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Actualités - OPINION

Vous n’aurez pas mon Liban

Le Liban ne baissera jamais les bras, il ne vous donnera jamais son histoire gravée dans les pierres de Baalbeck, dans la tour de Tripoli, dans le port de Byblos, dans le sable de Sidon et de Tyr. Non, jamais il ne sera victime. Il est le bouc émissaire par excellence, oui c’est vrai. Il est « l’immeuble placé sur une autoroute, tous les camions et les voitures qui passent veulent lui faire part de leur pollution », selon une personne bien sage que je connais. Que faites-vous à mon Liban ? Quel avenir nous attend ? Je suis née des cendres de la guerre. J’ai grandi au cœur de Beyrouth, mon phénix. J’ai 21 ans, mon sang est libanais, peut-être pas aussi libanais que celui des martyrs. Eux, ils ravivent la couleur de mon drapeau à chaque occasion, ils ont peur que la poussière des ruines lui fasse perdre son éclat… Ils ravivent la couleur de mon drapeau pour qu’il flotte toujours plus haut. Mon sang est libanais, répétez après moi. Si le cèdre est aussi vieux, aussi fort, aussi beau, c’est parce que génération après génération il a témoigné de la persévérance de ses habitants, de leur amour pour lui ; c’est parce que c’est leur sang qui coule dans ses veines ; c’est parce que ce sont leurs victoires qui ont rajeuni sa peau. C’est très beau, tout cela, pour écrire une histoire ou un article. Je me demande pourquoi le prix à payer doit être toujours aussi cher pour que mon drapeau ne devienne pas leur drapeau ? Qui a le droit de profiter aux dépens de mon peuple ? Au fait, qui a le pouvoir de décider de ma vie ? Parce qu’au Liban, c’est comme ça que l’on fonctionne. À 21 ans, au lieu de me soucier de comment paraître quand je sors le soir, je me soucie de la bombe qui tombera et à quelle seconde sur quelle tête. À 21 ans, je termine mes études universitaires, au lieu de me soucier de la firme à laquelle je présenterai mon CV, je me soucie de la manière dont je quitterai le Liban et de ma destination. À 21 ans, au lieu de vivre mon patriotisme, je réfléchis sur la manière de faire ma vie ailleurs. À 21 ans, au lieu de me soucier comment montrer à mes parents que je les aime, je me soucie de souffrir et de les faire souffrir en les quittant. Hypocrite ? Non. Égoïste ? Oui. Pourquoi mourir pour un pays, pour mon pays, qui ne m’offre rien en retour ? Je ne vis qu’une seule fois, j’ai grandi pour voir la lueur de fierté dans les yeux de mes parents en m’écoutant rêver. Serai-je juste envers mes ambitions si je les enterre avec les martyrs de mon pays ? Je t’aime Liban, je te quitterai un de ces jours les yeux embrouillés de larmes. Je t’écrirai des poèmes, des livres peut-être. Je conterai à mes enfants l’histoire de cette terre où je voudrais que l’on m’enterre, puisque mes ambitions auront laissé leurs empreintes dans ma vie ou dans la vie des autres aussi. Je reviendrai une dernière fois au moins. Je conterai à mes enfants mes histoires de petite fille, la tête tranquille car à 21 ans, eux, ils ne ressentiront jamais la confusion. Jihane EL-KHOURY
Le Liban ne baissera jamais les bras, il ne vous donnera jamais son histoire gravée dans les pierres de Baalbeck, dans la tour de Tripoli, dans le port de Byblos, dans le sable de Sidon et de Tyr. Non, jamais il ne sera victime. Il est le bouc émissaire par excellence, oui c’est vrai. Il est « l’immeuble placé sur une autoroute, tous les camions et les voitures qui passent veulent lui...