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Entre interférences étrangères et crises internes, le chaos semble être la règle et la stabilité, l’exception La Somalie, un pays balkanisé

Plus de 98 % de la population partage la même langue, le somali, et la même religion, l’islam sunnite. Et pourtant, malgré cette homogénéité sur le papier, la Somalie est un pays complètement éclaté entre une multitude de confédérations de groupes, de clans et de sous-clans, de chefs de guerre, voire de familles, dont la plupart se sont dotés d’une milice. Cette balkanisation, combinée à une vaste circulation d’armes, est à l’origine de l’histoire mouvementée et sanglante d’un pays où le chaos semble être la règle et la stabilité, l’exception. En 1969, c’est précisément à cet éclatement, que le major général Siyad Barre a voulu mettre fin en prenant le pouvoir. Dix ans plus tard, le pays bascule dans une guerre civile meurtrière. Originairement socialiste, le président appelle les États-Unis à l’aide. En face, le principal mouvement rebelle, le somali Salvation Democratic Front (SSDF), bénéficie du soutien de l’Éthiopie. Dans ce contexte chaotique et face aux dérives autoritaires et mafieuses du régime de Siyad Barre, naissent de nombreux mouvements rebelles qui forment des alliances. La chute du président est dès lors inévitable. Il est renversé le 27 janvier 1991 par le général Mohammad Farah Aïdid, et contraint à l’exil. De manière prévisible, les alliances de circonstance entre les différents mouvements rebelles s’effondrent, chacun voulant désormais sa part du gâteau. Rapidement, le pays éclate. Le 18 mai 1991, les Issak proclament unilatéralement l’indépendance du Somaliland, une région au nord du pays. Alors que les combats se multiplient, les civils sont les premières victimes des violences et de la famine. La communauté internationale se décide à réagir. Avec des résultats désastreux. En 1992, les Américains lancent l’opération Restore Hope. Un fiasco total. L’année suivante, les Nations unies entrent dans l’arène. Rapidement, l’intervention tourne à l’affrontement avec les milices tribales qui ne peuvent accepter qu’on tente de restaurer un pouvoir central qui empiéterait sur leurs prébendes. La situation dégénère dans le sang et la violence jusqu’au retrait total des forces de l’ONU le 6 mars 1995. La Somalie est livrée à elle-même. En 1998, alors que trois régions, le Somaliland (au nord), le Puntland (au nord-est) et le sud du pays sont devenues, de facto, quasi autonomes, certains se raccrochent à l’idée d’une confédération pour restaurer la stabilité. Deux ans plus tard, le président djiboutien, profitant du fait que l’Éthiopie s’est détournée du dossier somalien en raison de son engagement dans une guerre avec l’Érythrée, organise, chez lui, une conférence de réconciliation somalienne. À l’issue de quatre mois d’intenses tractations, un gouvernement national transitoire est formé, dirigé par Abdulkassim Salat Hassan, qui s’installe à Mogadiscio. Ce gouvernement est notamment soutenu par les milices des tribunaux islamiques, qui sont apparues dans les années 90. Si la communauté internationale tend à reconnaître ce gouvernement, il est fragilisé par l’opposition de certains chefs de guerre et le retour aux affaires somaliennes de l’Éthiopie qui signe, durant l’été 2000, un arrêt des hostilités avec l’Érythrée. Dès lors, la Somalie est de nouveau l’enjeu des intérêts régionaux. D’un côté, l’Éthiopie souhaite une Somalie divisée en États fédéraux sur laquelle elle pourrait maintenir une influence, sinon un contrôle, de l’autre les pays arabes, au premier rang desquels l’Égypte, veulent une Somalie unifiée, hermétique à l’influence d’Addis-Abeba avec laquelle le Caire est en conflit sur le partage des eaux du Nil. Se greffe sur ces problématiques celle de l’islam radical, que l’Éthiopie veut endiguer et avec lequel, selon Addis-Abeba, le gouvernement de transition a des accointances. En 2004, alors que le gouvernement de transition est en perte de vitesse et de représentativité, un nouveau processus politique est lancé au terme de nouvelles négociations internationales. Ce processus prévoit la formation d’un nouveau Parlement transitoire, l’élection d’un président du Parlement en la personne de Sharif Hassan Sheikh Aden (limogé la semaine dernière par le président Yussuf), la nomination de Ahmad Abdullahi Yussuf à la présidence de la République et de Ali Mohammad Gedi à la tête d’un gouvernement fédéral national somalien de transition (GFT). Ce dernier est effectivement mis en place le 1er décembre 2004 et s’installe à Baïdoa, la situation à Mogadiscio étant trop instable. Alors que la tâche qui lui incombe est colossale, le gouvernement part en outre avec des handicaps de poids : l’opposition du Somaliand, de certains chefs de guerre et des mouvements islamistes. Ce sont ces derniers qui passent à l’offensive en juin 2006. Après avoir pris le contrôle de plusieurs régions du sud par la force, ils font tomber Mogadiscio. Six mois plus tard, ils sont mis en déroute par les forces somaliennes du GFT et les troupes éthiopiennes auxquelles ils avaient déclaré le jihad. Le tandem Yussuf/Gedi est de nouveau aux affaires. Les deux hommes ont repris leurs quartiers à Mogadiscio. Aujourd’hui, remettre le pays sur pied est une mission colossale. Le pouvoir doit, notamment, rebâtir une administration disparue, reconstruire un pays en ruines, désarmer la population, donner un avenir à une jeunesse qui, trop souvent, n’en entrevoit un que dans les milices. Lors de son passage, la semaine dernière, dans la capitale somalienne, l’envoyé spécial de l’ONU, François Fall, a déclaré : « Il s’agit de la meilleure chance de paix depuis seize ans en Somalie, et nous ne devons pas la gaspiller. » L’une des premières décisions du gouvernement ayant été de limoger le président du Parlement, Sharif Hassan Sheikh Aden, il semble toutefois que le dialogue, condition sine qua non d’une réconciliation nationale, ne soit pas sa priorité. E. S.
Plus de 98 % de la population partage la même langue, le somali, et la même religion, l’islam sunnite. Et pourtant, malgré cette homogénéité sur le papier, la Somalie est un pays complètement éclaté entre une multitude de confédérations de groupes, de clans et de sous-clans, de chefs de guerre, voire de familles, dont la plupart se sont dotés d’une milice. Cette...