ÉCLAIRAGE - Les deux femmes ont fait connaissance hier à Berlin Merkel et Royal : des itinéraires parallèles et des caractères différents

L’une est chancelière allemande et l’autre pourrait devenir présidente française : Angela Merkel et Ségolène Royal ont certes été ministres de l’Environnement et dû lutter pour s’imposer dans leur parti, mais l’appartenance politique, nombre d’idées, le style et le caractère les séparent. Les deux femmes, qui ont fait connaissance hier à Berlin, ont fait dans le passé peu de commentaires l’une sur l’autre. Angela Merkel a dû être surprise il y a un an par une interview de Ségolène Royal, dans laquelle celle-ci voyait en elle une « féministe sans le savoir » et la défendait contre les critiques du fait qu’elle n’ait pas eu d’enfants : « On ne reprocherait jamais cela à un homme », avait-elle lancé. Angela Merkel s’était montrée fort diplomate quand elle avait été interrogée sur la candidature de Ségolène Royal. Ce qui a toujours valu pour elle-même doit valoir pour cette dernière: « Les femmes sont aussi des êtres humains », avait-elle brièvement rétorqué. Angela Merkel et Ségolène Royal sont nées à un an d’écart, l’une en 1953 à Dakar comme fille d’un officier français, et l’autre en 1954 comme fille d’un pasteur protestant à Hambourg, qui a rapidement déménagé pour la RDA communiste. Toutes deux ont été d’excellentes élèves. Tandis qu’Angela Merkel se lançait dans la physique, Ségolène Royal étudiait les sciences politiques avant de passer par l’École nationale d’administration (ENA), qui forme une majorité de l’élite politique et administrative française. Toutes deux avaient en commun d’être des étudiantes plutôt discrètes. Elles doivent le début de leur carrière politique aux dirigeants de leur pays à l’époque : le chancelier conservateur Helmut Kohl appelait « la jeune fille » – comme il nommait Merkel – en 1991 au ministère de la Jeunesse et de la Condition de la femme. Ségolène Royal, qui avait rejoint en 1978 le Parti socialiste, était restée six ans à l’Élysée comme conseillère du président François Mitterrand pour les questions de santé, d’environnement et de jeunesse, avant de devenir en 1992 ministre de l’Environnement. À la différence d’Angela Merkel, élue en 2000 présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Ségolène Royal n’a jamais ambitionné de poste de direction au sein du PS. Avec acharnement, elle a dû se battre face à la domination des « éléphants » de son parti et a été parfois décriée comme féministe radicale. Pour Angela Merkel comme pour Ségolène Royal, c’est après une lutte sans merci contre leurs concurrents masculins qu’elles sont devenues candidates respectivement à la chancellerie et à la présidence en 2005 et 2006. Qualifiées toutes deux de pragmatiques, les deux femmes paraissent pourtant opposées dans leur style : quand Angela Merkel pèse volontiers le pour et le contre, Ségolène Royal aime les déclarations à l’emporte-pièce, au risque de provoquer les foudres de certains dirigeants socialistes. Ce fut le cas lorsqu’elle a proposé un encadrement militaire, dans certains cas, pour les jeunes délinquants. Depuis son succès lors du vote des militants socialistes pour la candidature, elle mène une campagne recherchant la proximité avec les citoyens, de manière à ce que des parties de son programme soient élaborées au cours de débats publics. À la différence d’Angela Merkel, qui tient sa vie privée à l’abri des médias, Ségolène Royal a affiché dans les médias son double rôle de femme politique et de mère de quatre enfants. Contrairement à Angela Merkel, elle est mère, et contrairement à elle aussi, elle n’est pas mariée. Elle vit depuis un quart de siècle avec le père de ses quatre enfants, le premier secrétaire du PS, François Hollande. Ce dernier est bien plus connu que ne l’est le discret et éminent chimiste Joachim Sauer, qui n’apparaît que rarement en compagnie de la chancelière. Martin TRAUTH (AFP)