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SOCIÉTÉ - Un papi congolais « maître » de la musique électronique Le fabuleux destin de Mingiedi

Petite casquette grise sur son crâne dégarni, chemise boutonnée au col sous un manteau synthétique, le regard rieur du sage, de ses 73 ans bien sonnés monsieur Mingiedi n’a rien du DJ branché des grandes métropoles même s’il est une star montante de la musique électronique. Découvert sur le tard par un producteur belge, Mingiedi a fondé l’ensemble Konono î1 dans les années 60 à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), donnant au piano à pouces (ou likembé), instrument de musique traditionnel fait de lamelles vibrantes, un son mordant, corrosif. « Je passais pour un fou à Kinshasa, je ramassais des couvercles de casseroles, des alternateurs de voitures pour récupérer des fils électriques afin de faire un micro pour capter les sons sur le likembé. Les autres disaient : “C’est un fou qu’est-ce qu’il fait celui-là”. Moi je voulais me fabriquer un micro pour me faire entendre à 100 mètres à la ronde », se souvient le vieil homme. Des congas entraînants, répétitifs, hypnotiques, ponctués par des coups de sifflets servent de trame rythmique aux mélodies traditionnelles jouées avec des pianos à pouces électriques amplifiés par un énorme porte-voix. Le tout donne une mixture sonore se rapprochant de la transe, de la musique électronique prisée par les jeunes Européens et Américains. Devant un parterre plein de bobos au Festival international de jazz de Montréal, les membres de Konono î1 se déhanchent, sauf Mingiedi. L’architecte du groupe se cache en fond de scène, pianotant son likembé sans broncher. Lui-même fils d’un musicien, il préserve les chansons traditionnelles, les exportant aujourd’hui aux quatre coins du monde, un destin imprévisible pour cet analphabète. Dans les années 80, le Belge Vincent Kenis entend Konono î1 grâce à une émission de France Culture sur la musique urbaine à Kinshasa. Fasciné, il enregistre le programme de radio sur une cassette qu’il écoute en boucle des années durant. En 1989 et 1996, il se rend en vain dans la capitale congolaise (alors le Zaïre) à la recherche de cette étrange créature musicale. On lui signale alors que la formation n’existe plus, que les musiciens ont fui le pays pour se réfugier en Angola voisin. Tenace, il retourne à Kinshasa en 1999 et rencontre par hasard le « fan club » de Konono î1 à qui il laisse ses coordonnées. « Six mois plus tard, ils étaient là avec la même musique que sur l’enregistrement que j’avais entendu 20 ans plus tôt. C’était étonnant parce que ce n’était plus les mêmes personnes, il n’y avait que le fondateur Mingiedi qui était là, les autres s’étaient dispersés. Il avait formé des gens de sa famille, des cousins, des neveux, il y a même un petit-fils qui joue maintenant avec lui », confie-t-il. « Le son n’avait pas changé, ça restait le même style, les mêmes amplifications à base de mégaphone en métal, d’amplis foutus, de likembés électriques fabriqués par eux-mêmes. Et en 2002 je les ai enregistrés pour la première fois », poursuit-il. Cette rencontre a changé la vie de Mingiedi et donné une seconde vie à sa musique. « J’habitais dans une petite case quand Vincent Kenis est venu me chercher, je me suis dit c’est surnaturel », se remémore-t-il. Depuis la parution d’un premier album en 2004, Konono î1 se produit en Europe et a fait une incursion en sol américain. « Mingiedi ne va plus changer de style, même si on le transporte en Europe. Mais par contre ses fils et ses petis-fils dressent les oreilles, ils sortent du Congo pour la première fois de leur vie. Ils entendent de la techno, toutes sortes de musique dont ils ne soupçonnaient pas l’existence et qui sont aussi basées sur l’électronique. C’est là que va commencer la troisième vie de Konono », croit M. Kenis.

Petite casquette grise sur son crâne dégarni, chemise boutonnée au col sous un manteau synthétique, le regard rieur du sage, de ses 73 ans bien sonnés monsieur Mingiedi n’a rien du DJ branché des grandes métropoles même s’il est une star montante de la musique électronique.
Découvert sur le tard par un producteur belge, Mingiedi a fondé l’ensemble Konono î1 dans les années...