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Actualités - OPINION

Pour un débat par le verbe ou par l’urne

Je suis libanais, libanais-chrétien. Je me suis longtemps considéré chrétien-libanais et agis en conséquent, dans mes pensées, dans mes convictions. J’ai toujours considéré (et continue à le faire) que le Liban n’aurait jamais été le phare du Moyen-Orient sans la présence active de sa composante chrétienne. Durant les bouleversements de l’année 2005, j’ai surtout réalisé que j’étais libanais puis chrétien et non pas chrétien puis libanais. J’ai réalisé que les chiites, les sunnites, les druzes… étaient tout aussi libanais que moi. Que la notion de Liban libre, souverain et indépendant, ils y tenaient autant que moi en fin de compte. À leur façon durant les quinze dernières années, mais, somme toute, tout autant que moi. J’ai réalisé que pour arriver à quelque chose de concret, une indépendance longtemps désirée par exemple, il fallait occulter notre religion. Il fallait parler d’une seule et unique voix. Il fallait être unis. Il fallait avoir les mêmes aspirations pour le Liban. Nous avons réussi à attirer l’attention et la sollicitude du monde entier, capitalisant évidemment sur une conjoncture favorable, nous avons réussi à faire sortir le Syrien, son armée, ses SR, sa plèbe. Le Liban, dans sa composante chrétienne et musulmane, a réalisé l’inimaginable. Nous avons quand même eu les embrigadés du 8 Mars mobilisés face à nous, contre nous surtout. Contre une volonté libanaise de voir naître un Liban libre. Le sombre et tragique été 2006, sur lequel je ne reviendrai pas, l’a prouvé noir sur blanc. Il faut considérer que certains groupes se libèrent plus lentement que d’autres, l’intensité des privations passées influence souvent l’irresponsabilité du comportement présent. Durant ces journées mémorables de 2005, j’ai côtoyé quasi quotidiennement les Libanais du PSP, du Courant du futur et observé de loin l’organisation des Libanais du Hezbollah et de Amal. J’ai vu à quel point ces partis libanais étaient structurés et organisés. J’avoue là que, en tant que Libanais-chrétien, je les ai admirés avec beaucoup de jalousie au vu des escarmouches presque quotidiennes entre FL et aounistes. N’ayant pas au Liban de partis politiques à caractère idéologique (à part le PC et quelques groupuscules qui aspirent à l’être), nous nous contentons d’avoir des partis à caractère «théologique». N’ayant pas clairement une droite, une gauche, des républicains, des démocrates, nous nous sommes rangés sous la bannière de notre religion, de notre confession. Les druzes sont majoritairement du PSP, les chiites du Hezbollah ou de Amal et les sunnites du Courant du futur… le résidu de chacune de ces religions se dispersant dans une multitude de groupuscules. En France, que je prends en exemple car elle est chère à mon cœur, chaque parti défendra les idéaux de sa mouvance politique. Au Liban, ce sont aussi des idéaux, mais à caractère purement confessionnel, qui seront défendus par les représentants des divers partis confessionnels de la scène libanaise. Le découpage confessionnel de notre paysage national explique et pardonne cette segmentation. Soit ! Mais c’est là et rien que là que le bât blesse. Ces Libanais du PSP, du Courant du futur, de Amal et du Hezbollah ont assimilé que leurs revendications ne pouvaient aboutir que s’ils restaient soudés derrière leurs partis. Ils ont compris que pour arriver à faire valoir leurs droits dans l’absurdité de la Constitution libanaise, ils avaient tout intérêt à rester unis derrière leurs chefs. Leurs dirigeants ont assimilé que dans cette structure incohérente, il fallait garder les rangs serrés de grès ou de force pour faire valoir ses droits et rogner les droits des autres. C’est le tissu confessionnel libanais qui a donné naissance à ces aberrations, certains l’ont compris, d’autres pas. « Deux négations ne font pas une nation. » Une volonté commune fait une nation. Des citoyens, chrétiens et musulmans, revendiquant les mêmes espérances pour leur pays. Liberté et indépendance. Le Liban a toujours existé en s’appuyant sur ses deux piliers, l’un chrétien, l’autre musulman. Le pilier chrétien est en pleine déliquescence, le Liban va tôt ou tard vaciller : l’histoire l’a déjà prouvé, ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est historique, c’est mathématique. Venons en au fait. En tant que chrétien (je reprécise que je suis libanais puis chrétien et non pas chrétien puis libanais), je me retrouve avec une kyrielle d’ersatz de représentants pour me représenter. Je ne suis pas maronite, mais je suis de tout cœur du maronitisme politique. La scène politique chrétienne libanaise est totalement, viscéralement vidée de leaders responsables. Énumérer leurs noms m’inspire le dégoût. Énumérer cette pègre n’est que perte de temps. Le patriarche devrait être lassé et fatigué d’avoir en permanence à rattraper le manque de responsabilité, l’immaturité du leadership chrétien et maronite. Le temps où un leader chrétien avait une vision pour le Liban est révolu et le calice bu jusqu’à la lie. Toutes les erreurs de la guerre du Liban continuent à être assumées par les chrétiens. Les dirigeants musulmans s’en lavent les mains et corroborent ce processus destructif. Sans comprendre que quand le temple s’effondre, il s’effondre sur tout le monde. Sans comprendre que depuis toujours, ce pays est un melting pot confessionnel, chacun s’enrichissant des différences de l’autre. De la renaissance de la population libanaise-chrétienne viendra la vraie renaissance du Liban. Une partie des Libanais-musulmans a déjà entamé sa part du contrat et est en pleine évolution socioculturelle. Le parti chiite qui joue à « Star Wars » va, sans aucun doute, réaliser que les chiites sont une composante intrinsèque du tissu libanais et qu’ils ne peuvent indéfiniment rester accrochés aux jupes de l’Iran et de la Syrie ; chacune des confessions du paysage libanais a eu sa période « étrangère », elles en sont toutes revenues. Quant aux Libanais-chrétiens, il est grand temps qu’ils se réveillent et qu’ils arrêtent de se plaindre. Qu’ils remplissent leur part du contrat, pour enfin pouvoir remettre ce pays sur de bons rails. Pour établir de nouveau l’équilibre qui a longtemps fait que nous soyons un astre à part dans ce trou noir qu’est le Moyen-Orient. Je demande solennellement que la présidence de la République soit une fois pour toutes et définitivement retirée aux maronites, aux chrétiens. Qu’elle leur soit interdite. Nous aurons droit alors à une classe politique digne de ce nom. Non pas à une flopée de nains politiques dont le seul but est de satisfaire un but bien précis. Le but ultime, la chaise. Une fois cette obsession effacée, nos leaders auront sûrement le temps et la latitude de palper la lassitude et le fameux « ihbat » qui écrasent la rue chrétienne. J’accuse les dirigeants chrétiens d’être des incompétents, des incapables qui n’ont tiré aucune leçon de l’histoire récente. Je les tiens pour responsables des absurdités qui frappent ce pays. Unissez-vous, parlez d’une même voix et voyez comment la situation générale ne pourra qu’évoluer positivement. Arrêtez d’être divisés, de vous déchirer. Vos divisions entraînent le pays vers sa perte. Les combats féroces de l’année 1990 avaient permis au Syrien d’occuper et d’écraser le peu de dignité et de liberté qui subsistaient à l’époque. Que nous réservent vos déchirures cette fois ? Il est grand temps qu’un vrai débat dans la société libanaise-chrétienne commence. Non seulement un débat élitiste dans les pages de L’Orient-Le Jour, mais un débat initié partout par des hommes de bon sens, de bonne volonté. Par des érudits, par des universitaires, des patrons, des responsables, des employés... Par chaque personne qui se sent quotidiennement insultée par cette classe d’ersatz de responsables. Nous voulons des politiques cartésiens, rationnels, scientifiques, cohérents, honnêtes, justes, conséquents, pour mener la barque. Des hommes, pas des nains. Pas des hypocrites, des illuminés qui se prennent pour le Christ, des caméléons qui ont déjà eu l’occasion de prouver leur incompétence à diriger, des voleurs qui ont vidé les caisses de l’État quand ils étaient au poste suprême, des félons qui ont léché – jusqu’à les user – les bottes de l’occupant, des flatteurs qui ont retourné leur veste mille et une fois, des imposteurs élus grâce à une place laissée vide sur une liste électorale. « Le peuple a les dirigeants qu’il mérite. » Aidez-vous, le ciel vous aidera. Faites entendre votre voix et les choses commenceront à changer. Aidez-moi à bouger. Aidez-vous à bouger. Par le verbe ou par l’urne, initiez un débat. Bougez ! Albert ARISS
Je suis libanais, libanais-chrétien. Je me suis longtemps considéré chrétien-libanais et agis en conséquent, dans mes pensées, dans mes convictions. J’ai toujours considéré (et continue à le faire) que le Liban n’aurait jamais été le phare du Moyen-Orient sans la présence active de sa composante chrétienne.
Durant les bouleversements de l’année 2005, j’ai surtout réalisé...