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Les plus démunis peuvent assister, dans l’ombre, au départ des défilés L’autre carnaval dans les coulisses du Sambodrome de Rio

La traditionnelle école de samba de Portela s’apprête à s’ébranler dans la nuit de lundi à mardi avec ses costumes et ses chars sophistiqués sur le Sambodrome de Rio, sous les caméras de télévision... et les regards de milliers de démunis relégués dans l’obscurité. Quelque 4 000 spectateurs de condition modeste assistent ainsi au démarrage du défilé sans avoir à débourser un sou depuis une structure démontable baptisée « Secteur O », située de l’autre côté d’un égout à ciel ouvert, au début de l’avenue Marques de Sapucai, où défilent les écoles. Les places les moins chères sur les tribunes spéciales du Sambodrome coûtent en revanche plus de 52 dollars et peuvent coûter beaucoup plus cher, selon l’emplacement. En surplomb, plongé dans l’obscurité se trouve le viaduc Sao Sebastiao, la « tribune des pauvres », où se pressent aussi des centaines de personnes pour tenter de voir le spectacle d’en haut, dans une position inconfortable, mais « privilégiée ». Insensibles à la chaleur et à la fatigue, malgré les longues heures passées debout, elles exercent leur droit à assister à la « plus grande fête populaire du monde » organisée pour quelque 70 000 spectateurs payants. Tout en bas, les chars des écoles reçoivent les derniers préparatifs, les vedettes se rafraîchissent et apprêtent leurs plumages colorés, les danseurs s’habillent et les groupes de percussion s’échauffent avant le coup d’envoi. Quelques jeunes un peu surexcités lancent de la mousse en spray depuis le viaduc sur les participants au défilé, qui ajustent leurs déguisements : « Attention, ne soyez pas stupides, vous ne vous rendez pas compte du travail que ça représente que d’être là ! » crie offusqué un homme obèse, dans son costume brillant vert et blanc. Quatre jeunes chaussent leurs bottes collantes avant le défilé. Un jeune homme les aide à monter par une échelle en bois tout en haut du char. Les beautés les plus sculpturales sont, quant à elles, hissées dans une cage par une grue qui les dépose dans leur « nid ». À l’intérieur du Sambodrome il y a des loges, enceintes fermées avec balcon et vue privilégiée sur la piste, munies de masseuses, de canapés, de serveurs, de boissons et de nourriture en abondance pour les célébrités qui paient des milliers de dollars, ou les invités connus. On y rencontre par exemple des footballeurs brésiliens comme le controversé Romario, les acteurs de l’omniprésente chaîne de télévision Globo qui retransmet le carnaval de Rio dans 66 pays, ou de séduisantes mannequins. Tous exhibent muscles bronzés, silicone, jolis minois, chaînes et bracelets d’or, appareils photo numériques et téléphones portables dernier cri. La « reine de la batterie » (percussions) de l’école Porto de Pedra est arrivée en compagnie de 12 gardes du corps et a défilé avec deux mille cristaux africains collés sur le corps et trois diamants à sa couronne. À l’extérieur du Sambodrome, dans un nuage de fumée de barbecue, des centaines de vendeurs ambulants ont envahi les rues voisines : « Je liquide, trois canettes (de bière) pour 5 reals (2,5 dollars environ) », crie un jeune qui arbore un masque de monstre en latex. À quelques mètres, deux brunes vendent de la « brochette de chat », une pique de bois avec quelques morceaux de viande grillée. Les tee-shirts aux couleurs des écoles de samba sont vendus 10, 15 ou 20 reals, alors qu’à l’intérieur du Sambodrome ils en coûtent presque 60. Pour beaucoup, c’est l’occasion de gagner de l’argent. « C’est une grande aide pour la famille, je peux gagner en trois jours ce que je gagnerais en plusieurs semaines », indique à l’AFP Nilton, qui s’affaire à sa buvette. Au bout de l’avenue Sapucai, une favela envoie du haut de son morne un message à la ville, un cœur formé de lampes jaunes avec le mot « Paix », revendication d’une société tout entière face à la montée de la violence.

La traditionnelle école de samba de Portela s’apprête à s’ébranler dans la nuit de lundi à mardi avec ses costumes et ses chars sophistiqués sur le Sambodrome de Rio, sous les caméras de télévision... et les regards de milliers de démunis relégués dans l’obscurité.
Quelque 4 000 spectateurs de condition modeste assistent ainsi au démarrage du défilé sans avoir...