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Actualités - OPINION

Souvenirs de guerre

Le texte qui suit est d’un ancien Casque bleu français qui connaît cette partie du monde. « Qui a déjà foulé les terres dont vous débattez », écrit-il dans un style bien à lui, auquel nous n’avons cherché à apporter aucune retouche pour laisser à ce témoignage – terrible – toute son authenticité J’ai fait plusieurs séjours dans divers secteurs du Moyen-Orient, et plus particulièrement au Liban-Sud, dans la zone tampon. J’y suis allé sans arrière-pensée. Je suis revenu avec des questions. Comme on le dit couramment, ce n’est pas en quelques lignes que l’on peut résumer le problème. Même dans un livre (et il y en a plusieurs, mais qui ne se rejoignent jamais). Et même en y allant, on comprend encore moins. Vous croyez commencer à comprendre lorsqu’il y a toujours un intervenant qui vient vous compliquer le sujet et anéantir vos conclusions. Donc il faut rester objectif et honnête. Il n’y a pas de solution à ce conflit qui a commencé bien avant 1976. J’ai vu les chars israéliens enfoncer les portails qui ferment la zone. J’ai été pris sous leurs tirs. Cibles : les écoles, les maisons... Cela se passait avant cette offensive (il y en a eu de nombreuses ces derniers vingt ans). Ils accusent nos colonnes médicales de soigner les gamins et les femmes qui vont donner naissance à des terroristes. Je suis allé me balader en Israël. Oui, ils sont accueillants quand vous avez la monnaie ou la carte de crédit. Sinon, ils sont aussi pédants, méprisants et fiers que les Américains. Sous l’uniforme français, je me suis fait braquer par un canon de char (pour cela, il faut immobiliser le monstre et faire pivoter la tourelle). Tout cela pour un petit homme. J’étais seul, dans une rue déserte, dans mon secteur, avec pour seule arme un PA MAC 50 (pour ceux qui ne savent pas, c’est un pistolet 9 mm dont le chargeur était garni de 8 cartouches). Ils ne m’ont pas contrôlé pour savoir si j’étais un terroriste déguisé. Ils voulaient m’intimider. Me faire peur. Il n’y avait pas d’offensive en cours. La zone leur était interdite (ils doivent normalement rester dans leur territoire). J’ai eu un pote qui a été abattu. On a dit qu’il s’agissait d’une erreur de tir. Il courait en tenue de sport dans le reg. Sur la route en contrebas, il y a eu une échauffourée. Il s’est réfugié dans une mechta. En face, ils se sont pas posé des questions. À coup de mitrailleuse lourde ils se le sont fait le joggeur, à travers les moellons. Proprement, pour rigoler. Silence on tourne. J’ai eu des discussions avec certains d’entre eux. C’était du pas beau et surtout pas racontable. J’ai honte. Des réflexions et des comportements de nazis dans la belle ville de Jérusalem. J’ai vu aussi les camps de Palestiniens, dont des familles vivent depuis plusieurs décennies dans des cartons recouverts de plastique. Ce sont des villages complets. Les cartons sont groupés jusqu’à former des baraques. Exclus, sans avenir. Il suffit alors de leur promettre un paradis à eux et à leur famille pour qu’ils aillent se foutre en l’air. Je n’approuve pas. Mais un mec qui a décidé de se suicider, c’est dur de le raisonner... dans tous les cas de figure. Mais si, en plus, on lui promet un tas de bonnes choses... J’ai vu l’armement américain dont sont dotés les Israéliens, d’une précision chirurgicale. J’ai vu ce qu’il y a en face : rien, du bricolage. Heureusement dans un sens, mais c’est déjà trop pour certains. À moins que dans cette histoire, la plaine de la Békaa soit le seul enjeu... Et oui, tout est vert, il y a de l’eau et la terre est riche. Et puis l’un des camps est médiatique, l’autre camp, non. L’un tient les États-Unis par la peau du cou et l’autre, c’est un peu le contraire. L’un n’a rien à perdre, l’autre tout. Alors qu’Israël fait un peu profil bas et nous essaierons d’oublier les exactions et les massacres dont personne ne parle. Mais il y en a assez de nous entendre répondre qu’il s’agit d’erreurs et que les coupables seront sévèrement punis. Maintenant, c’est une question d’information ou de désinformation. Au fait, qui tient les médias ? Je suis écœuré, sans haine, pour ne pas basculer. Je me suis éloigné, pour d’autres conflits. Finalement, dans les histoires de belligérants, il n’y a pas d’avis à donner. Il n’y a pas d’excuses. Il y a des faits. Il n’y a pas de bons et de méchants. Ce sont les raisons qu’il faut juger, si on en a le droit. Nous, Français, nous avons trop tendance à adopter des positions, malheureusement fondées sur des avis récupérés par-ci par-là, mais jamais sur le terrain, et souvent controversés, alors que beaucoup de gens mélangent les genres. Même d’un journaliste, je me méfie. Je les ai vus. Mais là aussi, je vais m’attaquer à une caste puissante, payée par les médias dont je viens de parler. En fait, il suffit de lire ou d’écouter différents médias, français et autres (CNN ou BBC par exemple). C’est éloquent dans la manière de présenter les choses. C’est un commerce. Et malheureusement, il n’y a rien à y faire. Alors il faut accepter de vivre dans cette désinformation, ou de faire comme je fais : je reste étanche et méfiant ou je vais sur les lieux. Pierre POSTÉ
Le texte qui suit est d’un ancien Casque bleu français qui connaît cette partie du monde. « Qui a déjà foulé les terres dont vous débattez », écrit-il dans un style bien à lui, auquel nous n’avons cherché à apporter aucune retouche pour laisser à ce témoignage – terrible – toute son authenticité

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