Rechercher
Rechercher

Actualités

EXPOSITION - « Africanité et universalité » à la crypte Saint-Joseph, jusqu’au dimanche 25 février Saint Augustin retourne vers la «mère» Méditerranée

«Saint Augustin, africanité et universalité» est le thème d’un colloque, mais aussi d’une exposition qui se déroule actuellement dans la crypte de l’église Saint-Joseph (USJ). Une manifestation qui illustre, en textes et en photos, la pensée du philosophe qu’elle replace dans le contexte de son Algérie natale. Le dialogue des civilisations, un thème institué par l’ONU, a marqué l’année 2001. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika et M. Joseph Deiss, alors chef de la diplomatie suisse, avaient convenu d’organiser un colloque autour de saint Augustin (né dans cette région du globe). Ce colloque ne revêt pas un caractère religieux, mais scientifique et artistique autour de cette figure qui a rassemblé les deux grandes civilisations occidentale et orientale. À son tour, conçue à Fribourg et élaborée avec le Haut Conseil islamique, l’exposition qui a étayé visuellement le colloque a circulé depuis. Elle a d’abord clôturé l’année du dialogue qui a été organisée à l’ONU avant de se rendre vers d’autres villes européennes. Pour célébrer le 1650e anniversaire de la naissance de saint Augustin, même le gouvernement tunisien, en accord avec l’ambassadeur suisse, a voulu marquer, en 2004, la présence d’Augustin à Carthage, l’ancienne capitale de l’Africa Romana. Aujourd’hui elle est à Beyrouth pour témoigner du message universel et intemporel de l’évêque d’Hippone, dans ce berceau de la Méditerranée, grâce à l’engagement de plusieurs personnalités et institutions. La préparation de cette exposition a été une œuvre collective et c’est Otto Wermelinger, professeur de théologie et d’histoire de l’Église ancienne, et spécialiste augustinien, qui a été mandaté par l’université de Fribourg pour réunir des collaborateurs et d’autres spécialistes du monde entier afin de mettre sur pied cet événement. «En effet, depuis l’indépendance de l’Algérie (1962) et grâce à cette manifestation, confie Wermelinger, on a pu parler d’une Algérie préislamique. En retournant dans le bassin Méditerranéen, l’exposition fait découvrir la richesse et l’actualité de l’œuvre de saint Augustin, dans les mêmes termes, et avec les mêmes images et objets, pour offrir la référence d’un patrimoine commun d’autant plus riche et fécond qu’il serait partagé.» Images et textes racontent saint Augustin dans son africanité et sa romanité, mais surtout dans son universalité et sa modernité. Comment illustrer l’africanité de saint Augustin dans une exposition? Les travaux photographiques de Michael von Graffenried ont été présentés d’abord dans diverses villes d’Algérie puis en Europe. Certes, ce n’était pas le premier voyage qu’il effectue en Algérie. Trente voyages en l’espace de dix ans ont permis au photographe du «rêve brisé de la démocratie et de la guerre sans images» de nouer des liens intimes avec ce pays qu’il considère comme «le laboratoire du monde». Muni de son appareil panoramique, permettant de capter discrètement des angles à 160°, von Graffenried est revenu dans ce pays qu’il a bien connu et a pu confronter passé et présent. En pénétrant dans la crypte de l’église Saint-Joseph, de longs panneaux d’images indiquent le chemin. Les visages d’aujourd’hui (célèbres ou anonymes), en noir et blanc, côtoient celles des paysages éternels et des ruines du passé, mais en couleurs. Un montage subtil qui joue sur la mémoire et le passage du temps soutenu par une présentation d’objets archéologiques de la vie quotidienne, une carte géographique retraçant les nombreux lieux visités par Augustin et mentionnés dans les Confessions ainsi qu’une illustration des produits familiers et quotidiens de la Méditerranée comme l’huile d’olive, le «garum», le blé et la vigne. L’écrivain et journaliste suisse, Charles-Henri Favrod, présente le photographe en ces termes: «Michael von Graffenried a découvert l’Algérie en 1991 et, depuis, il s’y est consacré prioritairement avec une attention chaleureuse et fraternelle. Participant à son drame, il en a rendu compte en témoin objectif, courageux et déterminé... Le colloque était l’occasion de rappeler que l’histoire du pays ne commençait pas avec l’invasion arabe, mais qu’il y avait eu auparavant Carthage, Rome et Byzance. L’itinéraire d’Augustin le Numide le prouve et associe l’Algérie à la mer et à la mère des civilisations. Michael von Graffenried le montre bien dans cette exposition et révèle l’extraordinaire richesse humaine du peuple algérien qui revendique à juste titre un meilleur destin», dit encore Favrod. Un message très actuel L’universalité du message de saint Augustin est le second volet de l’exposition. Ce témoin de son temps qui synthétise les apports de la culture gréco-romaine, païenne et chrétienne laisse après sa mort plus de 30000 pages manuscrites, cinq millions de mots ainsi qu’une philosophie et une pensée encore très actuelles. L’Africain n’a jamais renié ses racines. Malgré ses multiples voyages (de Carthage à Rome, en passant par Milan et d’autres territoires de l’Empire romain), l’enracinement dans sa terre natale est demeuré un signe de son rayonnement universel. «Si la justice vient à s’effacer, que sont les royaumes, sinon de vastes brigandages?» disait saint Augustin. Quoi de plus actuel que ces mots qui resteront dans la mémoire collective? Pour montrer l’universalité de saint Augustin, les Confessions, traduites en plusieurs langues, sont exposées ainsi que les figures de tous les philosophes qui se sont inspirés de sa pensée, d’Heideger à Camus. «Par ailleurs, la liste des œuvres de l’évêque d’Hippone occupe un panneau de plus de deux mètres de haut où on y lit des titres aussi divers que: “De musica, de arithmetica, de Genesi ad litteram et Confessiones...”, confie Otto Wermelinger. À cette liste s’ajoutent tous les sermons et les lettres dont saint Augustin est également l’auteur. Dialogue, débat et controverses avec les opinions d’autrui dans nombre d’ouvrages engagés ; dialogue intérieur et contemplation dans les célèbres Confessions, et enfin un dialogue avec sa propre civilisation romaine charnière entre un passé païen et un présent chrétien très dynamique au sein d’un monde à l’avenir incertain. Dans La Cité de Dieu, saint Augustin réfléchit sur sa propre civilisation et livre une “charte de la paix” très actuelle.» «Augustin vivait dans un monde en mutation comme aujourd’hui. L’exposition montre à ce propos, parmi d’autres objets, un incunable et un CD-Rom que cinq siècles séparent, mais qu’une même maison d’édition bâloise a produit. L’élaboration d’une nouvelle édition sous forme de CD-Rom illustre l’actuelle vigueur des études augustiniennes. Par ailleurs, des centaines d’articles et de revues scientifiques consacrés aux sujets augustiniens sont produits chaque année», dit encore Wermelinger. Comme il s’agit de faire dialoguer les civilisations d’aujourd’hui avec cette grande figure de l’histoire, les légendes des panneaux sont rédigées en arabe, français et anglais. Parcourir l’exposition du regard est comme faire un brin de chemin avec l’évêque d’Hippone, redécouvrir ses idées et se réconcilier avec la vie intérieure. En écho à ce parcours, la mosaïque exposée qui a servi d’emblème au colloque et à l’exposition avec les poissons de la Méditerranée et une inscription en forme de vœux «Pax et concordia sit convivio nostro» (que la paix et la concorde accompagnent notre rencontre). Le spécialiste d’Augustin, Otto Wermelinger, avait pensé immédiatement à la charte de la paix qu’on retrouve dans la Cité de Dieu avec ses dix définitions de la paix. Et où on trouve également Pax et Concordia: la paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée. Colette KHALAF
«Saint Augustin, africanité et universalité» est le thème d’un colloque, mais aussi d’une exposition qui se déroule actuellement dans la crypte de l’église Saint-Joseph (USJ). Une manifestation qui illustre, en textes et en photos, la pensée du philosophe qu’elle replace dans le contexte de son Algérie natale.
Le dialogue des civilisations, un thème institué par...