Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Reportage En RDCongo, les Pygmées apprennent à voter avec des pilons ...

« Au premier tour, des gens n’ont pas su voter : ils ont mis des haricots dans l’enveloppe, au lieu du bulletin. On va essayer de ne pas reproduire l’erreur », explique un chef pygmée qui sensibilise les siens avant le second tour de la présidentielle demain dans l’ex-Zaïre. Dans une bicoque, une vingtaine de femmes tentent d’écouter la « leçon », alors que la pluie qui s’abat sur le toit de tôle percée rend quasi inaudibles les explications. « Qu’est-ce qu’on utilise quand on pile ? » demande Mubawa Muhirwa, le chef pygmée à Mubambiro, une localité de la province du Nord-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). « Un pilon », répondent en chœur les femmes, parfois pieds nus sur la terre humide. « Quand vous voyez un pilon qui monte et un pilon oblique, c’est un 1, c’est Bemba. Quand vous voyez une demi-lune, un pilon oblique et un pilon couché, c’est un 2, c’est Kabila », explique Mubawa avec un langage imagé et adapté à cette population largement analphabète. Le Nord-Kivu compte 47 % d’analphabètes, le taux le plus élevé de toute la RDC. Et la population pygmée, à la tradition orale, est de loin la plus touchée. Sur les bulletins de vote, sont imprimés en plus des noms des deux candidats à la présidentielle, Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila, leur chiffre respectif, 1 et 2, et leur photo, en petit format. Au premier tour de la présidentielle, des électeurs ont glissé dans l’urne sept cailloux ou sept haricots, pensant ainsi voter pour le candidat numéro 7, qui était alors le président Kabila, raconte sœur Deodata Bunzigye, du collectif d’alphabétisation Alpha Ujuvi à l’origine de cette formation chez les Pygmées. Une fois que l’électeur a su identifier son candidat, encore faut-il bien le cocher. « Pour ceux qui ne savent pas écrire, mettez votre empreinte bien dans le carré. Mais ne tremblez pas ! En tremblant, le doigt peut fausser l’élection. C’est pour ça que la dernière fois on a raté beaucoup de voix », poursuit Mubawa, vêtu d’un anorak beige, d’un jean et de tongs jaunes. « Sinon, vous pouvez aussi faire un + », explique-t-il en dessinant le signe sur un tableau noir. « Le +, c’est un pilon qui descend et un pilon qui dort. » « À force de parler de pilons, j’espère qu’ils ne vont pas venir avec des pilons le jour de l’élection », s’amuse en aparté sœur Deodata. Un doigt se lève. « J’ai une question : comment on va voter alors qu’on a passé la nuit le ventre creux ? » demande Agnès Sekanabo, un bout de chou sur les genoux. D’autres femmes acquiescent. Elles habitent au pied du volcan Nyiragongo dans des cahutes, qui ressemblent plus à un camp de réfugiés qu’à un village. Le « cours » se termine dans le brouhaha dans lequel il avait commencé. Et les acquis semblent bien minces. « Je suis venue voir si on parlait de Kabila, et on en a parlé, je suis contente », lance Zaina Mirenge, qui va voter pour le numéro 2. Pourquoi ne pas choisir le numéro 1 ? « Bemba nous a tous bouffés », répond-elle du tac au tac, en référence aux accusations de cannibalisme qui ont pesé sur l’ancienne rébellion du vice-président Bemba. Béatrice Debut (AFP)

« Au premier tour, des gens n’ont pas su voter : ils ont mis des haricots dans l’enveloppe, au lieu du bulletin. On va essayer de ne pas reproduire l’erreur », explique un chef pygmée qui sensibilise les siens avant le second tour de la présidentielle demain dans l’ex-Zaïre.

Dans une bicoque, une vingtaine de femmes tentent d’écouter la « leçon », alors que la...