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Actualités - OPINION

EFFEUILLAGE Le nouveau venu

Je suis paresseux. Je me perfectionne et me développe de manière ininterrompue sans faire le moindre effort. Je suis gourmand. Manger est mon activité préférée, mais je ne choisis jamais le menu, c’est dire si je suis conciliant… Je vis dans le noir le plus absolu, je ne connais rien d’autre. Je ne suis pas tributaire des caprices de la météo; quelle que soit la saison, je baigne dans une chaleur douce et agréable. Je suis de plus en plus à l’étroit chez moi, et pourtant j’y suis bien… Mais que se passe-t-il? Voilà que je suis secoué de toutes parts… Je donne de violents coups de pied pour montrer que je ne suis pas content. J’aperçois quelque chose au plus loin de mon espace limité. Comme je suis curieux, j’hésite… On ne me laisse pas le choix et voilà que je suis expulsé, sans préavis, de mon doux logis. Tout d’un coup, la tristesse de ce départ brusque et imposé me prend à la gorge. D’autant plus que la lumière blanche qui m’aveugle me fait regretter amèrement ce que je viens de quitter. Je suis manipulé par plusieurs mains: elles coupent le cordon et introduisent dans ma bouche un tube qui aspire le peu de liquide amniotique que j’ai pu avaler. Elles attrapent mes chevilles et me soulèvent, la tête en bas, avant de me donner une petite tape sur les fesses. Drôle de manière de me souhaiter la bienvenue… C’est inadmissible! Je crie de toutes mes forces pour exprimer mon profond mécontentement, je crie et je pleure… Pour finir, je suis essuyé très sommairement et placé sur le ventre qui m’a porté. Je ne m’y trompe pas; c’est là que je retrouve la chaleur douce et agréable dont j’ai déjà la nostalgie et qui m’apaise pleinement. Je suis si bien que je pourrais m’endormir… Mais ils sont là. Cet homme et cette femme me sourient d’un air attendri: ils m’aiment sans me connaître. Ils sont désolés de me voir m’éloigner dans les bras d’une jeune fille qui me pèse, me savonne, me rince et me dépose dans un écrin de linge blanc. Couché dans un berceau et vêtu d’une grenouillère en coton, je m’endors enfin quelques minutes plus tard. Lorsque je me réveille, je suis observé à travers une vitre par des enfants endimanchés qui me sourient d’un air béat. Ils me trouvent beau, mais je ne suis pas beau: je suis fripé. Je suis alors conduit dans une chambre où commence un interminable défilé…Ils veulent me porter, me cajoler, m’embrasser. Ils me font toutes sortes de sourires grimaçants. Ils ont l’air idiot. Je suis venu au monde. Est-ce que ce monde est sérieux? Lamia el-SAAD

Je suis paresseux. Je me perfectionne et me développe de manière ininterrompue sans faire le moindre effort. Je suis gourmand. Manger est mon activité préférée, mais je ne choisis jamais le menu, c’est dire si je suis conciliant… Je vis dans le noir le plus absolu, je ne connais rien d’autre. Je ne suis pas tributaire des caprices de la météo; quelle que soit la saison, je baigne...