Rechercher
Rechercher

Actualités

La haine

Si le siècle passé fut celui des «Lumières», celui que nous vivons se définit de lui-même: le siècle de «la haine». Cherchez le détonateur de tout ce qui ne va pas dans notre monde et vous trouverez une seule et unique explication : la haine. Jadis, on s’entre-tuait pour des motifs qui, s’ils n’étaient pas plus louables, relevaient, du moins, d’une forme de logique, dans tout ce qu’un conflit armé peut avoir d’illogique, au plan intellectuel. On partait en croisade au cri de «Dieu le veut». Le voulait-il vraiment? On se battait pour l’honneur, et il y en avait, même dans la défaite, ce qui fit dire à François Ier à la suite d’un cuisant échec: «Tout est perdu pour l’honneur.» On partait en campagne – et la plupart du temps on n’en revenait pas! – pour des idéaux (qui n’étaient en fait qu’illusions), pour des idéologies (marxisme, communisme, fascisme, maoïsme, autant de phénomènes de mode) ou pour des intérêts bassement économiques (ah, ces prix du baril de pétrole!) Or la haine, implacable, aveugle, n’a aucune justification. Elle se nourrit de sa propre abjection, sans complexes, sans états d’âme. Qui avait-il derrière les charniers de Srebrenica? La haine. Qui tue tous les jours au Darfour? La haine. Qui a transformé l’Irak en une gigantesque boucherie? La haine. Qui a jeté des avions sur le World Trade Center? La haine. Qui a détruit les bouddhas géants de Bamiyan? La haine. Qui sépare les Palestiniens des Israéliens? La haine. Qui règne à Grosny? La haine. Qui divise le Cachemire? La haine. Qui a martyrisé le Kosovo? La haine. Et jusque dans les faits divers (la mort récente d’un supporter du PSG à l’issue d’un match de football) que retrouve-t-on? La haine. La liste n’est pas exhaustive, c’est bien triste. On pourrait en rajouter, encore et encore. Mais ce qu’il y a de plus triste encore, c’est que cette haine, nous en sommes responsables, chacun d’entre nous. Nous en avons fait un mode de vie. Tout autour de nous charrie la violence et la haine. Au cinéma, on ne voit plus que ça et je frémis au nombre d’enfants que des parents irresponsables emmènent voir un film (pour ne pas citer de titre) d’une série célèbre, qui comporte une scène de torture à la limite de l’insoutenable, séquence parmi d’autres tout aussi perverses. De quoi s’abreuvent les télévisions si ce n’est d’hymnes à la haine, de décapitations filmées, d’otages et d’exécutions sommaires? Des images que l’on retrouvera dans bon nombre de médias à l’affût du scoop et jusque dans la littérature, bien pensante. L’ouvrage primé lors des derniers prix littéraires en France n’est-il pas un roman qui fait l’apologie du sadisme? La haine, elle se nourrit aussi de ces violences conjugales où chaque jour, dans le monde, une femme sur trois est tuée par son conjoint. Et le spot diffusé en France, à cet effet, va plus loin encore puisqu’on y voit un enfant donner un coup de pied à sa mère à terre, répétant ainsi le geste de l’adulte. Face à la haine, il y a l’amour. Mais l’amour, qui en parle? Comme si on en avait honte... J’ai relevé dans le roman d’Eric Emmanuel Schmidt, L’Évangile selon Pilate, cette très belle réflexion qu’il met dans la bouche de l’apôtre Jean: «Que deviendrons-nous si nous nous aimions tous? Que deviendrons-nous dans un monde d’amour? Pilate, préfet de Rome, tu dois ta place à la haine, au mépris des autres. Tu as raison d’avoir peur de l’amour: ce serait la destruction de ton monde. Tu ne verrais le royaume de l’amour que sur les cendres du tien.» Si nous commencions donc par nous haïr un peu moins, chacun à notre mesure, peut-être le verrions-nous, un jour, ce monde d’amour. En attendant, puisqu’il existe partout dans le monde des organisations qui défendent les animaux, la nature, l’écosystème, le sort de la planète, pourquoi n’y aurait-il pas un organisme qui aurait pour seul but de protéger l’homme de l’homme? Alain PLISSON
Si le siècle passé fut celui des «Lumières», celui que nous vivons se définit de lui-même: le siècle de «la haine».
Cherchez le détonateur de tout ce qui ne va pas dans notre monde et vous trouverez une seule et unique explication : la haine.
Jadis, on s’entre-tuait pour des motifs qui, s’ils n’étaient pas plus louables, relevaient, du moins, d’une forme de logique, dans...