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Actualités - OPINIONS

Les lecteurs réagissent au « mardi noir »

Vive la démocratie ! Quelle leçon de démocratie nous ont donnée les forces de l’opposition ! Brûler des pneus, empêcher les gens qui ont une autre opinion d’aller à leur travail, empêcher des malades d’arriver à l’hôpital pour suivre des traitements – de survie parfois... Si c’est cela la démocratie, nous sommes une majorité qui ne la veut pas. Dire que les forces de sécurité n’ont pas à intervenir, même en cas de perturbation majeure, parce que ces parties ont leurs propres agents de sécurité, a de quoi surprendre, venant d’un responsable qui a occupé justement le poste le plus important dans l’État. Ma question est la suivante : la maturité et la sagesse sont deux choses qu’on apprend au fil des ans. Qu’avons-nous appris ? Que reste-t-il de tous les mauvais calculs qui n’ont fait qu’élargir le fossé dans les rangs de ce peuple qui ne demande qu’à vivre ? Des fautes ? Il y en a de part et d’autre, mais de grâce, laissez nos petits-enfants éviter ce qui a été le lot de leurs parents Maud NASR Un pays qui n’existe pas Comment avoir confiance dans nos politiciens, dans nos concitoyens ? Les premiers nous inondent de promesses, dans le cadre de leurs luttes d’intérêts travesties en débat de grands principes, essayant de convaincre leurs cheptels de fidèles dévots par la parole que « la couleur du cheval blanc d’Henri IV est brune ». Les seconds balancent entre un État de « chers concitoyens » durant la période qui s’étale entre deux élections, en prenant la ferme résolution de ne plus croire aux mensonges des premiers, et entre une condition de « citoyens, chers et... » au moment des campagnes électorales. Dans ce pays, on ne peut plus avoir confiance en personne. Les politiciens menés par le bout du nez, chacun par une puissance régionale ou internationale, forment deux clans bien distincts, les mains profondément enfoncées dans les poches des citoyens. Ainsi, me rendant à mon lieu de travail, je revois les partisans de tel ou tel caïd s’affronter, s’invectiver et fouler aux pieds une nation qui tente à chaque fois, tant bien que mal, d’émerger des cendres d’une guerre infligée par des tiers. La première chose qui me vient alors à l’esprit, en commémorant le souvenir des 200 000 victimes de la guerre civile : être martyr au Liban, c’est tomber pour une cause qui n’en est pas une, mourir pour un mirage. Cela amène enfin l’interrogation suivante : si la mort n’a aucune valeur, la vie a-t-elle un sens dans un pays qui n’existe pas ? Marie-Josée RIZKALLAH À l’exemple du roseau Il est temps de dresser le bilan des événements tragiques de mardi. Comme on pouvait le prévoir, la majorité a perdu et de nombreuses personnes se sont abstenues d’aller travailler. Seuls quelques sympathisants sont allés, la fleur au fusil, affronter les manifestants. Comme on pouvait le prévoir également, l’opposition a perdu. Elle a perdu son pari de garder à ces manifestations leur caractère pacifique. Il est vrai que durant les années 80, des manifestations violentes avaient lieu pour protester contre l’inflation qui faisait rage alors. Nul à l’époque n’osait affronter les milices, seigneurs de la guerre, et autres gourous armés. À l’époque également, je me souviens de pneus brûlés sur les routes, non de la violence des manifestations. Les manifestations servaient alors d’exutoire à la violence des milices. Nous n’avons rien appris de notre passé, de notre histoire. Les deux partis, majorité et opposition, ont perdu le droit de s’exprimer au nom de la majorité de la population. Ils ont démontré ensemble leur incapacité à gouverner. Nos dirigeants devraient relire leurs Fables de La Fontaine et, de manière particulière, la Fable du chêne et du roseau. On ne fait jamais face à une tempête, on plie pour mieux l’affronter. Le blocage du système politique démontre que ce système n’est pas gérable en raison de la classe politique actuelle, héritée des années de souffrance. Le système politique libanais a démontré que son caractère sectaire et communautaire doit être annihilé. La révolution du Cèdre n’est pas achevée. François EL-BACHA Confrontation ou construction ? Tant que la situation reste ce qu’elle est, on peut être sûr que les grands gagnants sont ceux qui veulent notre perte, ceux qui veulent voir un Liban faible et soumis. Et cessons de nous bercer d’illusions, nous ne sortirons pas vainqueurs si nous sommes mus par la haine de l’autre. Cet autre est un frère, un Libanais. On peut avoir des opinions divergentes, mais cela ne doit pas nous rendre aveugles. Cet autre que je veux détruire est un concitoyen. La haine qui prend vie de quelque côté que l’on se place est méprisable. Le motif de la grève qui a eu lieu peut être valable à la base, mais cette façon d’exprimer son opinion est inacceptable. Liberté d’expression, démocratie, droits, oui, mais sans bafouer les droits des autres. Le message de cette grève est passé à côté de son but ; il n’a pas été entendu, ni retenu. Tout ce qui reste de cette journée, c’est une privation des libertés, la destruction des biens publics et une dégradation de l’image des manifestants. N’est-il pas temps de changer de stratégie ? En quoi brûler des pneus, barrer les routes et se battre est-il démocratique ? Lorsque l’on voit de jeunes Libanais se battre, il y a de quoi avoir honte. Et dire qu’ils sont les futurs médecins, avocats, ingénieurs, architectes…ils sont l’avenir du Liban, et voilà comment ils se comportent. De plus, savent-ils vraiment pourquoi ils se battent ? Quand donc comprendra-t-on que dans le vécu de la différence réside une grande richesse ? Quand donc cessera-t-on de voir en l’autre une menace à éliminer ? Alors confrontation ou coopération ? Confrontation ou construction ? La balle est entre nos mains. N’oublions pas que 8+14 = 22. Rana HATEM Juste une question de couleur... Il s’est probablement levé tôt, très tôt (a-t-il simplement dormi cette nuit ?), fulminant, attendant religieusement le mot d’ordre pour s’élancer dans sa journée de justicier. Il a revêtu fièrement son éternelle écharpe orange devenue symbole de son identité (dommage, j’aurais préféré le voir porter les couleurs du drapeau national). À quoi pensait-il en dévalant les escaliers pour aller aux points de ralliement de son parti ? Quelles étaient ses revendications, ses motivations ? À quoi pensait-il lorsqu’il s’est autoproclamé justicier, voire bourreau, et a fait de son corps un rempart à ses concitoyens leur dénigrant le droit d’aller à leur travail ? Quelle fut sa logique lorsqu’il jugea légitime de couper les routes, lui qui, depuis quinze ans, se bat contre les brimades, oppressions et hégémonies en tout genre, lui qui était le champion toutes catégories de la revendication de l’État de droit et de la démocratie ? Jouer les pyromanes, faire de sa capitale un nouveau Kaboul, devenir un vulgaire casseur, être le porte-étendard de valeurs et d’une cause qui ne sont pas les nôtres, est-ce là le but de mon ami aouniste, devenu à son corps défendant un pion, une marionnette qu’on stocke dans les tentes du centre-ville et qu’on parque devant les barricades pour en faire de la chair à canon, victime de l’aventurisme, des intérêts individuels et des tiraillements géopolitiques de la terre entière ? Comment mon ami aouniste en est-il arrivé là ? Nous fûmes pourtant, lui et moi, longtemps dans le même navire. Malheureusement, beaucoup d’eau a coulé depuis et les élections sont passées par là, avec leur lot d’alliances incompréhensibles, de prises de position insoutenables, de revirements rocambolesques, de radicalisations, de mauvaise foi, de dialogues de sourds, de complaisances criminelles, de caution impardonnable à une guerre injustifiée et suicidaire, et, cerise sur le gâteau, une feuille de route avec un parti – et non une communauté – à la pensée idéologique et totalitaire aux antipodes de mes aspirations pour un Liban pluriel, démocrate et multiconfessionnel. Mon ami aouniste, en insultant et frappant son frère, a-t-il mesuré les conséquences de ses actes ? Mon ami aouniste, en vociférant et en crachant sa haine et son mépris, sait-il qu’il hypothèque l’avenir de ses fils et des miens dans ce beau pays, et qu’il agit à l’encontre de tous ses idéaux et ses combats passés ? Mon ami aouniste ne se rend-il pas compte de l’instrumentalisation dont il est victime, à des fins totalement contradictoires avec ses aspirations ? J’ai essayé toute la journée de ce mardi de comprendre mon ami, le pourquoi du comment de la dérive suicidaire de ce 23 janvier et j’ai fini par réaliser que la seule, vraiment seule, mais énorme différence qui nous sépare est juste une question de couleur : lui voit la vie et le rêve en orange, alors que moi, je ne vois, respire, mange et rêve qu’en rouge, vert et blanc… Dr Maria BASSIL Regrets Je regrette. Oui, je regrette d’avoir voté pour le général Aoun. Je regrette chaque manifestation pour le retour de ce dernier de son exil. Je regrette chaque instant passé à le défendre, à expliquer ses points de vue, à convaincre les gens de voter pour lui. Mais je le croyais démocrate, libéral, prônant l’application de la 1559, le désarmement de toutes les milices, attaché à la légalité, lui qui a fait la guerre aux milices chrétiennes au nom de la légalité. Je le croyais chef d’un courant patriotique, libre, civil, civilisé. Je regrette encore ma joie et ma satisfaction lors de la libération du chef des FL, bien que je n’aie jamais été un de ses partisans. Je constate, jour après jour, qu’il nous aurait été beaucoup plus utile, beaucoup moins dangereux s’ils étaient restés tous les deux là où ils étaient. Et les chrétiens dans tout cela ? Alors que les régions sunnites et chiites manifestent sans grands incidents, ce sont les régions chrétiennes, encore une fois, qui paient le prix. Ce sont les leaders chrétiens et leurs partisans, encore une fois, qui s’affrontent. Quant à moi, j’avais prévu de travailler au Liban. Aujourd’hui, je change d’avis. En juin, je termine mon mastère, je fais mes valises et je quitte pour un pays qui aura de la place pour moi. Les Libanais, les vrais, n’ont désormais que le Bon Dieu et ses saints pour sauver encore ce qui reste. Camille MOURANI NDLR Dans le nombreux courrier que nous recevons quotidiennement, certaines lettres comportent des passages qui seraient difficilement publiables. Pour cette raison, et aussi afin de faire paraître le plus grand nombre possible de lettres, le journal se réserve le droit de n’en reproduire que les parties les plus significatives et d’en rectifier certains termes désobligeants. En outre, chaque missive doit comporter la signature (nom et prénom) de son auteur. Les lecteurs, nous en sommes certains, le comprendront, ce dont nous les remercions par avance.
Vive la démocratie !

Quelle leçon de démocratie nous ont donnée les forces de l’opposition ! Brûler des pneus, empêcher les gens qui ont une autre opinion d’aller à leur travail, empêcher des malades d’arriver à l’hôpital pour suivre des traitements – de survie parfois... Si c’est cela la démocratie, nous sommes une majorité qui ne la veut pas. Dire que les...