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Actualités

Un juillet pourri à Paris

Cette année, pour les oisifs du mois de juillet à Paris, je vous le dis, ce fut vraiment lassant. Même la une des journaux et les titres des JT devenaient répétitifs à la longue. La guerre au Liban et la canicule, la canicule et la guerre au Liban. Rien d’autre à se mettre sous la dent. Cette chaleur qui s’incrustait, qui transformait nos appartements en fournaise et nous anéantissait de jour comme de nuit, et ces images de destruction massive, de massacres, d’exodes et de déplacés, qui n’avaient plus rien d’original et qui, à l’heure des repas, nous coupaient carrément l’appétit! Et puis franchement, que pouvions-nous y faire? C’est l’affaire des Grands. Les Grands? Ce sont les États-Unis d’Amérique, bien sûr. Or les States ne sont pas convaincus de l’urgence. La planète peut bien s’étouffer par ses gaz à effet de serre et nous, nous pouvons nous consumer à petit feu, dans ces canicules à répétition, les States ne croient pas à l’urgence de sauver la planète. Le Liban peut bien être pulvérisé par le déluge des bombes israéliennes haineuses, précises et efficaces, les States considèrent qu’il est urgent d’attendre. Le Liban ne pèse pas lourd, c’est vrai. Même pas une goutte de pétrole! Il faut être un sentimental comme Jacques Chirac pour s’attacher à un pays qui a inventé l’un des premiers alphabets de l’humanité et créé un art de vivre. L’Irak peut bien aller en enfer avec ses Kurdes, ses sunnites et ses chiites qui s’entretuent sans relâche. Rien ne presse. Les States ont juré d’inoculer la démocratie et la liberté aux derniers des survivants de ce pays barbare doté d’une civilisation seulement millénaire. La Palestine peut encore longtemps barboter dans son sang avant de voir pointer le nez d’un État viable. Pour les States, il ne faut pas brûler les étapes. Israël, leur plus proche allié, ne veut pas. Il ne peut pas! Disons qu’Israël n’arrive toujours pas à s’y résoudre et le rêve de Rabin l’a rejoint dans sa tombe. Les States ne sont pas convaincus par l’urgence et les States sont les plus forts. La loi du plus fort, vous connaissez la suite. Alors pour sauver la face à New York ou à Rome, les représentants des nations qui comptent se sont voilé la leur et se sont résignés à jouer les greffiers, osant à peine déplacer une virgule par-ci, une parenthèse par-là. Aucune condamnation ne fut à l’ordre du jour, aucun cessez-le-feu à l’horizon de juillet. Les States aiment bien dicter et que l’on prenne note. Tout ça pour dire que l’affaire nous dépassait en ce mois de vacances, qu’il ne servait à rien de gémir, ni même de partir à point, puisque les jeux étaient faits. Même nos intellectuels et nos philosophes se sont abstenus, eux dont c’est le boulot de s’indigner. Ces défenseurs des droits de l’homme et des peuples, ces fervents avocats des Tchétchènes, des Bosniaques et des Kosovars, ont préféré se mettre au vert. Nous pouvions donc, nous, sans culpabilité ni remords, nous enfoncer dans notre fauteuil douillet et nous laisser bercer par la musique, la vraie, la musique classique. Rien à faire! L’actualité nous débusquait et nous arrachait à nos rêveries estivales. Sur la radio musicale, une voix suave intervint pour nous apprendre la nouvelle. Saviez-vous que la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, après avoir survolé la tragédie libanaise à Beyrouth, après avoir affiché à Jérusalem le soutien inconditionnel des States à Israël, après avoir neutralisé d’une main de maître l’initiative européenne à Rome, Condi s’est rendue à Kuala Lumpur pour assister à la réunion de l’Asean? Mais saviez-vous que cette occasion, au gala annuel de l’Asie du Sud-Est, elle a magistralement exécuté, au piano, deux morceaux de Brahms dont une sonate pour piano et violon avec un soliste malaisien, devant un public trié sur le volet, séduit et honoré? Madame Rice a tenu à préciser que le choix d’un morceau grave a été dicté par les tensions géopolitiques actuelles. Dégoûtés, on pouvait bien sur s’évader autrement. C’était délirant par exemple de suivre à la télévision, immobiles face à notre ventilateur surexploité, les défilés de mode des collections automne-hiver. Un chassé-croisé de bottes et de fourrures, par 35° à l’ombre. Mais attention, cela ne voulait pas dire qu’on était forcément à l’abri. À tout instant, on pouvait être piégé par des intrus redoutables. Vous savez, ces déroulants de dernière minute qui surgissent en bas de l’écran pour que vous tenir informés à tout moment et où que vous soyez. Après la catastrophe humanitaire au Liban, une catastrophe écologique est annoncée. Les côtés de la Méditerranée risquent d’être submergées par le déversement du fuel des réservoirs d’une centrale électrique libanaise bombardée par Israël. Le Hezbollah oppose une résistance farouche au Sud du Liban. Condoleezza Rice retourne au Proche-Orient. Le gouvernement libanais a fait savoir que la secrétaire d’État américaine n’était pas la bienvenue à Beyrouth. La canicule marquera une pause à partir de la semaine prochaine. Bon, après juillet c’est août, et Paris au mois d’août. Mona MAKKI Journaliste, rédactrice en chef du magazine télévisé Espace francophone
Cette année, pour les oisifs du mois de juillet à Paris, je vous le dis, ce fut vraiment lassant. Même la une des journaux et les titres des JT devenaient répétitifs à la longue. La guerre au Liban et la canicule, la canicule et la guerre au Liban. Rien d’autre à se mettre sous la dent. Cette chaleur qui s’incrustait, qui transformait nos appartements en fournaise et nous anéantissait...