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AUTEURS EN DIRECT - En conversation avec Élias Khoury, ce soir, à 18h00, au CCF Franck Pavloff : « Le globe terrestre est cousu de cicatrices »

Il est venu présenter aux élèves du Lycée français ainsi qu’aux Libanais son dernier roman paru chez Albin Michel, Le pont de Ran-Mositar. Un ouvrage qui évoque avec amertume les blessures de la guerre. Ces cicatrices indélébiles qui rendent souvent le pardon impossible. Pour être né en 1940, durant la guerre, en Bulgarie, pour avoir côtoyé de près les enfants qui ont vécu des conflits mondiaux, pour s’être impliqué dans de nombreux projets de développement communautaire. Pour avoir, tour à tour, été photographe, nouvelliste et romancier, et enfin pour avoir sillonné le monde d’hémisphère en hémisphère en se plongeant dans le cœur de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe, le romancier franco-bulgare Franck Pavloff sait décrire la souffrance des hommes et traduire leurs meurtrissures. Après avoir dénoncé l’intolérance et le totalitarisme dans Matin Brun, il revient avec cet autre roman intitulé Le pont de Ran-Mositar, pour parler de ceux qui doivent malgré tout vivre et aimer. Reconstruire l’humain Après une guerre civile, un charpentier descend vers le port principal où réfugiés, trafiquants et vacanciers se côtoient sans se voir. À la recherche d’un autre homme, la traversée prend l’allure d’une quête d’absolu. Le sujet du roman fait allusion au pont de Mostar, en Bosnie, qui a entériné la séparation entre musulmans et Croates puis qui a été détruit par les extrémistes croates en 1993. « Mais Le pont de Mositar peut être également Sarajevo, la Tchétchénie ou encore Beyrouth, avoue le romancier franco-bulgare, car il parle de tous ceux qui se sont mis un jour de l’autre côté d’un pont en renversant les valeurs de l’humanité. » « Des hommes et des femmes plus vieux que des ponts... dont les enfants ont été emportés par la guerre.... parce que leurs parents n’ont pas su leur faire de la place dans la vie. » Ces mots qui sonnent juste, trop juste, sont des mots universels puisqu’ils s’adaptent à des centaines de régions du globe, « un globe cousu par des cicatrices », dit Pavloff. Dans son roman, ses personnages aux déchirures béantes, du corps et de l’esprit, tentent par un vain sursaut de vie de restaurer le pont détruit. « En reconstruisant des pierres, parviendront-ils à reconstruire l’humain. Comment pourront-ils pardonner les massacres, les viols, les ravages alors que la guerre s’est installée au sein du noyau familial ? » s’interroge l’auteur. En effet, outre les pierres qu’elles démolissent, les guerres civiles d’aujourd’hui déforment les liens familiaux et font perdre aux hommes leur humanité : « Une phrase de travers et tout pouvait s’embraser. Des milliers de corps pourrissaient dans les charniers, mais on continuait à se saisir du moindre mot boiteux pour creuser des tombes. » Comment peut-on oublier et pardonner, demande à nouveau Pavloff, alors qu’on n’arrive même pas à démolir les pierres pour tout reconstruire. « Depuis que je suis à Beyrouth, poursuit le romancier, je suis saisi par la faculté des Libanais à côtoyer la mort et à vivre avec ces immeubles déchiquetés, véritables déchets de guerre. » Le pont de Ran-Mositar (prix du roman de France-Télévision 2005) est sombre par la description tragique des personnages, mais lumineux et poétique par l’évocation des gestes de tendresse et d’amour dont les hommes sont encore capables. Tour à tour bourreaux et victimes, ils tentent de se réconcilier avec la vie en réapprenant les gestes premiers qui font d’eux des humains. Colette KHALAF

Il est venu présenter aux élèves du Lycée français ainsi qu’aux Libanais son dernier roman paru chez Albin Michel, Le pont de Ran-Mositar. Un ouvrage qui évoque avec amertume les blessures de la guerre. Ces cicatrices indélébiles qui rendent souvent le pardon impossible.
Pour être né en 1940, durant la guerre, en Bulgarie, pour avoir côtoyé de près les enfants qui...