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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - À Beyrouth pour un concert unique à l’église Saint-Joseph (USJ), demain à 20h30 L’âme et les couleurs roumaines avec le maestro Adrian Buciu

Fin, petit de taille, le regard bleu, la trentaine absolument dans le vent, maestro Adrian Buciu, arrivé en droite ligne de Bucarest, arbore en toute tranquillité ses nombreux « piercings ». À la paupière et aux oreilles, pour une fléchette et de petits anneaux argentés. Sans oublier un lourd bracelet, encore en argent, au bras et une chaînette au cou… « Oui, j’aime les bijoux pour les hommes et pour les femmes, confie-t-il en toute simplicité. En contrepartie de l’austérité de l’époque du régime soviétique, aujourd’hui cela ressemble à une revanche de liberté… » Un invité roumain de marque qui dirigera, demain, vendredi, en l’église Saint-Joseph (USJ), l’Orchestre symphonique national libanais. Rencontre au Conservatoire national supérieur de musique où il faut faire prudemment des slaloms entre fils barbelés, barrages militaires par mesure de sécurité et tentes plantées par les opposants qui continuent à bivouaquer au centre-ville. Quelqu’un s’est-il ému des déplacements des musiciens pour leur répétition avec des instruments qu’ils portent, emballés sous le bras (même sous une pluie battante), faisant à pied une bonne trotte, puisque garer à proximité est interdit ? Tant d’humiliation est révoltant. Mais une conversation à bâtons rompus avec maestro Adrian Buciu, lui aussi témoin de ces scènes de rue peu convenables, est autrement plus intéressante. Né en 1976 dans une famille cultivée, où l’art et la culture sous toutes leurs formes semblent de rigueur, Adrian Buciu a parfaitement connaissance de la beauté et de l’originalité de son prénom. Oui, il a bien lu Les mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, mais traduit en roumain. Un empereur romain que son père admire davantage pour sa culture que pour ses prouesses guerrières. Musicalement, tout a commencé vers l’âge de huit ans avec les cours de piano. Mais c’est la flûte qui a la préférence du jeune garçon qui donne déjà, avec succès, ses premiers concerts à l’adolescence. Concertiste pour flûte, entre compétitions et plusieurs prix enlevés haut la main, sa passion se porte naturellement davantage vers la musique de chambre et le baroque. Tout en assumant une carrière de chef d’orchestre, section opéra, à l’Université nationale de musique de Bucarest. De nature optimiste, il confie volontiers qu’il voit « le ciel toujours bleu… » Poète ? « Non, tranche-t-il, je n’ai pas le don de la poésie ! » Au programme concocté pour ce concert unique, rien que de la musique roumaine. Une révélation pour les mélomanes libanais qui, dans le peloton, n’auront que les sonorités familières d’Enesco. Non pas une musique triste, mais celle qui rend toutes les ardeurs à l’âme et les couleurs aux joues. De cette musique où le folklore a toutes les tonalités et les vibrations de la vie. Seront interprétées des pages d’A. Alessandrescu (Crépuscule d’automne), Dan Buciu, le père du maestro (Suite nostalgique), Théodore Rogalski (Trois danses roumaines) et la Seconde rhapsodie de George Enesco. Une musique certes contemporaine, mais qui parle surtout du terroir et des racines d’un pays aux multiples enchantements. Fervent lecteur des livres d’histoire, découvrant avec volupté l’univers d’Andreï Roublev, à travers la caméra de Tarkovski, farouche opposant à la consommation passive de la télé, maestro Buciu, tout en aimant les titans de la musique classique (Bach, Mozart, Beethoven, Brahms), n’en aime pas moins Dvorak avec tout ce qui le lie indissolublement au folklore… « Je suis très heureux d’être au Liban, souligne-t-il, malgré ce que je vois dans la rue… Et puis c’est un bonheur que de répéter avec l’Orchestre symphonique national libanais qui est le plus heureux des orchestres que j’aie rencontrés ! Il y a un tel sens de la liberté et de l’harmonie dans son ensemble que j’en suis absolument ravi et retourné ! Dommage aussi que j’aie pris trop rapidement mon billet retour… J’aurai voulu voir davantage de paysages et de sites. J’ai visité un peu Beyrouth et Broummana, mais cela m’est insuffisant… Par ailleurs, je suis aussi curieux de l’accueil que réservera le public à la musique que je lui présente… Une musique loin des tristesses inutiles, qui parle surtout de joie, de dynamisme, d’espoir. » C’est là un hymne à la vie, reflet de l’incorrigible optimisme d’un maestro qui croit ferme aux vertus des terres inaliénables. La Roumanie l’atteste en mille mélodies qui ont la grâce, la ferveur et la force tranquille de ses paisibles villages ancrés dans le vert des campagnes… Edgar DAVIDIAN

Fin, petit de taille, le regard bleu, la trentaine absolument dans le vent, maestro Adrian Buciu, arrivé en droite ligne de Bucarest, arbore en toute tranquillité ses nombreux « piercings ». À la paupière et aux oreilles, pour une fléchette et de petits anneaux argentés. Sans oublier un lourd bracelet, encore en argent, au bras et une chaînette au cou… « Oui, j’aime les...