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Au bord du gouffre

Comme beaucoup de mes compatriotes, j’avais décidé de ne plus me mêler de politique, mais voilà qu’un événement vient d’ensanglanter le Liban, m’obligeant à écrire ces quelques mots pour répondre à une multitude de personnes qui, depuis plusieurs mois, ont décidé de défendre l’indéfendable, se permettent de nous conseiller et de remettre en question certains principes pour lesquels tant de Libanais, civils ou militaires, sont morts. Ils oublient de même que ce petit pays existe depuis des millénaires et qu’avec eux ou sans eux, il existera toujours, et principalement avec la présence des chrétiens. Ce pays, qui est l’objet de la convoitise de ses voisins, a eu le malheur d’exister entre deux monstres, la Syrie et Israël. Chacun de ces monstres a voulu à sa manière le détruire car il gêne. Mais le plus malheureux, c’est que sa population ne l’a jamais défendu comme il le fallait. Pour la première fois depuis des décennies, ce pays (et sa population multiconfessionnelle) a eu la chance de voir les deux monstres se retirer et d’avoir unanimement le monde libre à son chevet malgré les divisions sur les différents dossiers chauds de la planète, de la Palestine à l’Irak, de l’Iran au Pakistan, en passant par la Corée, etc. Très jeune, j’écoutais ma grand-mère maternelle, cousine du grand Mgr Moubarak, me parler des chrétiens, de leur histoire. Elle me disait surtout que ce pays n’existerait plus si les chrétiens venaient à en disparaître. J’écoutais mon père me parler des grands hommes qui ont construit ce pays : Alfred Naccache, Riad el-Solh, Émile Eddé,Sami el- Solh, Béchara el-Khoury, Adel Osseirane, Camille Chamoun l’émir Majid Arslane, Pierre Gemayel, Hussein Oueyni, Habib Abi-Chahla, Saëb Salam ,Charles Malek, Kamal Joumblatt et tant d’autres qui ont œuvré pour son existence contre vents et marées et malgré les interférences de l’Égypte de Nasser, de la Syrie, de l’Irak, d’Israël et de tant d’autres. Aujourd’hui, les choses n’ont pas changé. La Syrie, Israël, l’Iran, pour ne citer que ceux-là, sont toujours prêts a raser ce pays pour résoudre leurs divergences. La Syrie n’a jamais accepté notre existence. Depuis l’indépendance, ce pays n’a jamais reconnu nos frontières communes. Le souhait de ses dirigeants était d’avoir une même monnaie, que l’aéroport soit à Damas et que notre politique étrangère ou intérieure soit alignée à la leur. Et les Syriens ont réussi à enterrer les fameux accords de Taëf, dont ils étaient les acteurs et les complices, en assassinant le président René Moawad par des méthodes qui ressemblent à celles qui ont abouti à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri quelques années plus tard. Qu’avons-nous à faire avec l’Iran et sa bombe nucléaire, ou avec l’Arabie saoudite et ses problèmes d’el-Qaëda, des salafistes ? Ou bien encore avec la France et ses problèmes de banlieues et d’intégrations, les États-Unis et leur présence en Irak, etc. ? Pourquoi pousse-t-on les Libanais à s’armer de nouveau et pour qui ? Ma mère et ma tante ont été tuées pendant cette guerre meurtrière. Toutes les familles libanaises ont un mort, sinon plusieurs. Doit-on encore faire massacrer 100 000 Libanais pour le plaisir des uns et des autres ? Avons-nous oublié que la création de l’État d’Israël (qui se permet de donner des leçons de morale, et massacre enfants, femmes et vieillards) a été une décision des empires, que l’URSS a été le premier État à reconnaître son existence, que ce pays tout au long de son histoire a prétendu aidé les États arabes dans leurs guerres contre Israël et qu’aujourd’hui il aide l’Iran dans son nucléaire, pour on ne sait quelle raison ? Des martyrs, le Liban en a donné, toutes communautés confondues, mais les chrétiens ont payé le prix fort. Depuis la nuit des temps, ils ont dû fuir, se cacher, se laisser tuer. Face à l’occupation ottomane, ce sont eux qui ont protégé la langue arabe et assuré sa promotion dans cette partie du monde. Oublie-t-on le jeu machiavélique d’Israël dans la guerre entre l’Iran et l’Irak, ou son appui aux Kurdes d’Irak ? Les conflits entre l’Occident et le bloc de l’Est ont créé le terrorisme. À l’époque de la guerre froide, c’était la bande à Baader ou les Brigades rouges, et maintenant c’est el-Qaëda. La Russie, les États-Unis , l’Europe, un même combat, l’important étant qu’ils ne soient pas la cible de ce terrorisme. La Syrie, l’Iran, Israël et les autres pays satellites de ces puissances règlent leurs conflits chez nous, et ainsi meurent Amine Assouad, Béchir Gemayel, Dany Chamoun, Gebran Tueni, Samir Kassir, Pierre Gemayel et tant d’autres. Devons-nous être sacrifiés tous pour assouvir l’appétit de ces gens et quelques inconscients qui nous gouvernent ? Ils ne faut plus écouter ces discours qui attisent la haine : il faut à tout prix suivre l’exemple d’un Gandhi ou bien d’autres pacifistes éclairés pour sauver ce pays qui est déjà dans le gouffre. Pour conclure, je rends hommage à la famille Gemayel qui a donné à ce pays des martyrs tout au long de son histoire contemporaine, et surtout pour la capacité de ses membres à pardonner, face a la haine que certains leur portent. Youssef Georges HADDAD
Comme beaucoup de mes compatriotes, j’avais décidé de ne plus me mêler de politique, mais voilà qu’un événement vient d’ensanglanter le Liban, m’obligeant à écrire ces quelques mots pour répondre à une multitude de personnes qui, depuis plusieurs mois, ont décidé de défendre l’indéfendable, se permettent de nous conseiller et de remettre en question certains...