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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Chômage, boycott et bouclage, luttes fratricides... À Gaza, une Aïd morose

Pour les musulmans du monde entier, la célébration de l’Aïd al-Adha est synonyme d’agapes et de joie. Pour ceux de Gaza, cette année, la fête du Sacrifice n’aura jamais été aussi sinistre. Les salaires des nombreux fonctionnaires rarement versés pour cause de boycott international du gouvernement Hamas, le chômage, les affrontements fratricides entre combattants du Hamas et du Fateh, le siège quasiment hermétique imposé par Israël à la bande de Gaza, le froid, le ciel plombé : tout concourt à la morosité ambiante. Alors que chaque chef de famille est en principe tenu de sacrifier un animal, en souvenir du geste du patriarche Abraham qui était sur le point d’égorger son fils Ismaël lorsque Dieu lui a envoyé un mouton à immoler à la place de son enfant, les vendeurs de bétail font grise mine sur le grand marché de Gaza. « Je n’ai vendu qu’une chèvre et une petite brebis depuis ce matin », se lamente Ahmad Abou Warda, ajoutant : « L’an dernier à la même heure, une trentaine. Même en baissant les prix, il n’y a pas d’acheteur. Les gens sont fauchés. » Il demande 110 à 200 dollars pour un mouton et assure être prêt à descendre plus bas. Nahed Chochaa, un policier ventru aux mains comme des battoirs, soulève les babines d’une brebis, demande son prix et s’éloigne. « L’an dernier, on s’était mis à plusieurs collègues pour acheter une vache. Cette année, je cherche un petit mouton parce que personne n’a voulu se joindre à moi. Pour le payer, j’ai travaillé dans la construction et vendu les oranges du verger de mon père. J’ai de la chance », dit-il. La tradition veut que pour l’Aïd on gâte les enfants, on les habille de neuf et leur offre jouets et bonbons. Malgré ses vociférations, Sameh Chouhaibar n’arrive pas à faire approcher le chaland de son étal brillant de confiseries importées de Turquie. « Je suis soldat. » Il tend sa carte. « Mais je n’ai reçu que 200 dollars de paie depuis six mois, alors je me débrouille », dit-il. « C’est un Aïd lugubre. Les gens sont tristes, n’achètent rien. Moi, je n’ai pas les moyens d’acheter un mouton... On va essayer de faire quelque chose avec toute la famille », ajoute-t-il. Mohammad Rohme assure que l’an dernier il employait 10 personnes dans son stand de poules et de lapins. « Cette année, deux, et pas à temps plein », gémit-il à son étal déserté par la clientèle. Il assure avoir divisé ses prix par deux, en vain. « C’est le pire Aïd de ma vie, le pire pour les Palestiniens. Ce boycott nous étrangle. Et en plus, il y a les combats entre nous... Comme si la vie n’était pas assez dure à Gaza ! Ils se battent pour le pouvoir, alors qu’il faudrait se battre pour Jérusalem, pour les prisonniers », affirme-t-il. Dans les rues transformées en cloaques par les pluies, les passants moroses pressent le pas, de petits sacs de légumes à la main. Les années précédentes, deux jours avant l’Aïd, c’était la cohue. Mona Abou Galion porte un kilo de pommes de terre. Son long visage encadré d’un voile blanc, elle sourit tristement : « Je regarde seulement. Nous survivons avec les distributions de l’ONU et ce que l’on emprunte à l’épicerie. Samedi, on ira sans doute au cimetière, sur la tombe des martyrs. » Près de là, assis derrière son stand de jeans turcs et chinois à 4,5 euros pièce, Diab Joha ne fait même plus l’article aux rares passants. « Trois pantalons depuis ce matin... J’ai gagné 10 shekels (1,8 euro)... Je n’ai plus de salaire depuis quatre ans, quand je travaillais en Israël », raconte-t-il, concluant : « Cette Aïd, ce n’est pas une Aïd. L’Aïd, ça veut dire faire plaisir aux siens, inviter les amis, dépenser. Je n’ai pas de quoi acheter un kilo de viande. J’ai 10 enfants. Samedi, je reste à la maison dormir. » Michel MOUTOT (AFP)

Pour les musulmans du monde entier, la célébration de l’Aïd al-Adha est synonyme d’agapes et de joie. Pour ceux de Gaza, cette année, la fête du Sacrifice n’aura jamais été aussi sinistre. Les salaires des nombreux fonctionnaires rarement versés pour cause de boycott international du gouvernement Hamas, le chômage, les affrontements fratricides entre combattants du...