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Actualités - OPINION

LE POINT Au nom du même Dieu

« ... Je voudrais aujourd’hui redire toute l’estime et le profond respect que je porte aux croyants musulmans, rappelant les propos du Concile Vatican II qui sont pour l’Église catholique la Magna Carta du dialogue islamo-chrétien. » Le pape avait eu l’occasion, par deux fois en l’espace d’une semaine, de dire à quel point il regrettait l’interprétation donnée à un paragraphe de son intervention prononcée à Ratisbonne le 12 septembre. Hier, il a tenu à conférer une solennité exceptionnelle à ses propos tenus en sa résidence d’été de Castel Gandolfo devant un parterre de vingt-deux représentants des pays musulmans accrédités auprès du Saint-Siège, dont notamment l’Irak, l’Algérie, l’Indonésie et le Pakistan. Les diplomates présents à cette audience d’une demi-heure, retransmise en direct – fait exceptionnel – par la radiotélévision vaticane, ainsi que les dignitaires de la communauté en Italie ont entendu Benoît XVI affirmer avec une insistance particulière « la nécessité vitale » d’« un dialogue authentique » entre les religions et entre les cultures. L’initiative de lundi est sans précédent. L’impact qu’elle est appelée à avoir dans les jours à venir sur les rapports entre les deux grandes religions révélées est sans commune mesure avec la dimension prise par l’incident lui-même et la polémique qu’il a engendrée. La démarche s’inscrit dans la foulée des contacts préliminaires établis le 19 septembre au Caire entre des émissaires ecclésiastiques et le mufti d’el-Azhar, cheikh Mohammad Sayyed Tantaoui. La réunion, avait-on indiqué à l’époque, s’est déroulée dans une atmosphère « très amicale », le relais devant être assumé, dans une phase ultérieure, par l’Église copte d’Égypte. À la mi-septembre déjà, le cardinal Tarcisio Bertone, fraîchement nommé secrétaire d’État, avait été chargé de préciser que le Saint-Père « n’avait et n’a absolument pas l’intention de faire sien » le jugement de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue. Cela n’avait pas suffi, semble-t-il, à calmer la colère et les appréhensions de ceux qui avaient vu d’un mauvais œil ce rappel d’une phrase malencontreuse prononcée il y a près de sept siècles. Pas plus que n’avait fait taire les critiques la campagne d’explications déclenchée peu après par des prélats et des nonces apostoliques au Moyen-Orient, mais aussi ailleurs dans le monde, munis de la traduction officielle arabe de l’intervention papale. Pourtant, après avoir reçu l’archevêque d’origine indienne Francis Chullikatt, représentant du Saint-Siège en Irak et en Jordanie, le prince Hassan de Jordanie avait aussitôt jugé que cet «incident malheureux » devrait être l’occasion d’intensifier plutôt que de rompre les contacts entrepris sans discontinuer depuis une quarantaine d’années. Tel est aussi l’avis du responsable (bien malgré lui) de toute cette affaire, qui a évoqué de nouveau, en ce début de semaine, « les valeurs religieuses que nous avons en commun et qui, avec loyauté, respectent les différences ». Il est possible que la campagne d’explications poursuivie inlassablement depuis quatorze jours ne porte pas tous les fruits escomptés. Du moins dans un avenir proche. Certes, la première réaction positive a été enregistrée quelques instants après l’audience : « C’est ce que nous attendions », a dit à la presse le représentant de l’Irak, Albert Edward Ismaïl Yelda, ajoutant : « Il est temps de bâtir des ponts. » On notera toutefois, avec la pointe de réserve qui s’impose, que ce commentaire émanait d’un officiel chrétien. Il est tout aussi vrai cependant qu’une autre voix s’est fait entendre aussitôt après : Mario Scialoja, représentant en Italie de la Ligue musulmane mondiale, a parlé d’« un discours bon et chaleureux » où « les différences ont été rappelées », mais pour « exprimer la volonté de poursuivre un dialogue cordial et fructueux ». À l’opposé, ils continuent d’être nombreux ceux qui prônent la rupture ou, à tout le moins, qui s’activent à nourrir la polémique. Tariq Ramadan, qui enseigne actuellement à Oxford, a soutenu qu’il est arrivé au pape, dans un passé relativement proche, de prendre position contre l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Pourquoi ? Tout simplement, selon lui, parce qu’il cherche « à établir une identité européenne qui serait de foi chrétienne et de raison philosophique grecque ». Comme si le monde avait besoin, en ces heures délicates, de ce genre de procès d’intention engagés par des intellectuels en mal de cause à défendre.... Aujourd’hui, il faut espérer que la crise, la plus grave d’un pontificat inauguré en avril 2005, appartient au passé. Car rien ne permet de penser que le successeur de Jean-Paul II soit moins attaché que celui-ci à cette ouverture sur l’Autre dont le monde a tant besoin en ces heures où la menace de l’intolérance ne cesse de grandir. Il suffira de se convaincre de cette certitude pour que tout redevienne possible. Christian MERVILLE
« ... Je voudrais aujourd’hui redire toute l’estime et le profond respect que je porte aux croyants musulmans, rappelant les propos du Concile Vatican II qui sont pour l’Église catholique la Magna Carta du dialogue islamo-chrétien. » Le pape avait eu l’occasion, par deux fois en l’espace d’une semaine, de dire à quel point il regrettait l’interprétation donnée à un...