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Actualités - OPINION

Souvenirs de la Grande Guerre

Je connais plein d’histoires pareilles, mais pas de cette guerre, pas de nos jours ni de cette époque. Ce sont celles des souffrances de mon grand-père enfant et de sa famille pour survivre à la Première Guerre mondiale. Il se souvenait de gens qui mouraient de faim dans les rues, d’enfants en bas âge qui cherchaient le sein de leur mère morte à leurs côtés. Plusieursétaient enterrés vivants car tôt ou tard, ils allaient mourir. Ils étaient obligés de marcher des centaines de kilomètres, la distance entre le Mont-Liban et la Syrie, pour trouver de quoi manger. Certains tombaient en cours de route, dans les montagnes enneigées, morts de faim, de soif, de froid. Des enfants travaillaient pour recevoir en fin de journée un bout de pain qu’ils partageaient avec le reste de la famille. La grande famine ! Leur pire ennemi... J’étais une gamine quand je l’écoutais raconter ces atrocités, dans l’abri, les nuits de bombardements lors de la guerre de 1990. Je les considérais comme des aventures, les aventures de « jeddo » (terme affectueux libanais pour désigner le grand-père – NDLR), Tintin au Tibet. Pourtant, je vivais une guerre qui m’accompagnait depuis ma naissance. Mais celle de jeddo était pour nous très éloignée ; elle existait seulement dans sa mémoire. Puis un jour, ma guerre est partie. Comme mon grand-père d’ailleurs. Je n’ai jamais cru en revivre une autre. Et voilà qu’elle est là, qu’on la vit, subit et suit à la télé (en « live »). Mais je ne la reconnais plus. Elle est différente de celle que j’ai vécue, il n’y a pas longtemps d’ailleurs. Que dites-vous ? Cela fait déjà 15 ans ? J’ai toujours cru que les guerres suivantes seraient plus pratiques à vivre, à cause des nouvelles technologies et du confort engendré par celles-ci. Mais cette amie d’enfance, au lieu de faire un lifting à la mode d’aujourd’hui, est revenue avec le visage rapetissé d’une vieille dame, celui de la Première Guerre mondiale. J’ai oublié qu’on vivait dans un pays du tiers-monde, où la guerre du XXIe siècle nous ramène cent ans en arrière. À la famine. Il nous a fallu voir toutes ces souffrances pour constater qu’on vit dans un pays fragile, vulnérable, pauvre, à l’abri de rien ni de personne. Que le Liban dans lequel nous vivions (avant ce maudit 12 juillet) était un simple mirage, une chanson de Feyrouz. Je te demande pardon, jeddo, pour avoir pris à la légère tes souvenirs. Pour n’avoir pas compris que tu partageais ton expérience avec nous et que tu nous préparais à affronter le pire, que tu connaissais très bien et que tu redoutais tellement. Marie-Rose HADDAD
Je connais plein d’histoires pareilles, mais pas de cette guerre, pas de nos jours ni de cette époque. Ce sont celles des souffrances de mon grand-père enfant et de sa famille pour survivre à la Première Guerre mondiale. Il se souvenait de gens qui mouraient de faim dans les rues, d’enfants en bas âge qui cherchaient le sein de leur mère morte à leurs côtés. Plusieursétaient...