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Son père s’est engagé à la marier à un proche pour honorer une dette de jeu Rasheeda Begum ou le combat d’une jeune Pakistanaise «gagnée» au poker

Rasheeda Begum n’avait qu’un an lorsque son père s’est engagé à la marier à un proche pour honorer une dette de poker. Quinze ans plus tard, le gagnant est venu réclamer son dû. «Je ne suis pas la femme de sa vie. Plutôt mourir que de ne pouvoir protéger mon intégrité physique et ma fierté», explique par téléphone à l’AFP la jeune femme depuis Hyderabad, à 160 km de Karachi, la grande ville portuaire du sud du Pakistan. «Lorsque j’avais à peu près 10 ans, ma mère m’a expliqué ce qui s’était passé. Déjà à l’époque je ne parvenais à croire que mon père ait pu commettre un tel crime », dit-elle. «J’ai honte d’avoir vu le jour dans cette société», lâche-t-elle. Décédé depuis, son père était un joueur invétéré. Le sordide arrangement fut scellé en 1992 lorsqu’il perdit une partie de poker disputée contre un ami, Lal Haider. Au lieu de s’acquitter de la dette de 10000 roupies (166 dollars), il lui promit sa fille. La mère de Rasheeda, Nooran, s’acquitta pourtant de la somme après la mort de son époux. Mais Haider revint récemment à la charge, réclamant cette fois Rasheeda au nom de coutumes immémoriales. Haider et des acolytes ont alors intimidé la famille, menaçant d’enlever l’épouse espérée dans les montagnes du Baloutchistan (Sud-Ouest). «Nous sommes des gens pauvres et nous ne pouvons pas nous défendre seuls. On ne peut pas quitter notre maison non plus», constate amèrement Dur Mohammad, l’oncle de Rasheeda qui vit avec les deux femmes. Le gouvernement de la province de Sindh assure de sa diligence et affirme avoir ordonné l’arrestation des suspects et la protection de la famille Begum. «Vendre une fille est un acte barbare», assure le porte-parole provincial, Salahuddin Haider. Les associations des droits de l’homme et certains hommes politiques sont également montés au créneau sur ce dossier emblématique des progrès qui restent à accomplir malgré la politique de «modération éclairée» prônée par le général Musharraf destinée à rejeter l’extrémisme islamiste. Le gouvernement pakistanais a d’ailleurs fait un pas le 13 février en présentant au Parlement un projet de loi visant à interdire les mariages forcés, pratique courante dans les zones rurales les plus traditionnelles du pays. Pourtant les crimes restent légion. Fin février, deux jeunes Pakistanaises soupçonnées de flirter avec des hommes du village dans la province du Sindh ont été tuées à coups de hache par leurs oncles pour «rétablir l’honneur» de la famille. Ils ont justifié leur acte en expliquant à la police que les victimes étaient des «kari» (ou «femmes noires»), une qualification désignant des femmes indignes et susceptibles d’être exécutées au nom de «l’honneur familial». Selon des chiffres officiels, près de cinq mille personnes, en majorité des femmes, ont ainsi été tuées ces cinq dernières années dans les zones rurales du Pakistan. Dans un autre incident survenu le 20 février, une ministre provinciale pakistanaise, connue pour son militantisme en faveur de la cause des femmes, a été abattue par un islamiste lors d’une réunion politique dans le centre du pays. Son meurtrier a argué qu’elle ne respectait pas le code vestimentaire islamique et qu’elle faisait campagne pour l’émancipation des femmes. Il s’est avéré que le fanatique avait échappé à son procès pour le meurtre de quatre prostituées commis en 2003. «C’est la preuve de la persistance d’une société féodale où les femmes sont traitées comme des esclaves», déplore Zia Awan, un avocat spécialisé dans l’aide juridictionnelle aux femmes et aux mineurs.
Rasheeda Begum n’avait qu’un an lorsque son père s’est engagé à la marier à un proche pour honorer une dette de poker. Quinze ans plus tard, le gagnant est venu réclamer son dû.
«Je ne suis pas la femme de sa vie. Plutôt mourir que de ne pouvoir protéger mon intégrité physique et ma fierté», explique par téléphone à l’AFP la jeune femme depuis Hyderabad, à 160 km de...