responsables des sections géographiques, tant pour l’appel d’offres que pour l’octroi du marché. Il en est de même de la procédure d’embauche du personnel administratif, afin de favoriser l’implication de la population locale dans le projet universitaire et éducatif au sein de leur région. En somme, autonomie et dépendance cohabitent au sein de la déconcentration universitaire, et ce dans un objectif de bonne gouvernance. Certes, elles obéissent à la loi naturelle de l’évolution à la lumière et en fonction des évaluations faites par les différents acteurs et surtout eu égard aux résultats escomptés et obtenus. Cela ne devrait pas cacher d’autres défis qui se profilent quant au phénomène de déconcentration, notamment quand on parle d’une absence totale de réglementation nationale à cet effet. Entre-temps, les universités qui ont osé avec sérieux et rigueur cette expérience sont appelées plus que jamais à méditer cinq défis majeurs pour un développement sain de leurs sections et afin de recibler, le moment venu, leurs actions stratégiques: déterminer la durée de l’investissement financier de leurs sections (court, moyen ou long terme ?), définir les unités susceptibles de déconcentration, définir les critères d’évaluation qualitative de la déconcentration, garantir un corps enseignant permanent dans les sections géographiques et former des ressources humaines fonctionnant en « réseau ». Père Fady FADEL Vice-recteur pour les relations internationales et secrétaire général

La communication suivante a été faite à l’ESA-Beyrouth dans le cadre des quatrièmes rencontres sur « la France et le Liban dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur » organisées il y a quelques jours par le Service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France.

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