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Actualités - OPINION

La vérité hors de la bouche des canons

Je veux joindre ma voix à des milliers de gens de par le monde qui sont indignés par les actions d’Israël au Liban et en Palestine, ainsi que par le support odieux de nos dirigeants face à ces crimes. Israël a le droit de se défendre, c’est vrai. Mais lorsqu’on massacre tout un pays, lorsqu’on détruit toutes ses infrastructures, on n’appelle plus ça de la défense. Le bilan au Liban au bout de plus de trois semaines : près de 750 victimes, plus de 1000 blessés, plus de 750000 déplacés. Comment n’y voir que de la défense ? Oui, il faut dénoncer les tirs de missiles du Hezbollah sur Haïfa et pleurer les victimes. Mais en massacrant le Liban au complet, en déstructurant le pays, on ouvre la porte à l’influence des groupuscules et des radicaux qui sauront canaliser la haine et l’humiliation. Tout ça, vous le savez. Israël dit vouloir se défendre en collectionnant des ennemis, en créant de nouvelles générations de haine qui ne voudront dorénavant jamais reconnaître l’État juif, qui le haïront, malheureusement avec raison. Vous en faites des combattants, des endurcis, des humiliés qui voudront écrire l’histoire avec leurs propres canons. Cette jeunesse dorénavant tendra le bras comme le logo du Hezbollah, avec un kalachnikov à la main. Et ça aussi, vous le savez. La paix sera-t-elle faite de terreur ? Peut-on la construire sur la douleur ? Ils sont pratiques, les radicaux, ils permettent votre propre radicalisme. Vous savez que l’injustice est insupportable. Mais au nom d’intérêts, d’alliances, d’agendas, personne ne bouge. Suite à cette destruction, le pays va retourner aux chefs de guerre, au féodalisme. Les bombardements délimitent actuellement les différents bastions. Vous êtes en train de semer les graines de la prochaine guerre civile. Le pays est isolé, les idées tournent en rond et la dynamo de la haine, le cercle de la violence, tourne à fond, l’échelle de la peur se crée. Vous savez où elle mène. Ont aussi été bombardés tous les ports et aéroports, toute l’infrastructure du pays, toutes les routes vers la Syrie, les radars, une partie des télécommunications, des dépôts de nourriture, des usines de produits laitiers, des fermes, des églises, des mosquées, des écoles, des orphelinats, des quartiers résidentiels, des autobus de réfugiés, des ambulances, les réserves d’essence et d’eau, des stations-service, des camions d’aide humanitaire. Les Israéliens utilisent des bombes phosphoriques et des gaz chimiques interdits par les conventions internationales, mais personne ne réagit. Et maintenant que les étrangers sont partis, vont-ils se permettre d’amplifier les frappes et l’horreur ? Tant qu’on ne mettra pas fin à l’occupation de la Palestine, Israël se sentira menacé. Il est là, le cœur du problème. Pour un soldat israélien prisonnier de guerre, il y a eu l’enlèvement d’une soixantaine de responsables palestiniens, dont 8 ministres et 20 députés. On parle des missiles artisanaux du Hamas, on oublie de dire que de la fin février à la mi-avril, en six semaines, plus de 5000 missiles israéliens sont tombés sur Gaza. Ils ont fait sauter la centrale électrique, privant les pompes d’eau de l’électricité nécessaire à leur fonctionnement. Ils ont bombardé l’université, le ministère de l’Intérieur et encore une fois toute infrastructure qui aurait pu offrir un minimum d’autonomie au pays. Sans parler des autres impacts de l’occupation : quatre générations dans des camps, assassinats sélectifs, des centaines de maisons rasées par punitions collectives, chaque montagne occupée par une colonie, le mur qui encercle complètement certaines villes comme Qalquiliya. Ça, plus personne n’en parle. On parle du supposé retrait israélien, mais on oublie de dire que le parti Kadima ne veut retirer que 70000 colons sur les 250000, que les 8000 colons de Gaza représentaient moins de 1% de la population du territoire et qu’ils possédaient 20% de la terre, pendant qu’on trouve à Gaza la plus haute densité de population au monde, 104000 habitants sur 1,4 km carré au camp de Jabalya. On oublie de dire qu’il ne reste que 22% du territoire aux Palestiniens. Tout ça au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais la terreur, c’est aussi l’armée israélienne qui entre toutes les nuits dans les camps, qui détruit les maisons, qui aligne les familles dans les rues minables, les femmes pleurent, les enfants pissent dans leurs pyjamas et ils restent des heures dans leur pisse. Les soldats crient, ils tabassent les parents devant leurs enfants, et ce toutes les nuits. On oublie de dire qu’Israël retient, depuis l’élection du Hamas, les droits de taxes et de douanes qui reviennent aux Palestiniens. Cinquante à 60 millions de dollars par mois. On oublie que c’est précisément quand les Palestiniens allaient enfin s’entendre sur le plan dit des prisonniers qui reconnaissait implicitement l’État juif, qu’Israël est entré et a tout démoli. On oublie beaucoup de choses. Mais eux n’oublient pas. Ils se souviennent. Il est simpliste de ramener tout à l’Iran. Israël tire le maximum de l’action du Hezbollah. Face à sa population qui l’a choisi à défaut de Sharon, Olmert prouve qu’il est un homme fort. De son côté, le Hezbollah veut se refaire après le départ de la Syrie. Bush, lui, en profite pour faire encore plus de pression sur les Syriens et l’Iran. Et ce sont les gens normaux qui ne veulent qu’élever leur famille, manger, vivre. La prochaine guerre mondiale est-elle commencée ? L’enfer généralisé est-il en train d’être planifié ? Sa contagion dans tout le Moyen-Orient aspire le monde dans un trou noir. Déjà, ils accusent la Syrie. Déjà, ils pointent l’Iran… Ils se préparent. L’Irak est un « Ground Zero », de l’ampleur d’un pays. Soyons tous prêts, demain est jour de guerre internationale. Et de nos jours, les guerres s’exportent par avion. Philippe DUCROS* * Philippe Ducros est artiste de théâtre, auteur, metteur en scène et comédien. Au cours des deux dernières années, il a voyagé maintes fois en Israël, en Palestine, au Liban et en Syrie.
Je veux joindre ma voix à des milliers de gens de par le monde qui sont indignés par les actions d’Israël au Liban et en Palestine, ainsi que par le support odieux de nos dirigeants face à ces crimes.
Israël a le droit de se défendre, c’est vrai. Mais lorsqu’on massacre tout un pays, lorsqu’on détruit toutes ses infrastructures, on n’appelle plus ça de la défense. Le bilan au...