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Actualités - CHRONOLOGIE

Le spectacle de la Compagnie 4 litres 12 mis en scène par Michel et Odile Massé, au Monnot «Ça le désordre», le magnifique bazar de l’humanité

Dans le cadre du programme du Théâtre du Rond-Point, la Compagnie 4 litres12 a présenté le week-end au Monnot une pièce intitulée Ça le désordre. À travers cette métaphore humoristique qui se joue de la cruauté et de la stupidité humaine, Michel et Odile Massé signent un spectacle inénarrable, iconoclaste, où le rire a agi comme des ondes d’électrochoc. Une scène dépouillée, nue, sans décor, sous laquelle trône une table à hauteur du premier rang du public. Sur cette table se trouvent un appareil de régie, une lampe et quelques feuilles éparses. C’est à ce moment que, surprenant l’audience, Michel Massé, cheveux longs hirsutes, costume et petits chaussons roses, entre et s’assied face à l’audience. Il semble être le metteur en scène. En fait, il en campe plutôt le personnage, sorti droit du conte d’Alice au pays des merveilles. Il a l’air perplexe. Ses simagrées et ses mimiques faciales laissent à croire qu’il réfléchit. Il interroge l’audience. Tout en donnant l’ordre aux comédiens de faire leur entrée, il complète la jonction entre spectateurs et acteurs, et initie le spectacle. Apparaissent alors dans l’embrasure du rideau noir quatre corps dénudés. Les comédiens ont oublié leurs costumes. Le désordre est ainsi enclenché. Avec lui un enchaînement de ratages, d’égarements et de questionnements qui vont entraîner une confusion jubilatoire. La Compagnie 4 litres 12, créée en 1972 par Michel Massé (metteur en scène) et sa femme Odile (romancière), aime à se définir comme le fruit des amours incestueux de Kantor et des Marx Brothers. En réalité, leurs pièces ne ressemblent à rien, du moins à rien de déjà vu. Brechtienne d’une part, par sa volonté d’interroger le théâtre lui-même et de créer cette distanciation, forçant à la fois le spectateur à avoir un regard critique et le comédien à s’étonner et à réfléchir. Et sartrienne de l’autre, par les questionnements existentiels qu’elle aborde: «Est-ce qu’on me voit quand je ne vois pas» ou encore: «Quand on n’est pas là, on n’existe pas?», Ça le désordre réinvente une nouvelle dramatique et la revivifie. L’envers du décor Dans cette fable rigolote à souhait mais néanmoins sérieuse, le public devient tour à tour acteur et spectateur, et participe à la restructuration d’une œuvre qui prend forme devant lui. Le metteur en scène, lui, l’interroge à plusieurs reprises afin de comparer l’errance de ses comédiens aux êtres humains et celui-ci rentre dans le jeu. Les acteurs ne sont plus des personnages ni des caractères auxquels on s’identifie, mais des catégories de gens qui évoluent devant nous. Odile Massé, Mawen Noury, Mélanie Devoldère et Cédric Weber composent ce quatuor maladroit qui a déclenché sur les planches du Monnot des fous rires difficilement contenus. Ce ne sont que des numéros. Il y a celle qui pose tout le temps des questions, celle qui n’en pose jamais (c’est une étrangère à la vie), celle qui croit tout savoir, et le tout dernier chapeauté comme Harpo Marx, qui ne pose jamais la question qu’il faut. Ils sont les quatre à oublier leurs textes, à s’empêtrer dans leurs costumes et à se fourvoyer dans les décors qu’il ont eux-mêmes plantés, créant de plus en plus la confusion, voire la pagaille... très bien ordonnancée par Massé. L’humanité n’est-elle pas elle-même une grosse pagaille où chacun veut occuper la place de l’autre et où la minorité se fait toujours écraser? Cette même humanité que projettent les tableaux vivants du metteur en scène à travers un art déstructuré mais reconstructeur et qui finit par se phagocyter pour ne devenir qu’un être énorme et monstrueux. Ça le désordre est un clin d’œil à cette humanité qui n’en finit pas de perdre ses repères et les routes qu’elle a elle-même balisées (tout comme les acteurs de la pièce) avec cependant une petite note optimiste. Loin de faire le moralisateur dans sa pièce, Michel Massé tente de dire au public que, mis à part son bazar, «quand l’humanité construit, elle est belle à voir». Colette KHALAF
Dans le cadre du programme du Théâtre du Rond-Point, la Compagnie 4 litres12 a présenté le week-end au Monnot une pièce intitulée Ça le désordre. À travers cette métaphore humoristique qui se joue de la cruauté et de la stupidité humaine, Michel et Odile Massé signent un spectacle inénarrable, iconoclaste, où le rire a agi comme des ondes d’électrochoc.
Une scène dépouillée,...