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Lynn, un an et huit mois, victime des bombardements d’un abri à Tyr Coupée du reste du Liban, Saïda tente de survivre

Pour arriver à Saïda, à travers une route sûre, il faut rouler trois heures en voiture, à partir de Beyrouth, sur des chemins de montagne reliant entre eux des villages tranquilles du Chouf. Il faut aussi franchir d’anciens points de passage, qui rappellent la guerre et l’occupation israélienne. On n’emprunte plus la route de l’aéroport, longeant la mer jusqu’à la capitale du Liban-Sud et constituant un trajet de trente minutes : les bombardements israéliens l’ont rendue, depuis les premiers jours de l’attaque, impraticable. On évite aussi l’ancienne route de Choueifate, régulièrement bombardée. Un seul et unique chemin est encore sûr pour aller à Saïda. Il passe, à partir de Beyrouth, par Bsaba, Kfarchima, Souk el-Gharb, Chemlane, Kfarhim, Samkaniyé, Moukhtara, Bater, Jezzine et l’est de Saïda. Le trajet est long et fatigant. Il est surtout emprunté, dans le sens du retour, par des convois de voitures arborant le drapeau blanc et transportant des réfugiés fuyant le Sud vers le Mont-Liban. Saïda est coupée du monde. Les ponts la reliant à Beyrouth et au Liban-Sud ont été bombardés au début de l’offensive israélienne, la semaine dernière. Au nord de la ville, deux petits ponts enjambant la rivière Awali, dont l’un porte le nom de ce cours d’eau, ont été complètement détruits. Toujours au nord de la capitale du Sud, les nouveaux ponts – inaugurés au cours de ces six dernières années – notamment celui de Rmeilé et l’imposant pont à l’entrée de Saïda, portant également le nom de la rivière Awali, ont été lourdement touchés par les bombardements. Par endroits, leur structure métallique, soutenant le béton armé, est visible, affaissée, touchant presque le sol. Mais malgré l’isolement de la ville du reste du Liban-Sud, de Beyrouth et de la côte du Chouf, les rues de Saïda sont relativement plus vivantes que celles de la capitale libanaise. « Ils ont bombardé les ponts les deux premiers jours. La ville a été épargnée. C’est vraiment calme maintenant », raconte Mohammad, soulignant que « ce n’est pas uniquement Saïda, mais tout le Liban qui subit un blocus ». Dans des locaux abritant les volontaires de la Fondation Hariri, qui a reçu des réfugiés venus de villages de la bande frontalière, l’un des responsables, Jamal, indique qu’il « soutient la Résistance qui fait face à Israël », mais qu’il « rêve que l’on trouve une solution pour que la Résistance soit amenée dans le giron de l’État qui devrait décider lui-même de la guerre et de la paix ». À Saïda, qui abrite des camps palestiniens – où la quasi-totalité des réfugiés soutiennent le Hezbollah –, des nassériens et un nombre non négligeable de chiites (travaillant dans la ville), on doit bien choisir ses termes pour dire que l’on ne soutient pas la Résistance islamique. Le transport des victimes Depuis l’offensive israélienne, les hôpitaux de la ville reçoivent des blessés du Liban-Sud. Ici, on raconte comment les secouristes ont transporté dimanche et lundi les victimes des bombardements israéliens. « Une ambulance a conduit les blessés jusqu’à une rive du Litani, une autre l’attendait de l’autre côté du fleuve. Les secouristes ont marché dans l’eau, soulevant les brancards, pour évacuer les blessés graves des massacres de Marwahine (à la bande frontalière où un camion transportant dix-huit personnes avait été bombardé samedi dernier par un hélicoptère israélien) et de Tyr (où le bombardement du siège de la Défense civile, dimanche, avait fait une vingtaine de morts, tous civils, qui s’étaient réfugiés dans l’abri du bâtiment) », indique le Dr Hani Chaabane de l’hôpital Hammoud. Rappelons que la quasi-totalité des ponts du Liban-Sud, notamment ceux qui enjambent le fleuve Litani, avaient été détruits par les bombardements israéliens. À l’hôpital Hammoud, Ali Safieddine, 25 ans, porte toujours son uniforme de volontaire de la Défense civile. Il chausse des tongs, ses vêtements sont sales, il a l’air d’un homme traqué, possédé. Une dizaine de personnes de sa famille ont été touchées par les bombardements du siège de la Défense civile à Tyr. Sa femme, Nadine, est grièvement blessée, elle est traitée à l’hôpital. Sa fille Lynn, un an et 8 mois, est morte. « Je croyais que c’était un endroit sûr. Tout le monde était descendu à l’abri. J’y ai moi-même emmené ma famille, mes beaux-parents. Certains d’entre eux sont toujours sous les décombres », raconte Ali. « Trois obus ont touché le bâtiment, un au phosphore, un à vide et un à implosion (tous prohibés internationalement)... C’est pour ça qu’il y a eu autant de victimes. L’une des roquettes a visé l’abri de plein fouet », dit-il. « J’étais au siège de la Défense civile. Je ne sais plus comment je suis entré à l’abri. Il y avait plus de soixante-dix personnes. J’ai retrouvé ma fille unique, je l’ai serrée contre moi. Je n’ai pas su tout de suite qu’elle était morte. Regardez, je porte toujours son sang sur mon uniforme », indique-t-il d’une voix saccadée, montrant des taches brunâtres sur ses vêtements. « Je sais que nous sommes les ennemis des Israéliens. Mais Lynn ne sait pas ce qu’est la guerre. J’aurais voulu qu’ils me tuent à sa place », s’étrangle-t-il. L’entrée bloquée de Saïda : au nord, une immense colonne de fumée se dégage de la centrale électrique de Jiyeh, au sud, le nouveau pont Awali touché par les bombardements et le stade de la ville rappelant un bateau phénicien. En face, il y a la mer, tranquille et imperturbable. L’horizon est clair, tout est bleu. « Quel beau pays !» s’exclame un journaliste étranger. Sans aucun doute, et quand les canons se tairont, les Libanais s’emploieront à le reconstruire. Patricia KHODER
Pour arriver à Saïda, à travers une route sûre, il faut rouler trois heures en voiture, à partir de Beyrouth, sur des chemins de montagne reliant entre eux des villages tranquilles du Chouf. Il faut aussi franchir d’anciens points de passage, qui rappellent la guerre et l’occupation israélienne.
On n’emprunte plus la route de l’aéroport, longeant la mer jusqu’à la capitale du...