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Actualités - OPINION

Aphorismes Les bergers égarés

Un nombre toujours croissant d’altesses, d’excellences, de cheikhs, de beys, de raïs, de caïds et autres « papazes » et parrains ne s’aventurent plus dans les lieux publics qu’entourés d’une cohorte de gardes du corps surarmés. Pourtant, de Kamal Joumblatt à Gebran Tuéni, en passant par Tony Frangié, Béchir Gemayel, Rachid Karamé, Dany Chamoun, Élie Hobeika et Rafic Hariri, l’histoire du Liban de ces trente dernières années aura démontré que nulle protection physique rapprochée ne saurait arrêter un assassin déterminé. Or, si tous ces mercenaires survoltés ne comptent pour rien quand survient un assassin, reste à savoir à quoi ils peuvent bien servir. Longtemps je me suis posé la question, jusqu’à ce que Caton l’Ancien m’en souffle la réponse. Évoquant ces Romains qui achetaient des charges de magistrature et déambulaient fièrement dans les rues, précédés de licteurs porteurs des faisceaux symboles de leur autorité, Caton dit en effet : « C’est à croire qu’ils ne connaissent pas leur chemin ; ils veulent toujours avancer entourés de licteurs, de peur de s’égarer. » Mais bien sûr, me dis-je alors. Ces dévoyés qui se targuent de mener les Libanais à bon port sont si étrangers à leur propre patrie, si aveugles aux réalités qu’ils ne connaissent même pas les rues de la cité et ont besoin de chiens guides pour s’y orienter. Pire encore, à l’occasion de l’enterrement d’un ami dans un bourg de montagne, j’ai récemment vu l’un de ces tristes sires insister bruyamment pour pénétrer dans la petite église accompagné de non moins de cinq sbires armés. Je sus alors que lui et les individus comme lui n’avaient pas seulement perdu le chemin de la cité, mais qu’ils avaient aussi perdu le chemin de Dieu ; qu’ils n’étaient pas uniquement dénués de sens politique, mais aussi de tout sens moral, ne distinguant même pas le bien du mal. Et ce sont ces bergers égarés que les Libanais, en bons moutons de Panurge qu’ils ont toujours été, continuent de suivre docilement au péril, non seulement de leur vie et de leur pays, mais de leur âme aussi. Percy KEMP

Un nombre toujours croissant d’altesses, d’excellences, de cheikhs, de beys, de raïs, de caïds et autres « papazes » et parrains ne s’aventurent plus dans les lieux publics qu’entourés d’une cohorte de gardes du corps surarmés. Pourtant, de Kamal Joumblatt à Gebran Tuéni, en passant par Tony Frangié, Béchir Gemayel, Rachid Karamé, Dany Chamoun, Élie Hobeika et Rafic...