La place des petits Martyrs

«Maman… Bébé dodo ? » Touti, petit bout de chou de deux ans, semble toute heureuse de voir cette photo grand format représentant un enfant en bas âge allongé sur le côté, dans la position du fœtus. Mais Touti ne sait pas que cet ange, à peine plus âgé qu’elle, s’est arrêté de vivre le jour où les engins de mort israéliens ont lâché leur haine sur les routes, les maisons et les abris de fortune. Le sourire de Touti disparaît lorsque son regard tombe sur cette autre bouille immortalisée en gros plan, ce visage déchiqueté, brûlé par les éclats de bombe. « Bébé wawa ? Haram... Maman, haram bébé. » La petite voix nasillarde résonne encore sur cette place de l’Étoile, déserte et désertée par les petites têtes brunes qui venaient avant taper du ballon, rouler à vélo, faire du skate ou encore grignoter pop-corn et autres glaces. Aujourd’hui, la place de l’Étoile est devenue la place des petits Martyrs. Les vivants ont laissé la place aux morts. Ces enfants, on les a pleurés et l’on ne cessera sans doute jamais de le faire. Impossible, inadmissible, inconcevable d’oublier. Touti, elle, voudrait bien retourner jouer sur cette place. Suivre les pigeons et rêver à des nuits sans « boum-boum ». Laissons la chance à Touti et à toute sa génération, de prouver au monde entier que nous ne sommes pas morts, que nous ne sommes pas anesthésiés, que nous sommes un peuple qui se relève des décombres. Encore plus fort et plus vivant qu’avant. « Pourquoi ne pas exposer les portraits des martyrs de leur vivant ? » se demandait un passant du centre-ville. Ne le resteront-ils pas pour toujours dans nos cœurs, dans nos pensées ? Maya GHANDOUR HERT