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Une perversion libanaise ordinaire

Ces mots se sont imposés à moi avec force, au fil des jours, tant ils me semblent illustrer notre quotidien au Liban. Perversion d’abord au niveau du fonctionnement démocratique. Dans la forme la plus connue de la démocratie, une majorité se constitue issue d’élections. Elle forme ensuite un gouvernement qui dirige le pays pendant un temps déterminé. De même, une minorité apparaît, qui joue son rôle d’opposition en dehors du gouvernement tout en espérant devenir, à son tour, la future majorité après de nouvelles élections. Au Liban, nous avons bien une majorité et une minorité, mais celle-ci exige de faire partie de la majorité et de pratiquer l’opposition à l’intérieur du gouvernement! Pratiques perverties introduites par les Syriens et que la planète entière semble vouloir renforcer puisque tous les gouvernements s’attellent à étudier une formule les justifiant. Perversion aussi au niveau du langage: nous entendons des politiciens, des diplomates, des analystes de tous poils gloser sur la nécessité de la «moucharaka», de l’union nationale, du dialogue indispensable, de l’élimination de la corruption, etc. Les citoyens débattent entre eux de ces sujets en étant persuadés qu’ils constituent les vraies pierres d’achoppement à la solution de la crise actuelle. Alors qu’en réalité, ces revendications ne sont offertes aux Libanais que pour les leurrer. Car la vérité réside dans ce qui n’est pas publiquement exprimé; elle réside dans cette réalité qu’il nous faut affronter avec lucidité: le Liban, pays fragile et «instrumentalisable» à souhait, est un terrain expérimental pour les gouvernements internationaux qui y transfèrent leurs conflits et y poursuivent leurs propres objectifs et cela par l’intermédiaire de groupes ou d’individus très intéressés à exécuter les instructions de ces gouvernements-là. Perversion encore au niveau de l’identité libanaise. Jamais nous n’avons observé autant de drapeaux libanais agités par les manifestants de toutes les dates du calendrier. Leurs leaders déclarent haut et fort que toutes leurs revendications ne visent qu’à promouvoir l’avènement d’un Liban «amélioré», plus développé, plus juste, etc. Alors que tous ces leaders sans exception se sont placés sous une tutelle étrangère au Liban s’appuient sur une puissance internationale pour réaliser ses ambitions qui se juxtaposent aux leurs. Comment peut-on véritablement se préoccuper des intérêts de son pays tout en étant inféodé à un autre? Comment le Liban, éclaté en entités multiples et opposées, peut-il espérer s’unifier et se constituer en nation? Nous vivons dans cette situation clivée depuis des dizaines d’années, bien avant la dernière guerre civile, et c’est ce clivage-là qui constitue une des causes fondamentales de l’échec de l’édification d’un État de droit et de justice égale pour tous. Oui, il y a quelque chose qui n’en finit pas de pourrir dans cette République libanaise. Et croyez-moi, ce n’est pas une simple répartie théâtrale. David SAHYOUN
Ces mots se sont imposés à moi avec force, au fil des jours, tant ils me semblent illustrer notre quotidien au Liban.
Perversion d’abord au niveau du fonctionnement démocratique. Dans la forme la plus connue de la démocratie, une majorité se constitue issue d’élections. Elle forme ensuite un gouvernement qui dirige le pays pendant un temps déterminé. De même, une...