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Actualités - OPINION

LE POINT Ouverture réformiste Christian MERVILLE

« Le peuple a gagné » : il n’affichait pas une mine réjouie, Mahmoud Ahmadinejad, en énonçant cette platitude dimanche soir. Aux élections municipales de Téhéran, une ville dont il avait longtemps été le maire, ses partisans, emmenés par sa propre sœur, venaient de réaliser un score catastrophique : ils devraient remporter, selon les premières projections, trois sièges, contre quinze aux protégés de Mohammad Bagher Ghalibaf, le conservateur modéré qui lui avait succédé à la tête de la capitale, et quatre sièges aux réformistes. Dans les villes de province, la situation n’est guère plus brillante. À Chiraz, à Arakl, à Ardebil, à Bandar Abbas, les ultraconservateurs ont été sérieusement malmenés. Cela sent franchement mauvais pour la liste du chef de l’État, qui s’était donné pour titre « La bonne odeur de servir ». Sur le front de l’Assemblée des experts – l’organisme suprême comptant 86 membres auquel incombe la tâche de nommer, superviser et éventuellement démettre le guide suprême –, ce qui attend le pouvoir en place est encore moins rassurant. Ennemi juré de Ali Akbar Hachémi Rafsandjani et mentor du président, l’ayatollah Mohammad Taghi Mesbah Yazdi a recueilli la moitié des voix échues à celui-ci, donnant ainsi le ton de ce que cet organisme est appelé à devenir. Commentaire de Mahdi Karroubi, l’ancien président du Majlis : « La tendance qui commence à se dessiner est appelée à se confirmer à l’avenir. Que l’on ne s’y trompe pas, c’est bel et bien à un retour en force des réformistes que nous sommes en train d’assister. » Les vainqueurs auraient cependant tort de pavoiser et les analystes devraient se rappeler l’irruption fracassante sur la scène politique, lors de deux consultations populaires successives, du camp emmené par l’ancien président Mohammad Khatami. À l’époque, tout le monde y avait vu les premiers signes d’un vif désir de voir se produire des changements profonds au niveau tant du pouvoir que de la société civile. La chute, tout aussi brutale qu’avait été soudaine la victoire, n’avait pas tardé à survenir, les extrémistes de droite ayant magistralement manœuvré pour préparer puis réussir leur come-back. C’est l’inverse qui s’est produit cette fois. On a vu ainsi, au jour J de vendredi dernier, des alliés du régime se présenter devant les électeurs en rangs épars. De plus, il serait hasardeux de chercher à donner à des élections municipales une connotation politique par trop marquée. Enfin, il ne faut pas oublier que lors des législatives de 2004, les réformateurs avaient été laminés, quand plusieurs de leurs représentants avaient été empêchés de se présenter. On pourrait dire en quelque sorte que cette fois, il s’est agi d’une sorte de revanche. De là sans doute les divergences dans les premiers jugements formulés depuis le week-end. Défaite pour les supporters du gouvernement, comme l’écrivait un quotidien, ou bien victoire éclatante pour l’autre camp, ainsi que l’affirmait un autre journal ? Sans doute faudra-t-il attendre les résultats complets et définitifs avant de tirer les premières conclusions de la journée de vendredi. D’ores et déjà, il est possible toutefois de noter qu’il s’agit de l’expression d’un net ras-le-bol, essentiellement au niveau de la jeunesse. Le discours populiste, démagogue même d’Ahmadinejad ne rencontre pas d’échos favorables au sein d’une classe sociale inquiète pour son avenir. C’est, on n’est pas près de l’oublier, parmi les étudiants que l’intelligentsia du pays avait recruté les protestataires qui manifestaient il y a peu dans les rues de Téhéran. Ce sont les moins de 25 ans, largement majoritaires, qui constituent le gros des 46,5 millions d’électeurs. Ceux-là se tournent désormais vers les politiciens qui prônent le rapprochement avec l’Occident, comme Rafsandjani ou encore l’ancien responsable du dossier nucléaire Hassan Rohani. Et le chef de l’État ne s’y est pas trompé, qui vient d’avouer, comme à contrecœur : « L’avenir est entre leurs mains. » L’avenir peut-être, mais qu’en est-il du présent ? En 2002, le taux de participation aux consultations locales n’avait pas dépassé les 12 pour cent. Cette fois, le chiffre a été multiplié par cinq et il a fallu retarder de trois heures la fermeture des bureaux de vote. Les résultats, on commence à les entrevoir. Reste le poids des petits commerçants du Bazar, de cette classe moyenne déçue par les piètres prestations de ses dirigeants mais qui n’est pas prête pour autant à lorgner du côté de l’autre camp. Les services de la présidence croulent sous le poids des doléances écrites – il y en aurait plus de trois millions – dont une infime partie seulement a été satisfaite. Les autres devront attendre un avis favorable. À des dirigeants qui se plaisent à répéter qu’ils planifient pour une période de vingt ans – ce qui est court, on en convient volontiers, dans la vie d’une nation –, les jeunes viennent de faire savoir qu’ils ne voulaient pas être aussi patients que leurs aînés. Il serait particulièrement grave d’ignorer leur mécontentement.
« Le peuple a gagné » : il n’affichait pas une mine réjouie, Mahmoud Ahmadinejad, en énonçant cette platitude dimanche soir. Aux élections municipales de Téhéran, une ville dont il avait longtemps été le maire, ses partisans, emmenés par sa propre sœur, venaient de réaliser un score catastrophique : ils devraient remporter, selon les premières projections, trois sièges, contre...