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Actualités - CHRONOLOGIE

HUMANITAIRE - Mini-bibliothèques, séances de lecture, pièces de théâtre, alphabétisation dans les centres d’accueil Assabil, les amis des bibliothèques publiques et des déplacés en temps de guerre

En temps de paix, ils sont une trentaine de volontaires à disséminer l’envie de lire dans l’esprit et le cœur des Libanais de 7 à 77 ans. Pendant la guerre, ils se sont spontanément retrouvés autour des déplacés, leur proposant des activités d’animation «afin de soulager les enfants, les adolescents et les adultes de leur anxiété, de leur besoin de parler. Mais aussi pour les distraire de leur situation de claustration, ou tout simplement pour tromper l’ennui», indique Nawal Traboulsi, vice-présidente et directrice d’Assabil, cette association des amis des bibliothèques publiques née en 1997. «Nous avions mis en place une série de formations destinées à préparer la rentrée de septembre comme celle destinée à initier les femmes à l’informatique, se souvient Mme Traboulsi. Nous prévoyions également l’ouverture de notre troisième bibliothèque beyrouthine, rue de l’Université Saint-Joseph. Malheureusement, le bilan est tout autre: morts, blessés, destructions, déplacement en catastrophe d’un million de personnes.» Dans un pays en pleine tourmente, au-delà des divergences politiques et des discours analytiques, un groupe de volontaires, chaque jour plus important, a ainsi mis tout en œuvre pour accueillir et pourvoir aux besoins des milliers de déplacés qui ont afflué à Beyrouth ou ailleurs. C’est à Zico House, rue Spears, un local qui abrite habituellement des expositions, des conférences, des concerts et d’autres performances artistiques, que le collectif intitulé «Samidoun» a trouvé refuge. Cette coalition multiconfessionnelle et diverse en termes de nationalités l’était tout autant dans sa composition, les organisations qui en sont membres et qui la soutiennent allant de groupes d’étudiants, du centre gay et lesbien, de collectifs artistiques et cinématographiques, de petits groupes politiques à des associations de protection de l’environnement. Mais l’essentiel du travail était effectué par de jeunes volontaires venus de tout le pays, dont certains étaient eux-mêmes déplacés. Des équipes se sont donc progressivement constituées, afin d’organiser l’aide quotidienne: soins médicaux, hygiène, ravitaillement, etc. Assabil faisait partie du groupe de soutien pédopsychologique, gardant portes et bras grands ouverts pour ce public inattendu. «Les actions d’animation ont été créées parallèlement à celles d’aide de premier secours déjà mises en place dans l’urgence, leur fournissant nourriture, eau, linge, médicaments de base...», note la directrice d’Assabil. Ces actions étaient menées par de petites équipes de 3 à 5 personnes autour d’une activité principale comme, par exemple, la création d’un théâtre de marionnettes, d’une BD, des activités sportives, des activités musicales, un atelier radio, etc. Des activités artisanales étaient également proposées aux femmes selon leurs envies, leur savoir-faire, leurs idées. «D’abord surprises, les femmes nous ont avoué ne pas avoir le cœur à ce genre d’activités, puis des envies surgissent comme faire un peu de crochet, des fleurs en papier ou en tissu, un premier pas.» «Il est apparu assez rapidement que si les jeunes enfants sont très réactifs et vite mobilisés par une activité ludique, il est aussi aisé de responsabiliser les adolescents plus âgés afin qu’ils prennent en charge la réalisation de l’activité sans l’encadrement quotidien de l’équipe; cela permet aux différentes équipes de se concentrer sur d’autres écoles dans lesquelles la situation est plus compliquée, notamment à cause du nombre important d’enfants pouvant aller jusqu’à 350!» Vu le désordre dans lequel les dons aux enfants déplacés ont commencé, Assabil a décidé de ne plus distribuer de livres et de jouets, mais de les déposer dans un espace commun afin qu’ils puissent servir à tous. C’est ainsi que chaque centre possédait sa mini-bibliothèque-ludothèque publique. Formation Suite aux demandes des volontaires, qui ne savaient quelles activités développer dans les centres d’accueil, Assabil a mis en place des sessions de formation. La première a regroupé 32 auditeurs, dans la bibliothèque de Bachoura où Najla Khoury, membre fondateur d’Assabil, a développé la technique de fabrication de jouets à partir de matériaux de récupération. Trois autres séances d’apprentissage de jeux de groupes ont également eu lieu en juillet. À noter également deux formations initiatrices: la première animée par Joe Haddad, membre du comité administratif de l’association, au cours de laquelle il a abordé, entre autres, les thèmes du partage de l’espace public, de la confiance entre les membres d’un groupe et de l’élaboration d’une charte qui favorise le vivre-ensemble dans des conditions aussi difficiles. Une seconde formation, tenue par Joumana Behlok, comprenait des animations autour des contes et des albums destinés aux plus petits. Assabil formait également des animateurs recrutés parmi les déplacés. «Dans les lieux d’accueil, membres de l’association et bibliothécaires travaillaient au quotidien, raconte Mme Trabousli. Des lectures ou incitations à la lecture de contes se faisaient en matinée, remplacées dans l’après-midi par des activités plus diverses: ateliers d’illustration, comptines, etc. Grandes affiches et beaux cahiers de peinture ont été mis à la disposition des adolescentes, afin qu’elles s’adonnent au coloriage ou laissent libre cours à leur créativité.» «Najla Khoury et Joumana Behlok ont monté une pièce de théâtre avec un groupe d’enfants déplacés. Cet excellent exercice d’expression et de mémorisation a été présenté aux parents.» Côté alphabétisation, les plus jeunes n’étaient pas les seuls à bénéficier des efforts d’Assabil: les femmes qui le souhaitaient ont également reçu des cours. Dans les régions, les bibliothèques affiliées à Assabil ne sont pas restées non plus les bras croisés. «Les bibliothèques du Sud, à Aitit, Babliyé, Saïda, étaient fermées. Nous ne pouvions leur apporter notre soutien qu’à la fin des combats, indique la vice-présidente d’Assabil. Mais dans le reste du pays, les espaces publics de lecture étaient non seulement ouverts, mais très actifs. Les bibliothèques en montagne généralement très fréquentées l’été, avec des programmes d’animation spécifiques organisés par les différents responsables, se sont montrées exceptionnellement dynamiques pour satisfaire un public inhabituel. La bibliothèque de Mtein, grouillante de monde, en est le parfait exemple, de même que celle de Baakline où l’on recevait 100 à 150 enfants par jour. Les petits déplacés nécessitant un accueil et une attention particulière, de jeunes volontaires sont venus seconder les bibliothécaires. À Zahlé, Chanay, Khreybet el-Chouf, Baskinta ou Aley, les bibliothèques s’impliquent avec leurs municipalités dans la distribution des vivres et la répartition des réfugiés dans les centres d’accueil.» Projets «Avec la fin des hostilités, il s’agit de mettre en place des programmes adaptés aux conséquences de la guerre», affirme Nawal Trabousli. Comme par exemple ce projet de disséminer une dizaine de bibliobus dans les régions les plus touchées par la guerre, dans le Sud, la Békaa et la banlieue. Le sympathique véhicule aménagé pour servir de bibliothèque irait renforcer le secteur de la lecture publique et rapprocher le livre du lecteur en proposant des activités ludiques. Assabil voudrait également proposer au ministre de l’Éducation d’inclure des bibliothèques dans les projets de reconstruction des écoles. Par ailleurs, les amis des bibliothèques publiques comptent étendre les activités d’incitation à la lecture à l’ensemble du pays ; équiper les bibliothèques en matériel pour permettre les animations ludiques et néanmoins primordiales, telles que la peinture, le dessin, la musique, etc. Mais aussi coopérer avec les théâtres Shams et Monnot pour démocratiser l’expression scénique. Et œuvrer avec le Mouvement social dans ses différents centres en vue d’y constituer des points de lecture accessibles à tous. Last but not least, encourager la littérature jeunesse en arabe, qui fait encore largement défaut, en se procurant la production éditoriale d’autres pays arabes ; en trouvant les moyens techniques et financiers de fonder une structure qui exhorte à la création, traduise et publie de nouvelles œuvres de fiction pour enfants. Afin que le livre devienne et reste le meilleur ami de tous. Maya GHANDOUR HERT
En temps de paix, ils sont une trentaine de volontaires à disséminer l’envie de lire dans l’esprit et le cœur des Libanais de 7 à 77 ans. Pendant la guerre, ils se sont spontanément retrouvés autour des déplacés, leur proposant des activités d’animation «afin de soulager les enfants, les adolescents et les adultes de leur anxiété, de leur besoin de parler. Mais aussi pour les...