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Faites taire Monsieur Lévy !

Bernard-Henri Lévy redresse habituellement les torts en dernière page du Point, comme pour prétendre conclure. Dans son dernier « Bloc-notes » (Le Point du 10 août 2006), savamment intitulé « Hezbollisation », foisonnent les confusions, les imprécisions et les amalgames, le tout coiffé d’une mauvaise foi caractérisée. Monsieur Lévy commence par attirer l’attention sur la souffrance d’Israël, victime de la « machine militaire » du Hezbollah. Rien de mieux en effet, croit-il, pour éloigner les projecteurs des massacres et destructions massives perpétrés par Israël au Liban, que de renverser les choses, au terme d’une attitude de « perpétration-accusation » à l’israélienne : « Je tue, je crie au scandale, je pleure, j’accuse ma victime de mon propre crime. » Argumentation éculée, essoufflée, qui ne prend plus. L’opinion publique n’est plus dupe, et les vrais criminels sont, cette fois-ci, connus de tous. Quant à ce « quart » – mot que Monsieur Lévy affuble d’un point d’exclamation scandalisé – de la population israélienne déplacée à cause des tirs du Hezbollah, forcée à vivre dans des « villages de fortune », vis-à-vis duquel il tente vainement de susciter la compassion du lecteur, qu’il ne nous fasse pas pleurer. Les vrais déplacés, les vraies victimes sont les pauvres gens que la barbarie israélienne a poussés hors de leurs maisons, hors des ruines de leurs maisons, au sud du Liban (...). Monsieur Lévy s’étonne de la force du Hezbollah, qu’il qualifie comme le résultat de l’occupation syrienne, couplée à l’influence malsaine de l’Iran sur le Liban. Un Liban qu’il prétend pourtant aimer, à sa façon, puisqu’il le reconnaît – a-t-il le choix ? – « petit par la taille », mais « grand par la civilisation ». Monsieur Lévy aime les Arabes, c’est un fait. Il chante le Liban, ce « cher et beau Liban », cette « oasis de culture et de paix » qui « enchantait » sa jeunesse (...). En clair, le Liban qui l’arrange, et la Palestine qui l’arrange. Car point de liberté pour les ennemis de la liberté. Et la liberté, c’est Monsieur Lévy qui la définit. C’est lui qui décerne les médailles, c’est lui qui dispense les punitions. Ainsi, le « chef fasciste » Hassan Nasrallah n’est pas un bon Libanais. Tous les méchants sont en effet des « fascistes », pour Monsieur Lévy comme pour beaucoup d’autres bien-pensants, qui ont bien compris qu’on pouvait, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, user et abuser de ce mot magique et fourre-tout, histoire de tomber dans la facilité lorsqu’on est à court d’arguments pour dénigrer un adversaire (...). Quant au Liban, le Liban tout entier, le Liban des chrétiens et des musulmans, le Liban de Michel Aoun et de Hassan Nasrallah, le Liban de Fouad Siniora et de Nabih Berry, il est bel et bien, et sans distinction, la victime de ce conflit et de l’agression criminelle israélienne. Qu’il se soit ou non enfin « révélé » aux yeux d’un Monsieur Lévy somme toute peu averti, le Liban ne souhaite dans tous les cas aucunement se renier. Il est fier de ce qu’il est, dans toutes ses composantes. Il se reconnaît dans sa Résistance nationale, qui tient la dragée haute à Israël. La force morale de cette Résistance, elle ne la doit à personne, pas plus à la Syrie qu’à l’Iran. Les hommes qui se battent en son nom sont des citoyens libanais, jusqu’à nouvel ordre (...). L’« exception », le « miracle » libanais, que Monsieur Lévy prétend tourner en dérision en niant qu’ils aient jamais existé, sont bien réels. Les Libanais rappellent à Monsieur Lévy et à ceux dont il s’autoproclame le porte-parole qu’ils sont une civilisation millénaire, au carrefour justement des civilisations. Qu’ils connaissent bien mieux qu’Israël (et ce n’est pas bien difficile) les concepts d’entente, de dialogue et de bon voisinage qui, et à eux seuls, sont le gage de la pérennité d’une nation. Au contraire du règne sanguinaire de la force et de la terreur dont l’État hébreu fait officiellement dépendre sa survie, son existence. Car si Israël, par-delà le but affiché de se débarrasser du Hezbollah (un objectif qu’il savait irréaliste), s’est employé à détruire systématiquement et sauvagement le Liban, c’est bien parce qu’il voyait dans ce dernier pays une menace économique et, bien au-delà, un modèle de coexistence et de civilisation qu’il fallait impérativement supprimer, comme philosophiquement et par principe. (...). Nous ne souhaitons pas conclure avant de répondre à l’argument sournois qui sous-tend toute la prose diffuse de Monsieur Lévy. Pour justifier Israël, il prétend en effet que la guerre contre le Liban était « inévitable », encore une manière de maquiller la réalité, de redorer le blason de l’agresseur en le consacrant agressé. Dans cette guerre, Israël est, pour Monsieur Lévy, inévitablement victime – en tous cas d’une fatalité. C’est pour cela qu’il affirme que, « pour tout le monde » (c’est-à-dire probablement pour lui), il est si important qu’Israël n’en sorte pas vaincu. Peut-être a-t-il raison, même s’il ne nous éblouit pas lorsqu’il affirme brillamment qu’il serait utile à l’un des belligérants dans un conflit de prévaloir à son issue. Il nous est d’autant plus loisible de reconnaître qu’il a raison qu’Israël a d’ores et déjà perdu cette guerre, au moins de trois manières. Militairement d’abord, puisque Israël n’a pas repris les positions qui étaient les siennes avant son retrait du Liban (déjà une défaite) en 2000, ce qu’il croyait pouvoir faire cette fois-ci encore en quelques jours, voire en quelques heures. En termes d’image ensuite (au-delà de la simple défaite politique), car Israël est apparu clairement cette fois-ci vis-à-vis de l’opinion publique internationale, y compris aux yeux des – jusque-là – plus incrédules ou moins bien informés des citoyens de ce monde, comme un État guerrier et belliqueux, voire criminel. L’État hébreu y aura ainsi perdu un nombre considérable de ses amis dans le monde, sans compter les nouvelles inimitiés qu’il s’est attirées par la même occasion. Existentiellement enfin, car c’est bien l’existence pacifique d’Israël au Proche-Orient qui se voit remise en cause au terme de cette attitude guerrière permanente. Alors, s’il la veut « répétition générale », Monsieur Lévy n’a qu’à se tenir de cette guerre et de celles qui la suivront. Ce n’est pas ainsi qu’il servira le mieux les intérêts d’Israël, seul pays à lui être véritablement « cher », seule chimère historique à avoir réellement « enchanté » sa jeunesse, au contraire du Liban, dont il se prétend l’ami, et dont il ne connaît pas grand-chose. Une chose est sûre : le Liban, le Liban plusieurs fois millénaire, le Liban de Byblos, Tyr et Sidon, le Liban de Carthage et de Gibraltar, le Liban d’Héliopolis et de Béryte, le Liban de Saint Jean Maron et de Fakhreddine, n’a que faire de la jeunesse de Monsieur Lévy et de ses fantasmes. Il ne veut aucunement avoir vocation à les bercer, ni même les avoir jamais bercés. Le Liban n’a, en effet et pour sa part, pas besoin de Monsieur Lévy pour exister. Élias R. CHEDID
Bernard-Henri Lévy redresse habituellement les torts en dernière page du Point, comme pour prétendre conclure. Dans son dernier « Bloc-notes » (Le Point du 10 août 2006), savamment intitulé « Hezbollisation », foisonnent les confusions, les imprécisions et les amalgames, le tout coiffé d’une mauvaise foi caractérisée.
Monsieur Lévy commence par attirer l’attention sur la...