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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE Un «Richard III» en arabe parle des conflits actuels à travers Shakespeare

En représentant en langue arabe, un Richard III oriental à Stratford-on-Avon, la patrie de Shakespeare, le metteur en scène Sulayman al-Bassam revisite ce grand classique, transposé dans l’actualité brûlante du Moyen-Orient. L’Anglo-Koweïtien situe dans un pays du Golfe non identifié son Richard III: une tragédie arabe, d’après la pièce du dramaturge élisabéthain qui décrivait les luttes de pouvoir et la tyrannie dans l’Angleterre du XVe siècle. Sulayman al-Bassam explique à l’AFP qu’il pensait à l’origine travailler sur l’ascension et la chute de Saddam Hussein, après avoir été frappé par les similitudes entre le dictateur irakien exécuté et Richard le comploteur. Il a finalement abandonné l’idée, craignant de banaliser les crimes de l’ère Saddam Hussein, mais considère sa pièce comme un «récit édifiant» sur la politique contemporaine du Golfe. «Le Moyen-Orient actuel, comme beaucoup de tragédies de Shakespeare, offre une pléthore d’exemples sur la façon dont il ne faut pas diriger» un pays, relève le metteur en scène. Le Richard III de Shakespeare se déroule pendant la guerre des roses, une bataille de trente ans entre des prétendants au trône d’Angleterre. «La pièce est une parabole sur une crise de succession qui devient un cauchemar», dit Sulayman al-Bassam, soulignant le potentiel des puissantes monarchies du Golfe aujourd’hui à connaître ce type de conflits au moment du transfert du pouvoir entre générations. «Je vois Richard III comme un monde qui est régi par des allégeances tribales et dans ce monde, si le sang est versé dans ma famille, c’est mon devoir de chercher une compensation», explique-t-il. Ce n’est pas la première fois que Sulayman al-Bassam, dont la compagnie compte des acteurs venant d’Irak, du Koweït, du Liban et de Syrie, utilise Shakespeare pour se plonger dans la politique du Moyen-Orient. En 2004, il avait monté Le sommet de al-Hamlet, représenté à Tokyo et Londres, en utilisant le même artifice. Et même si les écrits du barde du XVIe et du XVIIe siècle sont remplis de politique, leur statut de chef-d’œuvre de la littérature les place sur un piédestal et fait taire les critiques. «Ce n’est pas un matériel controversé vu de l’extérieur, mais son génie est qu’il peut provoquer des remous pendant qu’il est joué.» Explorer des thèmes tabous ou incendiaires sous le couvert de Shakespeare offre «un voile de sécurité», relève-t-il. «Je pense qu’il serait pratiquement impossible de s’attaquer à ces sujets à travers une nouvelle pièce, aujourd’hui dans le monde arabe», insiste-t-il. Shakespeare lui-même avait déjà utilisé cette astuce, puisque Richard III relate des événements qui se sont produits un siècle plus tôt, une façon de faire croire aux censeurs élisabéthains que la pièce n’était pas subversive. Ce nouveau contexte oriental permet aussi de mieux comprendre certains aspects de la pièce. Au début de la tragédie, Richard essaie de séduire sa future épouse Anne, la veuve du roi rival qu’il vient juste de tuer, alors qu’elle se recueille sur la dépouille de son époux. Elle le rejette au début avec rage, mais s’adoucit ensuite quand il lui dit que c’est à cause de son visage «céleste» qu’il a commis ce meurtre. Les spectateurs modernes peuvent avoir du mal à comprendre ce revirement, mais la situation est plus crédible, si on la replace dans un contexte où une femme est dépendante des autres pour son existence, comme souvent aujourd’hui dans le monde arabe. «J’ai toujours considéré cette scène comme peu réaliste, mais plus je la travaille, plus elle devient crédible, particulièrement dans un monde où une femme (...) n’a plus personne» pour la soutenir, relève Sulayman al-Bassam. La pièce, en arabe et sous-titrée en anglais, a été créée le 8 février à Stratford-on-Avon (centre-ouest de l’Angleterre), où Shakespeare est né. Elle s’est donnée jusqu’au week-end, et devrait être jouée ensuite à Abou Dhabi et à travers l’Europe. Katherine HADDON (AFP)
En représentant en langue arabe, un Richard III oriental à Stratford-on-Avon, la patrie de Shakespeare, le metteur en scène Sulayman al-Bassam revisite ce grand classique, transposé dans l’actualité brûlante du Moyen-Orient.
L’Anglo-Koweïtien situe dans un pays du Golfe non identifié son Richard III: une tragédie arabe, d’après la pièce du dramaturge élisabéthain...