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Actualités - OPINION

LE POINT Frères en armes Christian MERVILLE

La guerre interpalestinienne, c’est aussi une guerre de revendications. Hier, ils étaient deux mouvements à prétendre avoir organisé l’attentat survenu quelques minutes plus tôt à Eilat, sur la mer Rouge, contre la boulangerie Lehamim du centre commercial Isidore. Le fait que les communiqués émanaient l’un du groupe extrémiste Jihad islamique, l’autre des brigades des Martyrs d’al-Aqsa proches du Fateh n’aura provoqué aucun haussement de sourcils dans l’univers glauque de Gaza, un territoire livré depuis plus d’un mois à des mafiosi qui n’ont rien à voir avec une certaine guerre de libération aujourd’hui oubliée. Et dire qu’il y a quelques jours à peine, on discutait ferme à Damas de la répartition des portefeuilles au sein d’un cabinet d’union nationale – sans parvenir, il est vrai, à un accord, mais en promettant toutefois que les discussions allaient se poursuivre deux semaines durant. Tout cela semble désormais bien loin, à l’heure où l’on se bat à coups d’armes automatiques et de grenades. D’enlèvements et de contre-enlèvements aussi, qui n’épargnent personne. On kidnappe des adolescents pour la seule raison qu’ils sont les enfants d’un colonel, ou encore du commandant des forces de sécurité nationale. Par familles entières, les gens retrouvent le chemin de l’exode, à la recherche d’un abri – provisoire, espèrent-ils – en attendant un hypothétique retour au calme. Une voix s’est élevée hier, comme venue d’un astre situé à des années-lumière : celle du Premier ministre Ismaïl Haniyeh, invitant la population à maintenir l’unité nationale. C’est bien ça : le bon peuple prié de faire montre de cohésion alors que ce sont des bandes armées qui ont découpé la cité en zones d’influence où règne un banditisme débridé digne des heures les plus sombres de Chicago. Il fut un temps, pas si lointain, où le Hamas semblait à bout de souffle, incapable de s’en tenir longtemps encore à son refus de reconnaître l’existence de l’ennemi, menacé d’asphyxie financière en raison de l’arrêt des aides qui permettaient de payer les traitements et de faire tourner, même au ralenti, le semblant de machine gouvernementale péniblement mise en place après les élections législatives. C’était l’époque où Khaled Mechaal lançait sa bombe : « Il va rester un État qui s’appelle Israël, c’est un fait, Le problème, c’est que l’État palestinien n’existe pas », reconnaissait-il dans une interview, sans aller toutefois jusqu’à envisager la possibilité d’une normalisation prochaine. Depuis, l’argent a recommencé à couler, avec les 100 millions de dollars enfin débloqués par Tel-Aviv et, dit-on, des promesses de crédits s’élevant à un milliard de dollars. Tout cela a coïncidé avec l’annonce par le chef de l’Autorité de la prochaine organisation d’élections législatives anticipées et même d’un scrutin pour la désignation d’un nouveau président, après le capotage des pourparlers avec le Hamas. C’est dans un climat ouvert sur les pires éventualités qu’est survenue l’offre du roi Abdallah d’Arabie saoudite d’héberger à La Mecque une nouvelle rencontre des frères ennemis. Déjà en soi, l’initiative est sans précédent. Jusqu’alors, le royaume wahhabite s’était contenté de verser aux Palestiniens de substantiels subsides sans jamais s’immiscer dans leurs affaires, se contentant de temps à autre de prodiguer quelques conseils que les bénéficiaires de cette manne écoutaient poliment, sans paraître y attacher grande importance. Survenant après l’échec de la « percée » damascène manquée, et maintenant que se confirme le désamour cairote pour ce qui fut la cause numéro un de Gamal Abdel Nasser, la démarche de dimanche constituerait une forme de pression à laquelle les deux parties concernées ne sauraient rester indifférentes. Face à la nouvelle dégradation de la situation, le cabinet Olmert se montre aussi inquiet que les pays arabes. « Nous ne pouvons nous permettre de voir une telle anarchie s’installer à nos portes, reconnaissait hier le ministre de l’Immigration Zeeb Boïm. Cela pourrait avoir, chez nous, un effet boomerang. » Deux heures plus tard, se produisait l’attaque-suicide qui a fait, outre le kamikaze, trois tués. Malgré cette opération, à Gaza où la paranoïa a atteint un degré paroxysmique, l’ennemi désigné par la vindicte des islamistes n’est plus le grand méchant Israélien mais Mohammad Dahlan. L’ex-chef (entre 1994 et 2003) de la sécurité préventive est accusé d’avoir mis sur pied, avec l’aide de l’Amérique et de l’État hébreu, des « escadrons de la mort » chargés de liquider les dirigeants extrémistes. Une rumeur comme une autre, dans une ville où les jours s’écoulent au rythme des fausses nouvelles. Trop occupés à rester en vie, les Gazaïotes voient s’égrener les heures qui les séparent d’une paix à laquelle ils n’osent plus croire.
La guerre interpalestinienne, c’est aussi une guerre de revendications. Hier, ils étaient deux mouvements à prétendre avoir organisé l’attentat survenu quelques minutes plus tôt à Eilat, sur la mer Rouge, contre la boulangerie Lehamim du centre commercial Isidore. Le fait que les communiqués émanaient l’un du groupe extrémiste Jihad islamique, l’autre des brigades des...