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Actualités - OPINION

Le Liban, ou l’éternelle guerre froide Khalil CHÉHADÉ

Si tu trouves normal que la crise actuelle dure déjà depuis trois mois. Si tu trouves normal que la résolution de cette crise soit liée au nucléaire iranien, à l’isolement de la Syrie, aux problèmes de sécurité en Irak, aux discussions irano-saoudiennes. Si tu trouves normal que plusieurs de nos zaïms refusent de se serrer la main. Si tu trouves normal que pendant ces trois mois de crise, aucune tentative de dialogue n’a eu lieu. Si tu laisses tomber n’importe qui, n’importe quoi à 20 heures en vue d’assister au journal télévisé pour écouter ton zaïm et ses alliés du moment. Si, en arrivant le matin à ton université ou à ton bureau, tu connais par cœur le discours d’hier de ton zaïm. Si ton collègue critique devant toi, délibérément, ton zaïm pour lancer le même débat pour la dixième fois de la journée. Si tu te sens le digne représentant de ton zaïm, en foi de quoi tu te dois de le défendre en argumentant de façon structurée, sans oublier d’inclure dans ton argumentation les citations de l’un et de l’autre, de 1975 jusqu’à nos jours. Si, de temps en temps, tu proclames ton appartenance politique en klaxonnant, même si minuit a déjà sonné. Si tu trouves normal que le président de la République de ton pays soit obligatoirement maronite, le président du Conseil chiite et le Premier ministre sunnite. Si tes parents, tes enfants, tes grands-parents, ta compagne, tes amis, tes voisins, ton patron, ton professeur, ton coiffeur, ton garagiste, ton boulanger, ton épicier connaissent tous ton appartenance politique immuable. Si un déjeuner en famille ou entre amis peut rapidement dégénérer en un débat politique électrique et fratricide Si, même avec tous les diplômes du monde, tu ne changeras pas. Alors tu es le digne héritier de la race libanaise. Tu perpétues la légende du Libanais authentique. Grâce à toi, le Liban, s’il n’est pas en guerre, sera en état de guerre froide intercommunautaire et éternelle. Le Liban ne sortira jamais de cet état où chaque communauté, à défaut de posséder de vraies armes, suivra son zaïm sans jamais lui demander des comptes, juste pour renforcer sa situation dans l’État libanais. Cette guerre froide, qui, depuis 1943, pousse chaque communauté à se reproduire et où chaque individu qui ne suit pas la politique générale de sa communauté est perçu comme un traître. Dans cette atmosphère détestable, où chaque zaïm prononce, de temps à autre, un « discours de feu » et pousse ainsi un peu plus l’état de guerre froide vers une vraie guerre civile, certaines organisations non gouvernementales et surtout indépendantes politiquement élèvent la voix, forment des chaînes humaines de Libanais de toutes confessions autour de lieux symboles de la guerre civile libanaise de 1975-1990 et dénoncent ces politiques dangereuses. Ces organisations, à but non lucratif, sont fondées par de jeunes Libanais déçus et qui veulent vivre en paix au Liban. Elles ont aussi pour but de former une solide et vraie société civile libanaise, libérée de tout confessionnalisme, qui demande des comptes à ses dirigeants. Ces organisations sont pour la plupart en phase de démarrage ou de rodage, et ont donc besoin d’un vrai soutien populaire. Cher Libanais, il est nécessaire que tu aies une opinion politique. Mais cette opinion doit être éclairée par la culture, mais surtout par la prise de conscience du danger qui guette notre pays. N’oublie pas que la vraie majorité dans ce pays n’est ni les « 8-Marsistes » ni les « 14-Marsistes », mais toi et tes compatriotes, citoyens libanais libres. Le confessionnalisme et le suivisme politique sont les adversaires de la démocratie. Toi, qui as payé ta démocratie de ton sang, combats-les!.
Si tu trouves normal que la crise actuelle dure déjà depuis trois mois.
Si tu trouves normal que la résolution de cette crise soit liée au nucléaire iranien, à l’isolement de la Syrie, aux problèmes de sécurité en Irak, aux discussions irano-saoudiennes.
Si tu trouves normal que plusieurs de nos zaïms refusent de se serrer la main.
Si tu trouves normal que pendant ces trois mois de...