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Actualités - ANALYSE

ANALYSE Que faut-il faire de la Syrie ?

Commentant l’article publié dans L’Orient-Le Jour du vendredi 2 mars sous le titre « Le Liban partout sauf à… Beyrouth », des lecteurs – qui ne comptent pas parmi les partisans du gouvernement – se demandent si, face à tant d’influence de la Syrie au Liban, nous pouvons nous permettre d’en faire une ennemie, « comme le fait le gouvernement ». Cette interrogation est doublement intéressante. D’abord parce qu’elle pose de manière générale la problématique du réalisme en matière de relations internationales, un aspect des choses qu’il faut impérativement prendre en compte dans tout ce qui touche de près ou de loin à ces relations. Ensuite, parce qu’elle provoque instantanément une sorte de malaise du fait de l’appréciation quelque peu hâtive de la situation qu’elle comporte et des non-dits qu’elle induit. Sans parler de l’injustice faite au gouvernement, accusé tout aussi hâtivement de prendre délibérément une posture hostile, alors qu’objectivement, tout indique que cette posture est contrainte et non pas librement voulue. Dire que tous les voisins du monde doivent vivre en bonne entente est une vulgaire lapalissade. L’histoire et l’actualité de la planète s’associent pour le confirmer. Dans le cas du Liban et de la Syrie, il faut aller au-delà de ce plat constat et admettre une certitude : en l’absence de bonne entente entre ces deux pays, ni l’un ni l’autre, et surtout pas le premier, ne connaîtrait l’apaisement auquel il aspire. Le rapport de force penchant nettement en faveur de Damas, il peut sembler opportun, au nom de la realpolitik, que le Liban soit appelé à assumer la plus grande part des efforts nécessaires pour assainir des relations qui, n’ayant jamais été véritablement saines, ont tourné à l’aigre ces dernières années. Jusqu’ici, la légitime interrogation de nos lecteurs « réalistes » paraît tout à fait pertinente. Encore faut-il définir les caractéristiques de ce rapport de force pour être en mesure de savoir dans quel sens orienter les efforts. Il ne s’agit pas ici d’une comptabilité militaire – l’armée syrienne est, quoi qu’on en dise, de plus en plus obsolète et son retrait du Liban n’a pas mis fin à l’influence de Damas –, ni économique – le PIB et le budget libanais sont plus volumineux que ceux du voisin –, ni même diplomatique – la Syrie est à l’heure actuelle isolée sur la scène internationale alors que le Liban ne l’est pas. C’est tout simplement de la capacité de chacun des deux États d’intervenir dans les affaires de l’autre qu’il s’agit. Or à ce jeu, il faut bien reconnaître que la Syrie est toujours l’arroseur et le Liban l’arrosé. Mais, dans ce cas, avant de se demander s’il faut faire de la Syrie une ennemie ou pas, ne vaudrait-il pas mieux mettre le doigt sur les causes réelles de cette pseudofatalité qui fait que Damas a un pouvoir constant de phagocyter le Liban, alors que la réciproque ne s’applique pas ? Et constater que ces causes sont proprement libanaises ? Voilà bien le non-dit le plus coupable de nos « reallecteurs », car ce n’est certainement pas en dissimulant le fait qu’il se trouve toujours des Libanais pour jouer le jeu de Damas, au détriment de leur propre État, de leur gouvernement, de leurs compatriotes, de leur pays, qu’on parviendra à faire de la Syrie une saine amie. Ce qu’on nous demande en fin de compte, sous prétexte de nécessaires bonnes relations avec notre voisine, c’est de garder nos Quisling, pour ne pas fâcher Adolf ! L’équation est de toute simplicité et elle est quotidiennement répétée : le Liban n’a aucun intérêt à être contre la Syrie, mais il a le droit d’exister sans la Syrie. Sur les bords du Barada et, ce qui est pire, de ce côté-ci de la frontière, ils sont encore nombreux à ne pas faire cette distinction-là. Quant à la prétendue hostilité délibérée du gouvernement vis-à-vis de Damas – une accusation ânonnée par l’opposition, toutes couleurs confondues –, elle est à mettre au même plan que les paroles sur les bonnes dispositions du régime syrien à l’égard du Liban. C’est-à-dire à zéro. C’est bien connu : réclamer des relations diplomatiques avec un pays voisin est un acte d’hostilité ; refuser ces relations est un geste amical. Demander un tracé des frontières pour en finir avec cette forfaiture qu’est la mascarade des fermes de Chebaa ? Quelle infamie ! Rejeter cette demande ? Quelle noblesse ! Exiger le désarmement des boutiques syriennes à prête-nom palestinien ? Insolence ! Les armer ? Générosité ! Et la liste est longue … On peut ergoter sur les nuances : faut-il ou non que le Liban se préoccupe du sort du régime syrien et le voue aux gémonies ou bien doit-il se contenter de demander un changement de comportement à Damas ? Les avis sont visiblement partagés sur ce point au sein de la majorité. Mais en tout état de cause, le gouvernement en tant que tel ne s’est à aucun moment prononcé pour la première option. Pas plus d’ailleurs que les États-Unis ou Israël. Admettons qu’il vaut peut-être mieux pour le Liban de ne point trop s’engager dans ces eaux-là. Il reste le constat que la coexistence côte à côte de deux systèmes totalement dissemblables n’a jamais été un ferment d’entente ou de rapprochement. Mais, encore une fois, là n’est pas le plus important. Il est certainement plus vital pour nous de commencer par nous fabriquer un État dans lequel des ministres ne quitteraient pas une réunion du gouvernement pour ne pas avoir à se solidariser avec son chef, insulté par un dirigeant étranger. Élie FAYAD

Commentant l’article publié dans L’Orient-Le Jour du vendredi 2 mars sous le titre « Le Liban partout sauf à… Beyrouth », des lecteurs – qui ne comptent pas parmi les partisans du gouvernement – se demandent si, face à tant d’influence de la Syrie au Liban, nous pouvons nous permettre d’en faire une ennemie, « comme le fait le gouvernement ».
Cette interrogation est...