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Souad Najjar in memoriam Quand l’ombre s’enfuit…

Il est des êtres qui traversent l’existence dans la réserve, à pas feutrés, telle une rumeur, un vent d’automne. Et quand ils tirent leur révérence, c’est sur la pointe des pieds, histoire de s’excuser d’avoir été là. Souad Najjar est partie samedi. Comme elle a vécu. Discrètement, subrepticement, autant dire avec tact. Longtemps, elle a œuvré pour le théâtre. En coulisse. Loin des feux de la rampe et du brouhaha des médias. Dès le début des années soixante, elle fut, avec quelques personnes dont la regrettée Jeanine Rebeiz, présente au coup d’envoi du théâtre libanais de l’âge d’or, qui s’est éclos dans une société d’intermédiaires, de courtiers, une société inculte, devenue arrogante suite à la multiplication miraculeuse de son pécule. Un théâtre dont on dira, un jour peut-être, que sa grandeur fut à l’inverse mesure de sa quête dérisoire d’un sens à la vie d’une nation tiraillée entre un cosmopolitisme suffisant et un internationalisme borné. Auprès des pionniers de cette époque, Souad Najjar sera l’ombre insistante qui veillera à subvenir aux sollicitations des artistes dont elle avait la charge, qui hantera les arrière-cours des ministères et autres donateurs éventuels, en chasse de ce qui pourrait être un soutien. Profitant des moyens (et du prestige) du Festival de Baalbeck, elle incitera la direction de cette institution à créer une troupe, puis une école, puis un théâtre, cette salle de la rue Kantari qui accueillera les principaux metteurs en scène pour une contrepartie insignifiante : mille deux cents livres libanaises par mois, soit deux cent cinquante dollars au taux d’alors, la moitié de la somme exigée par jour par les sallas d’aujourd’hui. Par ailleurs, Souad Najjar fera tout pour que le théâtre libanais ait droit de cité à l’acropole de Baalbeck. Sans suffisance ni complexes. Au même titre que les prestigieuses troupes étrangères qui s’illustraient entre les colonnes de Bacchus ou celles de Jupiter. Et quand des personnalités du gotha international, tels La Mamma, Peter Brook, étaient de passage et qu’ils subissaient les assauts des dames de la bonne société pressées d’orner de leur présence les folles soirées mondaines, Souad Najjar s’arrangeait pour nous faire rencontrer celles-là chez elle, à la dérobée, presque en contrebande. Une fois le bruit des années soixante évanoui, elle s’est évertuée à en inscrire les résonances dans un livre anthologie. Pour cela, elle sollicitera Khalida Saïd afin de consigner un « mouvement théâtral libanais de 1960 à 1975 », pavé de sept cents pages grand format, devenu un document de référence pour comprendre cette période. Sa dernière sortie, avant l’hôpital et malgré les mises en garde de ses médecins, fut au théâtre, pour assister à la dernière représentation d’al-Tariq ila Qana (Le chemin de Qana). Comme si l’écho de ce titre portait en soi un appel pour un départ dans l’espérance vers ce qui pourrait être un nouveau départ. Il est des ombres qui passent avec la lumière. Celle, fugitive, de Souad Najjar s’estompe et demeure, laissant des empreintes dans la courte histoire du théâtre libanais et aussi dans le cœur de ceux qui ont été au cœur de cet âge d’or. Souad Najjar s’est éclipsée comme elle a vécu, sur la pointe des pieds. Comme pour s’excuser d’avoir été utile, modeste et surtout généreuse… Jalal KHOURY
Il est des êtres qui traversent l’existence dans la réserve, à pas feutrés, telle une rumeur, un vent d’automne. Et quand ils tirent leur révérence, c’est sur la pointe des pieds, histoire de s’excuser d’avoir été là.
Souad Najjar est partie samedi. Comme elle a vécu. Discrètement, subrepticement, autant dire avec tact. Longtemps, elle a œuvré pour le...