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L’acharnement thérapeutique, une forme de déni de la mort

Quelle attitude doit adopter un médecin dans la prise en charge d’une personne en fin de vie ? Doit-il s’acharner dans des traitements qui n’apporteront aucun bénéfice ou les interrompre et opter, dans ce cas, pour des méthodes de soulagement de la souffrance ? Pour le père Patrick Verspieren s.j., responsable du département d’éthique biomédical du Centre Sèvres à Paris et membre de plusieurs comités d’éthique, « il faudrait recourir à une médecine raisonnable », c’est-à-dire « soigner le patient de façon adaptée à sa situation ». « Les personnes en fin de vie ne sont pas uniquement les mourants, c’est-à-dire ceux qui sont entrés pratiquement en agonie, mais c’est une période de la vie qui peut durer des semaines et même des mois, explique-t-il. À ce stade, plusieurs questions se posent, principalement celle de savoir s’il faudrait utiliser ou non des traitements pour lutter contre la maladie. » Oui, si le traitement « ne représente pas pour le patient un poids lourd et insupportable, tant au niveau de la souffrance que sur le plan financier». « Mais si le traitement est inutile, c’est-à-dire qu’il n’apporte rien au malade, il n’y a vraiment aucune raison de le poursuivre, note le père Verspieren. Si, par contre, le traitement a une certaine chance de ralentir la maladie, il faut s’assurer que ce bénéfice n’est pas contrebalancé par un coût économique trop lourd ou une grande souffrance, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un traitement disproportionné. À l’heure actuelle, il est recommandé de savoir interrompre des traitements disproportionnés, le fait d’envoyer en salle de réanimation une personne souffrant d’un cancer en phase terminale pour un gain de vie de quelques jours, à titre d’exemple. » Approuvé par l’Église catholique depuis vingt-cinq ans et aux États-Unis depuis vingt ans, ce concept de médecine raisonnable figure dans le commentaire du code de déontologie médicale en France depuis plusieurs années et dans la loi française depuis avril 2005. « Chaque pays doit réfléchir sur cette question-là, insiste le père Verspieren. Sans aucun doute, les traitements curatifs de lutte contre la maladie apportent un bénéfice pendant un certain temps, mais ils doivent aussi être évités ou même interrompus à d’autres moments. Et l’on sent un problème de résistance au Liban sur cette question-là. » La médecine raisonnable N’est-ce pas une euthanasie passive ? « Je regrette beaucoup qu’on parle d’euthanasie passive, répond-il. Il s’agit d’une expression trompeuse. On fait croire qu’arrêter un traitement c’est tuer le malade. Mais on oublie l’existence de traitements nocifs qu’il vaut mieux arrêter pour le bien du malade. C’est le concept de la médecine raisonnable, selon lequel le médecin est invité à éviter d’imposer un poids déraisonnable au patient. Ce n’est pas du tout vouloir tuer le malade, mais vouloir le soigner de façon adaptée à sa situation. Le problème c’est que de nos jours on a tendance à ignorer les besoins primordiaux du malade. Or ce dernier a parfois plus besoin de voir sa douleur soulagée et de pouvoir être écouté. C’est ce qu’on appelle désormais les soins palliatifs et l’accompagnement du malade. Et ce sont des besoins prioritaires. » « Refuser d’arrêter les traitements dans un pays déterminé signifie peut-être qu’il y a un certain déni de la mort, ajoute le père Verspieren. On refuse d’en parler publiquement et on fait l’éloge de la médecine. Or celle-ci ne triomphe pas sur la mort. Le refus d’arrêter les traitements est également causé par la peur de laisser entendre au malade qu’il est en fin de vie. Or le plus souvent, le malade le perçoit. Il est temps de redécouvrir une médecine raisonnable. » Dans ce cadre, il faudrait développer un système de soins palliatifs qui serait accessible à tous les malades sans exception. « La médecine palliative a tant à donner, remarque le père Verspieren. Et on peut lutter contre la douleur. Mais j’ai perçu la peur que l’on ressent à l’égard des médicaments efficaces contre une douleur avancée, notamment une grande peur de la morphine. On croit toujours que celle-ci crée une dépendance. Mais il s’agit-là d’une vieille image qui remonte au moins à 1860 et qui a été répétée pendant plus d’un siècle aux États-Unis, en Angleterre et en France. Mais depuis la création du St Christopher’s Hospice en 1960, on reconnaît que ces craintes ne sont pas fondées et que la morphine, bien maniée, est un bon médicament qui n’entraîne pas une dépendance. » Et le père Verspieren de conclure : « La demande répétée de la mort n’est pas individuelle, mais dépend beaucoup de l’attitude de l’entourage. »
Quelle attitude doit adopter un médecin dans la prise en charge d’une personne en fin de vie ? Doit-il s’acharner dans des traitements qui n’apporteront aucun bénéfice ou les interrompre et opter, dans ce cas, pour des méthodes de soulagement de la souffrance ? Pour le père Patrick Verspieren s.j., responsable du département d’éthique biomédical du Centre Sèvres à Paris et...