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Actualités - OPINION

Impression À gauche en sortant de là

Dans une livraison récente d’un magazine féminin, Alexandre Jardin, à qui l’on demandait ce qu’il ferait de ses vacances, a répondu qu’il s’exercerait à être gaucher. Alexandre Jardin trouve en effet que la vie n’apporte pas d’expériences suffisamment stimulantes pour l’esprit. Utiliser ses facultés occultes, travailler sa part sinistre, sa main gauche, son pied gauche, son œil gauche, son oreille gauche et tout ce qui relève du lobe droit du cerveau, voilà qui lui permettrait d’accéder à une nouvelle dimension de l’intelligence. Pour ma part, côté vacances, je n’avais rien prévu de spectaculaire. Je n’avais aucun projet pour mon cerveau, aucune ambition pour mon intelligence. Comme vous, un certain 12 juillet, alors que je me rendais à mon travail, des tirs de joie et les menaces qui s’en sont suivies m’ont tout de suite permis de comprendre que la terre nous serait bientôt retirée de sous les pieds. Un jour comme les autres. Un lendemain comme on ne l’aurait jamais imaginé, même dans nos pires cauchemars. Après des semaines de destruction, d’horreurs inhumaines, d’images funestes, de spéculations angoissées, de questions sans réponses, des semaines où nous fûmes réduits à la plus imbécile des occupations : survivre, acheter des vivres, faire la queue pour l’essence, voilà qu’on nous dit : c’est fini. Alors, heureux de vivre ? Non. Plutôt surpris, aurait dit Coluche. Tellement surpris qu’on ne sait plus comment on fait. Démarrer sa voiture de bonne heure. Se rendre à son lieu de travail. Attendre un chaland improbable. Envisager quelque distraction. Ouvrir la télé juste pour regarder un film, et zapper les infos. Admettre qu’une porte claque et que ce ne soit que le vent, qu’un avion passe et que ce soit un avion de ligne. Il nous faudra du temps. Le temps que l’on se déroule et que l’on se déplie et que l’on se dérouille et que l’on se désengourdisse. Le temps d’oublier la douleur et la peur. Le temps d’échafauder des projets de départ qu’on réalisera peut-être, et peut-être de partir un peu, juste ce qu’il faut pour oublier qu’on voudrait partir pour toujours, échapper à la malédiction. Surpris de vivre, nous vivrons. Avec l’insupportable idée du possible retour de la guerre. Avec l’incertitude dont nous serons éternellement pétris. La vie ici comble notre intelligence d’opportunités, et ce n’est pas à nous qu’il faudra apprendre les astuces de l’adaptation. Nous ne tenterons donc pas de devenir ambidextres ni de faire le poirier. Ce que nous ignorions, par contre, à notre gauche, c’est que nos cœurs pouvaient battre autrement. Une compassion nouvelle a vu le jour. Un rapprochement imprévu entre les populations du Sud et celles des régions qui les ont accueillies, un sentiment inconnu pour lequel « tolérance » est un piètre mot. Passés les premiers réflexes de méfiance, les Libanais ont enfin appris qu’ils pouvaient se libérer de leurs entraves communautaires. Qui a dit que la guerre ne fait pas de cadeaux ? Fifi ABOU DIB
Dans une livraison récente d’un magazine féminin, Alexandre Jardin, à qui l’on demandait ce qu’il ferait de ses vacances, a répondu qu’il s’exercerait à être gaucher. Alexandre Jardin trouve en effet que la vie n’apporte pas d’expériences suffisamment stimulantes pour l’esprit. Utiliser ses facultés occultes, travailler sa part sinistre, sa main gauche, son pied...