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Actualités - OPINION

LE POINT Retour à Mogadiscio

La débâcle de l’autorité en place sous les coups de bélier d’une armée venue de l’extérieur et les premiers incidents avec celle-ci ; l’anarchie qui prévaut depuis ; les signes avant-coureurs d’une résistance à venir ; l’incapacité du gouvernement à reprendre les choses en main... Ne se dégage-t-il pas de la crise somalienne qui, brutalement, vient de resurgir, une impression de déjà-vu, mais dans cet Irak qui se rapproche un peu plus tous les jours de l’abîme dans lequel il est condamné à être englouti ? Tout comme paraissent voués à un interminable chaos certains États nés dans la foulée de la Première Guerre mondiale et des accords trop vite conclus, l’effondrement du Vieil Homme malade ayant créé un vide qui menaçait de tout happer. Hier mercredi, des avions américains ont attaqué des localités de l’extrême sud du pays où, dit-on, se sont repliés les salafistes qui forment le gros des troupes des tribunaux islamistes, mais aussi des agents d’el-Qaëda. Les bombardements visaient surtout une zone proche de la frontière kényane. La veille et lundi, un Hercules AC-130 venu de la base américaine de Djibouti avait pris pour cible ce qui a été présenté comme constituant le repaire d’un chef du réseau de Ben Laden, avec pour seul résultat la mort d’une vingtaine de civils. L’engagement militaire US, en appui à celui, plus massif, de l’Éthiopie a de quoi inquiéter les pays de la Corne de l’Afrique où l’on n’est pas près d’oublier les effets pour le moins improductifs de l’opération « Restore Hope », bien vite relayée par « Onusom II », dans les années 1992-1994. À l ’époque, dix-huit GI’s sont tués et, suprême humiliation, traînés dans les rues de Mogadiscio par les hommes d’un certain Mohammad Farah Aidid. Dont le fils, Hussein Aidid – devenu depuis citoyen yankee et ayant servi dans le corps des Marines – détient le portefeuille de l’Intérieur dans l’actuel gouvernement fédéral de transition. Il y a tout lieu de penser que la Maison-Blanche, désireuse sans doute d’effacer le souvenir du honteux retrait opéré fin mars 1994 et de poursuivre dans cette région du continent noir son combat contre le terrorisme international, est sur le point d’opérer un retour en force à Mogadiscio. Elle ne peut retarder indéfiniment le moment où elle devra cesser de compter sur l’allié de facto que représente le régime voisin de Meles Zenawi et lancer ses troupes dans la mêlée. Avec, probablement, les mêmes résultats – à peu de choses près – qu’en Irak, où l’on attendra longtemps encore l’instauration de la sécurité, la formation d’un pouvoir central fort et la reconstruction. Aidid, toujours lui, ne se fait aucune illusion sur le cours que sont appelés à prendre les événements. « Nous sommes un gouvernement symbolique, vient-il de reconnaître dans une interview à l’hebdomadaire Time. Nous n’avons pas d’institutions, même pas de siège officiel ni une force crédible. Sans une aide extérieure urgente, nous n’avons aucune chance d’édifier une nation. » Il omet de souligner au passage la nécessité pour l’équipe en place de réaliser l’union des adversaires d’hier et surtout de se montrer aussi efficace qu’eux en matière de rétablissement de l’ordre. Une campagne de ramassage des armes est demeurée sans résultat, l’amnistie de trois jours décrétée pour l’occasion ayant eu pour seul effet de faire grimper à des sommets jamais atteints le prix d’un fusil kalachnikov ou d’un « Technical », cette camionnette équipée d’une mitrailleuse qui hante encore la mémoire des Beyrouthins... Le vide créé par l’éclipse des islamistes ne sera pas facile à combler. À cette difficulté s’ajoute le fait que, la victoire de leurs ennemis ayant été remportée pratiquement sans combat, leurs effectifs demeurent pratiquement intacts, capables sous peu d’organiser une guérilla face à laquelle le pouvoir central se trouve cruellement démuni. En attendant un engagement en bonne et due forme de l’Amérique – et donc un enlisement, encore un, après ceux de l’Afghanistan et de l’Irak – il reste la solution du recours à une force panafricaine. À cet égard, le précédent de la résolution 1 725 du Conseil de sécurité de l’ONU ne pousse guère à l’optimisme, quand seul l’Ouganda avait accepté de contribuer à la création d’un tel corps expéditionnaire. Aujourd’hui, les experts estiment qu’il faudrait huit bataillons déployés sur le terrain pendant un minimum de douze mois, pour un coût global de 335 millions de dollars, si l’on veut assurer l’indispensable sécurité propice à un vaste processus de normalisation. Le retour, en début de semaine, du Premier ministre Ali Mohammad Gedi aura révélé la faiblesse de son équipe et son impopularité, due essentiellement à l’appui ouvert de l’Éthiopie. La confirmation de l’intervention militaire US ne saurait faciliter la recherche d’une solution mais pourrait plutôt créer un nouveau foyer de jihadistes de tous bords. Impénitents ! Qui, les Somaliens ? Mais non, les propagateurs de la démocratie... Christian MERVILLE

La débâcle de l’autorité en place sous les coups de bélier d’une armée venue de l’extérieur et les premiers incidents avec celle-ci ; l’anarchie qui prévaut depuis ; les signes avant-coureurs d’une résistance à venir ; l’incapacité du gouvernement à reprendre les choses en main... Ne se dégage-t-il pas de la crise somalienne qui, brutalement, vient de resurgir, une...