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Télévision ? Attention, danger !

Il y a peu, Frida Debbané fustigeait, dans cette rubrique, avec beaucoup d’humour et d’acuité, le mauvais goût des animatrices et présentatrices de nos télévisions. Ce n’est, malheureusement, qu’un moindre mal. Car il y a pire, bien pire à reprocher aux responsables de toutes nos chaînes confondues. C’est cette perversion sournoise et insidieuse, nocive et dangereuse qu’ils pratiquent à travers ce « phénomène » télévisé qui a pour nom le talk-show. Si le « phénomène » était isolé, on n’en tiendrait pas compte. Il suffirait de zapper et de passer à autre chose. Hélas, il n’y a pas autre chose. Des talk-shows, on vous en propose jusqu’à la nausée, jusqu’à l’écœurement. Quels que soient le soir, l’heure ou la chaîne, vous vous retrouverez automatiquement devant un de ces navrants « spectacles » où, pendant plus d’une heure (sans parler des rediffusions), les joutes oratoires frisent souvent l’insulte à la raison et au bon sens, et où l’assurance ne camoufle pas toujours l’ignorance. Mis à part les sempiternels ténors qui sont là pour vanter les mérites de leur politique, il y a les « seconds rôles » qui aspirent au vedettariat et qui vous affirmeront qu’ils détiennent, en sous-main, toutes les solutions à nos problèmes. Ceux qui en savent davantage sur les intentions des USA et de la France à notre égard que George Bush et Jacques Chirac réunis. Ceux qui ont en poche, sans jamais l’exhiber, la liste des noms de tous les assassins des uns ou de toutes les futures victimes à venir des autres. Ceux qui, mieux que Maguy Farah, peuvent vous prédire de quoi nos lendemains seront faits. Si lendemain il y a... Ceux qui vous assurent que leurs renseignements coulent de source, comme s’ils avaient infiltré la CIA, le KGB et le Mossad. Ceux pour qui l’Iranien Ahmadinejad, les Abdallah d’Arabie ou de Jordanie n’ont pas de secrets. Et j’en passe. Toutes ces émissions bon marché (c’est bien le cas de le dire, puisqu’elles ne coûtent à la production que le cachet du présentateur et qu’elles remplissent des heures d’antenne à moindre frais !) ne contribuent qu’à attiser les antagonismes, à aviver les passions et à jeter de l’huile sur le feu. Si c’est ainsi que l’on pense activer le dialogue national, on peut toujours rêver. Et qu’on ne vienne pas me dire que ces « shows » sont des expressions d’une pensée libre, alors qu’il est de notoriété publique que chacune de nos chaînes relève d’une idéologie déterminée, d’un parti ou d’une confession. Récemment, certains de nos dirigeants ont signé un pacte d’honneur. Pourquoi pas un pacte télévisé dans lequel toutes nos compagnies s’engageraient, dans l’intérêt de tous, à renoncer à ce genre d’émissions ? Car si l’on veut véritablement contribuer à l’édification d’un État uni et souverain, il y aurait beaucoup à faire dans le domaine de la télévision. Quelques suggestions (sans revendiquer des droits d’auteur) : apprendre à nos jeunes comment vivre ensemble ; rapprocher ceux qui dorment sous les tentes de ceux qui veillent jusqu’aux premières heures de l’aube dans les pubs de Gemmayzé ; amener les adultes à constater que les erreurs commises au nom de l’individualisme ou de mesquins intérêts personnels sont une des raisons de l’échec de notre société civile ; développer la notion d’éducation civique afin qu’elle ne soit pas une abstraction linguistique vide de sens, mais un modèle de vie ; définir les devoirs du citoyen envers la nation et, en retour, concrétiser d’une manière saine et équilibrée les obligations de l’État vis-à-vis de son peuple ; encourager et développer le patriotisme en mettant en exergue l’assistance soutenue des instances étatiques dont la raison d’être est de fournir aux citoyens les services médicaux, sociaux ou éducatifs auxquels chacun de nous a droit pour vivre dignement. Voilà la tâche à laquelle toutes nos chaînes de télévision devraient souscrire à travers ce nouveau pacte d’honneur. Il y aurait tant à dire, si la télévision s’en donnait la peine, sur ce qui nous rend fiers d’être libanais, sur notre culture, sur notre passé, sur ceux et celles qui ont porté très haut, loin de leur pays, les couleurs du Liban. Il suffirait pour cela de sillonner le monde, d’aller retrouver nos émigrés. De revisiter nos écrivains, nos penseurs, nos philosophes, nos hommes de lettres ou nos savants. De retrouver nos racines, nos traditions, nos légendes, notre authenticité. L’homme de télévision que j’ai été évoluait, à son époque, dans un milieu autrement plus objectif, sur le plan humain, que celui d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas y revenir ? Pourquoi ne pas redonner à la télévision sa vocation première ? Pire que le mauvais goût, il y a la mauvaise foi. Alain PLISSON Journaliste, metteur en scène

Il y a peu, Frida Debbané fustigeait, dans cette rubrique, avec beaucoup d’humour et d’acuité, le mauvais goût des animatrices et présentatrices de nos télévisions.
Ce n’est, malheureusement, qu’un moindre mal. Car il y a pire, bien pire à reprocher aux responsables de toutes nos chaînes confondues. C’est cette perversion sournoise et insidieuse, nocive et dangereuse qu’ils...