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Lire et relire Anna

« Beaucoup d’amis me conseillent de quitter le pays, mais ce ne serait pas loyal. ». Dans une interview publiée le 20 avril 2005 dans les colonnes du Figaro, Anna Politkovskaïa, grande et rare voix du journalisme d’opposition en Russie, dénonciatrice acharnée de la politique de Moscou en Tchétchénie, réaffirmait son engagement pour la défense de la démocratie et des droits de l’homme. Pourtant, cette journaliste de 48 ans, mère de deux enfants, avait toutes les raisons d’abandonner le combat. Cible de menaces répétées, elle avait été victime d’une tentative d’empoisonnement dans l’avion la conduisant à Beslan, lors de la sanglante prise d’otages dans une école en 2004. Après avoir bu un thé, elle était immédiatement tombée dans un coma dont elle n’était sortie que grâce au médecin de l’aéroport de Rostov sur le Don qui lui avait administré un remède de cheval, destiné aux soldats dont le cœur flanche. Pour ses articles dénonçant les violations des droits de l’homme perpétrées par les forces russes en Tchétchénie, elle avait également été emprisonnée. Qu’importe, elle poursuivait son combat acharné, refusant de quitter sa Russie. D’aucuns pensaient que sa célébrité, due à ses nombreux articles et ouvrages publiés à travers le monde, pourrait lui offrir un semblant de protection. Mauvais calcul. Cette femme aux cheveux blanchis avant l’âge a été retrouvée morte samedi, abattue dans l’ascenseur de son immeuble. Son nom viendra allonger la liste des douze journalistes assassinés en Russie ces six dernières années. Anna Politkovskaïa venait de publier un nouvel ouvrage, La Russie selon Poutine, une attaque en règle contre le maître du Kremlin, alors que devait sortir aujourd’hui dans son journal, Novaïa Gazeta, un reportage avec photos sur la torture pratiquée en Tchétchénie par les sbires du Premier ministre Ramzan Kadyrov, l’homme de Moscou. Un article dont on espère qu’il sera malgré tout publié par Novaïa Gazeta. S’il l’était, il devrait intéresser au plus haut point le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Manfred Nowak, qui a annoncé, la semaine dernière avoir reporté sa mission en Tchétchénie, après le refus des autorités russes de le laisser s’entretenir en privé avec des détenus. Aujourd’hui, la communauté internationale exhorte Moscou à trouver et punir les assassins de la journaliste. Si tant est qu’une volonté réelle d’enquêter existe, alors que, dimanche matin, le président Poutine n’avait toujours fait aucun commentaire sur cet assassinat, il faudra avant tout trier parmi le bataillon d’ennemis que s’était faits, au fil des articles, Anna Politkovskaïa. En attendant, puisqu’il est des faits que l’on ne peut effacer, puisque l’on ne peut remonter dans le temps, ne reste qu’une seule chose à faire, lire et relire les articles et ouvrages d’Anna Politkovskaïa. En hommage à cette femme de courage et aux victimes pour lesquelles elle avait dédié sa voix et sa plume. Émilie Sueur
« Beaucoup d’amis me conseillent de quitter le pays, mais ce ne serait pas loyal. ».
Dans une interview publiée le 20 avril 2005 dans les colonnes du Figaro, Anna Politkovskaïa, grande et rare voix du journalisme d’opposition en Russie, dénonciatrice acharnée de la politique de Moscou en Tchétchénie, réaffirmait son engagement pour la défense de la démocratie et des droits de...