INITIATIVE - Signé Frank Gehry, Zaha Hadid, Jean Nouvel et Tadao Ando Projet pharaonique à Abou Dhabi, un complexe culturel prévu pour 2012 NEW YORK, de Sylviane ZEHIL

Le Moyen-Orient deviendra-t-il une des régions d’avenir en matière de culture contemporaine? En 2012, les Émirats arabes unis (EAU) se doteront d’un grand projet de développement d’une ampleur pharaonique de plus de 27 milliards de dollars sur l’île de Saadiyat (île du Bonheur) de 27 km de large, à 500 mètres des côtes de la capitale Abou Dhabi. Ce projet donnera une nouvelle dimension culturelle à la région. L’art et la culture semblent flirter avec l’argent et le pouvoir. Les grands magnats du pétrole veulent créer une destination touristique qui devra attirer une clientèle avide de nouveautés contemporaines révolutionnaires. Un rêve si cher que caresse cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyan, président des Émirats arabes unis et gouverneur d’Abou Dhabi. La grande exposition de maquettes, qui a été inaugurée le 31 janvier au prestigieux Emirates Palace Hotel à Abou Dhabi par le président du Conseil exécutif, le prince héritier cheikh Mohammad ben Zayed al-Nahyan, en présence de dignitaires et princes arabes, dévoile un ambitieux projet novateur. Il comprendra un espace consacré aux arts lyriques et plastiques (danse, théâtre, musique) conçu par la célèbre architecte d’origine libanaise Zaha Hadid, un musée Guggenheim, réalisation de l’architecte américain Frank Gehry; un musée de la mer signé par le Japonais Tadao Ando, reflétant la riche histoire maritime des Émirats arabes unis et du golfe Arabique ; et un musée d’art classique imaginé par l’architecte français auteur du musée du quai Branly, Jean Nouvel. Ce musée pourrait être réalisé en collaboration avec un consortium d’institutions prestigieuses, notamment l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, le Prado de Madrid, le Kunsthirstoriches Museum de Vienne, et le musée Topkapi d’Istanbul. Trois des quatre architectes de renommée internationale sont détenteurs du prestigieux prix Pritzker. Le musée Guggenheim d’Abou Dhabi est imaginé par Frank Gehry. Après New York, Venise, Bilbao, Berlin, et Las Vegas, Abou Dhabi viendra s’ajouter au fleuron de cette fondation. À l’instar de Bilbao, le musée Guggenheim, d’une surface de 30000 m2, sera le plus grand des cinq autres et aussi le plus spectaculaire. Il abritera les collections permanentes, archives, bibliothèque, centre de recherche et laboratoire de conservation des plus modernes. Par son style spécifique, l’édifice qui trouvera parfaitement sa place dans l’environnement portera la marque inventive du célèbre architecte américain Frank Gehry. «Il est clair qu’au début, il fallait que cela soit une nouvelle invention. Les requis pour construire quelque chose que le peuple du monde entier pourrait visiter, le site même virtuellement dans l’eau, le paysage désertique, la mer merveilleuse et la qualité de la lumière, tout cela contribue à suivre une certaine direction architecturale», a dit l’architecte Frank Gehry. Les œuvres à représentations religieuses ou allégoriques y trouveront-elles leur place? Il est certes difficile d’imaginer l’exposition d’œuvres de Robert Mapplethorpe, Andy Warhol, ou Georgia O’Keefe. L’idée est d’offrir un large aperçu de l’art contemporain avec une place spéciale pour le Proche-Orient. Il est certain que la fondation Guggenheim tiendra compte des sensibilités islamiques. La stratégie des autorités locales consiste à faire de l’île un pôle d’attraction touristique de niveau international. Il devrait être achevé en 2018 avec la création de 29 hôtels, deux golfs, plusieurs ports de plaisance pouvant accueillir 10000 bateaux. À cela s’ajoutera l’animation du lieu par une biennale d’art, des foires et expositions. Le site pourra abriter plus de 150000 personnes. Ce projet a pour objectif de devenir un catalyseur, d’ouvrir cette partie du monde à la culture moderne. «La culture joue un rôle-clé dans une meilleure compréhension des nations entre elles» a déclaré cheikh Mohammad ben Zayed al-Nahyan, frère du prince héritier et Premier ministre. Pour le directeur de la fondation Guggenheim, Thomas Krent, «notre objectif est de nous engager dans un échange culturel». Tous les ingrédients sont rassemblés pour que ce projet soit une parfaite réussite.