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Actualités - OPINION

Lettre au général...

L’histoire d’une nation se mesure souvent par la grandeur et la force de ses hommes libres, l’abnégation et l’audace de son peuple, le martyre et les souffrances de ses fils. Elle se définit aussi par la volonté et la capacité d’un chef à se distinguer en temps de crise et de danger par sa sagesse, sa témérité, son bon sens, sa détermination, à surmonter les difficultés, à contrôler ses états d’âme et à maîtriser ses ambitions au profit des intérêts du pays. À l’heure où les ennemis du Liban s’acharnent à saper ses fondements et ses structures étatiques, menaçant son existence, une prise de conscience immédiate de votre part s’impose. Une attitude claire et des positions fermes à l’égard des comploteurs peuvent changer le cours des événements et empêcher de basculer dans l’anarchie et la violence et de sombrer dans l’inconnu. C’est avec grande peine et profonde déception que je vous écris, mon général. La patrie saigne, le peuple souffre et la situation est critique. Fuir la réalité, étouffer la vérité et taire sa colère est une lâcheté, difficile à assumer et impossible à supporter. Briser le silence est un devoir. Par respect pour la mémoire de tous ses martyrs de l’indépendance, tombés héroïquement pour s’être battus fièrement et dignement, pour un Liban libéré de l’occupation et de l’hégémonie, débarrassé de toute tyrannie et d’injustice, que je m’adresse respectueusement à vous qui aviez incarné durant votre mandat et votre exil les principes et valeurs que ces jeunes patriotes d’aujourd’hui et d’hier ont si âprement défendus. Il est difficile pour une personne qui a respecté et admiré en vous courage, bravoure et dévouement à la cause libanaise de comprendre et d’expliquer votre revirement spectaculaire sur votre passé remarquable et votre retournement surprenant sur vos alliés d’hier, qu’on abat l’un après l’autre. Je me souviendrais toujours de votre appel retentissant pour la libération du Liban. Fraîchement diplômé, je commençais mes premiers pas dans la vie professionnelle à l’étranger où j’avais poursuivi mes études universitaires. J’avais quitté le pays quelques mois après l’assassinat de Béchir Gemayel, symbole et icône de la Résistance libanaise, la mort dans l’âme, désillusionné et déçu par les dissensions et les luttes fratricides, jurant de ne plus m’investir dans la cause. J’avais perçu en vous, mon général, la force, la modestie, l’intégrité et le franc-parler de Béchir, et je considérais que vous étiez à même de porter sa flamme et de poursuivre son combat. Envahi par un sentiment patriotique, je quitte tout et retourne au pays. Militant inconnu, au service d’une patrie en danger, j’étais avec des camarades à la tête de vos manifestations, agitant le drapeau libanais et brandissant vos portraits, chantant des hymnes à la gloire de la patrie, campant des jours et des nuits au seuil du palais présidentiel prêts à vous défendre avec nos vies, si vous le demandiez. Où sont passés ces jours où vous représentiez l’espoir d’une nation humiliée et blessée ? Que reste-t-il de ces moments forts et intenses de cette période où la justesse de votre cause, la noblesse de votre combat et la probité de vos paroles exaltaient la fierté et la ferveur d’un peuple épris de paix et de liberté. Depuis votre retour d’exil, tant attendu et tant acclamé, vous n’avez manifesté que colère et aversion envers vos alliés d’hier, qu’on abat l’un après l’autre et qui se sont battus audacieusement aux côtés de vos partisans contre l’oppresseur. Vous les avez critiqués et discrédités. Vous les avez combattus et empêché votre électorat de les soutenir lors des dernières élections législatives, en dépit des dangers encourus et des sacrifices consentis par la plupart pour la cause commune que vous défendiez. Actuellement, votre nouvelle alliance avec une coalition de partis, mouvements et personnalités politiques, à l’allégeance douteuse, est répréhensible, choquante et provoque en nous des sentiments d’indignation et de frustration. Vos alliés ne cessent, jour après jour, de vanter leurs liens étroits d’amitié et de fraternité avec un régime syrien qui, de sa part, n’a montré que mépris, haine et hostilité envers notre pays. Longtemps, il a souillé notre sol, sali l’honneur et la dignité de la patrie, offensé, écrasé le peuple pour l’asservir, bafoué ses droits et dilapidé les ressources de l’État. Hier encore, les forces de l’ordre découvraient des caches d’armes et d’explosifs destinés à semer la mort et la terreur. On continue jusqu’à ce jour de tuer des hommes libres pour leurs idées et convictions. Avez-vous oublié, mon général, les crimes de guerre commis le 13 octobre, lors de l’invasion des régions sous votre contrôle, à l’encontre de civils innocents et de dizaines de vos vaillants soldats qu’ils ont lâchement assassinés bien qu’ils se soient pacifiquement rendus ? Faut-il donc vous rappeler que vos compagnons d’aujourd’hui ont persécuté, sans relâche, durant votre exil, vos partisans et leurs camarades de lutte ? En fait, ils les ont frappés, piétinés, traînés, torturés et emprisonnés ; des militants ont aussi été kidnappés et assassinés, d’autres croupissent toujours dans les geôles syriennes ; leurs familles éplorées, déchirées par l’angoisse et la tourmente, attendent toujours impatiemment leur retour. Depuis des semaines, l’État et ses institutions sont paralysés par l’action irresponsable de votre coalition. Les manifestations, les mouvements de contestation, les menaces contre le gouvernement et l’occupation de lieux publics au centre-ville provoquent l’amertume d’une population avide de quiétude et d’harmonie. L’heure est grave et la situation difficile. Au nom des idéaux et valeurs que vous aviez insufflés à cette jeunesse en quête d’un avenir meilleur. Au nom de tout ce sang versé, de tous ces sacrifices consentis, pour toutes ces douleurs endurées, je vous conjure, mon général, de retirer votre soutien à ceux qui utilisent votre appui pour couvrir leurs actions et agissements contraires aux mœurs et traditions démocratiques de ce pays. Il est temps de rejoindre vos alliés naturels pour poursuivre ensemble la lutte jusqu’à la réalisation du rêve de la révolution du Cèdre : indépendance, souveraineté, liberté. Excusez ma franchise, mon général, comprenez ma colère, je n’avais que les mots pour atteindre votre cœur et ma plume pour secouer votre conscience. Je n’avais que les sentiments pour exprimer les idées, convictions, valeurs et principes qui étaient dans, un passé proche, les vôtres. Serge ABOU-HALKA Hommes d’affaires
L’histoire d’une nation se mesure souvent par la grandeur et la force de ses hommes libres, l’abnégation et l’audace de son peuple, le martyre et les souffrances de ses fils. Elle se définit aussi par la volonté et la capacité d’un chef à se distinguer en temps de crise et de danger par sa sagesse, sa témérité, son bon sens, sa détermination, à surmonter les...