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Actualités - CHRONOLOGIE

LES RENCONTRES CULTURELLES DE « L’ORIENT-LE JOUR » - Au Monnot, en collaboration avec la Maison du livre « Où va le théâtre libanais ? » Les professionnels et grands amateurs se concertent

À tout seigneur, tout honneur. C’est par le théâtre, cet art qui sollicite tous les autres, qu’a été donné le coup d’envoi, au Monnot, des Rencontres culturelles, mensuelles, de L’Orient-Le Jour, organisées en collaboration avec la Maison du livre. « Où va le théâtre libanais ?» L’interrogation – inquiète – posée par la comédienne (animatrice du débat) Randa Asmar était adressée à trois metteurs en scène : Jalal Khoury, qui a vécu les évolutions de la scène libanaise depuis les années soixante ; Joe Kodeih, de la génération des années d’après-guerre, et Lina Khoury, dont la pièce Haké Neswan (Propos de femmes) fait, depuis quelques mois, un vrai tabac. La question s’adressait également au public de cette rencontre conviviale formée, en l’occurrence, de passionnés de théâtre. Lesquels, par leur seule présence à ce débat, montraient que s’il y a peut-être lieu de s’inquiéter de la situation du théâtre au Liban, il ne faut pas pour autant décréter sa mort. Et pourtant, les propos de Jalal Khoury portaient clairement un avis de décès. Ce pionnier de l’âge d’or du théâtre au Liban semble convaincu que la désaffection du public envers le théâtre résulte d’un problème structurel et non pas de la situation économico-politique du pays. « Importé d’Occident par Maroun Naccache, en 1848, cet art a été greffé artificiellement à notre culture. Malgré son succès dans les années soixante, le théâtre, dans sa forme héritée, n’a pas sa raison d’être », a-t-il affirmé. « D’ailleurs, la tentative de l’enraciner dure depuis Maroun Naccache qui, lui-même, écrivait à la fin de sa vie : “La pérennité de cet art dans notre pays relève de l’impossible ”. Il est d’ailleurs en déclin même en Occident. On a enregistré en France, par exemple, une baisse de 25 % de fréquentation des salles de théâtre au cours des dix dernières années. » Démontrant, statistiques à l’appui, que « ce » théâtre, « importé d’une civilisation matérielle, tout comme la démocratie qui a également échoué dans ce pays », est mort, Jalal Khoury a estimé qu’il faudrait le remplacer « par ce qui pourrait être plus enraciné dans notre tradition, plus en phase avec le spirituel ». Un public, toujours le même Pour Joe Kodeih, qui a repris la relève après la guerre, le théâtre libanais est confronté à de multiples problèmes (de formation, de textes, de financement, etc.), mais doit malgré tout continuer parce qu’il a toujours un public. «Un public relativement restreint, toujours le même, qui se déplace de salle en salle. Un public qu’il faudrait étoffer en initiant la jeune génération d’écoliers au théâtre. » Même son de cloche chez Lina Khoury qui a relevé, pour sa part, que le manque de culture scénique des jeunes est suppléé par l’authentique passion des étudiants en art dramatique. « Il y a aussi un problème de clivages et de cliques théâtrales ainsi qu’une lacune au niveau des textes qui abordent les sujets qui intéressent réellement le public libanais.» Aborder des sujets qui intéressent les gens Pour Lina Khoury, qui « essaye de savoir ce que veulent les spectateurs », le metteur en scène ne doit pas imposer au public son propre langage, mais doit essayer au contraire de lui parler dans une langue qu’il peut comprendre. Un avis partagé par de nombreuses personnes dans la salle, dont le metteur en scène et professeur de théâtre Maurice Maalouf, lequel a regretté que ce débat n’ait pas abordé les bonnes questions. À savoir : «Que doit-on faire pour améliorer les choses ? Quels genres et quelles formes doit-on travailler aujourd’hui ? Quel langage est susceptible de plaire au public contemporain ? Que faut-il faire pour introduire le théâtre libanais dans l’ère de l’industrialisation (dans le show-business, avec agents de comédiens, etc.) » Sauf que pour Maalouf, quels que soient les problèmes actuels, « rien n’arrêtera le théâtre, malgré les hauts et les bas par lesquels il peut passer». Car le théâtre, « art vivant et interactif par excellence », comme le signale Joe Kodeih, « fonctionne beaucoup sur l’amour entre les gens qui viennent voir une pièce et ceux qui la jouent. » « Et, comme toujours quand il s’agit d’amour, l’on ne peut pas expliquer l’engouement qu’éprouve le public pour telle pièce et pas telle autre », fait remarquer Jalal Khoury. Ce a quoi répondra une dame dans la salle : qu’au contraire, l’explication de certaines pièces qui fonctionnent réside peut-être dans le fait que ces œuvres « viennent à point nommé répondre aux préoccupations des gens et dire tout haut ce qu’ils pensent au fond d’eux ». Enfin, c’est sur une note positive que s’est terminée la rencontre, avec l’assurance de Bernard Banos-Roblès, attaché culturel près l’ambassade de France au Liban, que « le théâtre libanais n’est pas mort. Il fonctionne à tous les niveaux : scolaire, universitaire, utilitaire (dans les milieux sociaux défavorisés), de divertissement (théâtre de rue) ou classique. Et il joue pleinement son rôle social, en abordant, contrairement aux arts plastiques, d’autres thèmes que la guerre ». Rappelons que ces rencontres se dérouleront désormais à raison d’une par mois au théâtre Monnot. Le thème de la prochaine séance, prévue le 7 mars à 18h00, sera l’édition de jeunesse. Avec la participation de deux « pointures » étrangères, Haznig Chahinian, responsable du secteur interculturel de l’association La joie par les livres (Paris), et Mohieddine Labbad, grand illustrateur égyptien. Z. Z.
À tout seigneur, tout honneur. C’est par le théâtre, cet art qui sollicite tous les autres, qu’a été donné le coup d’envoi, au Monnot, des Rencontres culturelles, mensuelles, de L’Orient-Le Jour, organisées en collaboration avec la Maison du livre.
« Où va le théâtre libanais ?» L’interrogation – inquiète – posée par la comédienne (animatrice du débat)...