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Actualités - REPORTAGE

GYNÉCOLOGIE - 1,5 milliard de dollars sont dépensés annuellement aux États-Unis sur les serviettes hygiéniques Incontinence urinaire et prolapsus du vagin : osez briser le tabou

La gêne et la honte sont leurs alliées. Qu’elles soient jeunes ou à un âge avancé, les femmes dans les quatre coins du monde refusent d’évoquer leur problème d’incontinence urinaire et se murent dans un silence de plomb, sacrifiant parfois leur vie de couple et se résignant à l’idée de vieillir. Elles ont peur de rire, de tousser ou de faire du sport, craignant des fuites d’urine au moindre effort. Aussi gênante soit-elle, l’incontinence urinaire à l’effort peut être traitée dans la majorité des cas en dix minutes, les spécialistes fuyant désormais les chirurgies longues, invasives et douloureuses. Ces derniers affirment que l’incontinence n’est pas une fatalité et insistent sur la nécessité d’une discussion franche avec les patientes, pour briser enfin le tabou. Aux États-Unis, les femmes ont plus de facilité à évoquer leur incontinence, le tabou ayant été brisé au cours des dernières années grâce à l’implication de Bonnie Blair, championne américaine de patins sur glace avec à son actif cinq médailles aux Jeux olympiques. Cette femme de 29 ans, mère de trois enfants, qui avait elle-même souffert d’une incontinence urinaire, mène aujourd’hui une campagne de sensibilisation, invitant les femmes à « briser le tabou » (« Breaking the Ice » est le thème de la campagne que Bonnie Blair mène) en osant rechercher une aide médicale pour leur problème. « Dans le service où j’exerce, nous constatons une nette amélioration des mentalités. Il y a trois ans, nous traitions 390 femmes par an pour incontinence urinaire à l’effort. Aujourd’hui, elles sont plus de 1 000 à venir nous voir chaque année », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Labib Riachi, obstétricien-gynécologue, spécialisé en oncologie gynécologique et en chirurgie avancée de la région pelvienne. Le Dr Riachi exerce à Trinitas Hospital, à New Jersey, aux États-Unis. Le Dr Riachi effectuait une visite au Liban pour introduire une nouvelle technique du traitement du prolapsus du vagin. « La chirurgie avancée de la région pelvienne est un domaine assez récent dans le monde de la gynécologie qui s’intéresse à l’incontinence urinaire et au prolapsus du vagin, poursuit-il. Il s’agit de troubles qui continuent à être considérés comme un sujet tabou dans le monde, mais que les femmes commencent à aborder avec une plus grande aisance, notamment aux États-Unis, où près de treize millions de femmes souffrent d’une incontinence urinaire avec ou sans prolapsus. Il s’agit de troubles qui posent un problème social ou d’hygiène. Rien qu’aux États-Unis, la vente des serviettes hygiéniques se chiffre à 1,5 milliard de dollars par an. » Taux de réussite dépassant les 95 % Perte involontaire d’urine avec une impossibilité de se retenir, l’incontinence urinaire existe sous deux formes : l’instabilité vésicale et l’incontinence urinaire à l’effort. Dans le premier cas, les fuites d’urine résultent d’une suppression causée par un excès de contraction de la vessie avec pour principales causes une consommation excessive de tabac, d’alcool ou de caféine, une infection, une lésion de la vessie, ou encore une perturbation hormonale en période de ménopause, les maladies neurologiques, comme le parkinson, et certains facteurs psychiques, la peur, le stress ou l’angoisse à titre d’exemple. L’incontinence urinaire à l’effort est, quant à elle, caractérisée par une perte d’urine lors d’un effort physique (quinte de toux, marche, course, jogging…) sans pour autant avoir une envie ou un besoin d’uriner. Cette deuxième forme est principalement due au vieillissement, à des déchirures ou des traumatismes (accouchement, interventions chirurgicales) qui entraînent un relâchement des fibres musculaires des sphincters ou du périnée. L’incontinence urinaire à l’effort peut également résulter de la ménopause, période à laquelle le manque d’œstrogènes favorise le relâchement de l’urètre, d’une mauvaise position du col de la vessie mal soutenu par le périnée ou d’un relâchement des ligaments qui maintiennent l’utérus et la vessie dans le bassin. Le traitement de l’incontinence urinaire varie selon la cause du trouble. Si celui-ci est dû à une maladie, comme le diabète ou une lésion de la moelle épinière, le traitement est médicamenteux. Si l’incontinence résulte de la grossesse ou de l’accouchement, les spécialistes optent pour une rééducation périnéale et ont recours, dans certains cas, à la chirurgie. Si, enfin, l’incontinence est due à un défaut de transmission, les spécialistes conseillent la chirurgie qui vise à remettre le col vésical en état. « Au cours de la dernière décennie, la science a effectué des pas de géant dans le traitement chirurgical de l’incontinence urinaire à l’effort, remarque le Dr Riachi. Le TVT, ou Tension-Free Vaginal Tape, constitue une révolution dans ce domaine. Cette procédure consiste à poser une mèche au-dessous de l’urètre pour soutenir les tissus affaiblis qui sont à l’origine du trouble. L’avantage du TVT demeure le fait qu’il constitue une approche non invasive. La technique est pratiquée par voie vaginale, sous anesthésie locale, et ne nécessite que trois petites incisions d’un centimètre chacune. Le problème est réglé en dix minutes avec un taux de réussite dépassant les 95 %. La patiente peut sortir le jour même de l’hôpital et reprendre son travail dans les semaines qui suivent l’intervention, au moment où les anciennes techniques chirurgicales nécessitaient une intervention par voie haute (ventre) pratiquée sous anesthésie générale et une hospitalisation de cinq jours. En ce qui concerne la période de convalescence, elle pouvait atteindre dans certains cas les douze semaines. Grâce au TVT, nous pouvons de nos jours opérer des femmes de 70 et de 80 ans, pour qui une intervention chirurgicale lourde était très souvent déconseillée. » Le TVM, approuvé en mars 2005 Une deuxième révolution est également observée dans le traitement du prolapsus partiel ou total du vagin chez la femme. « Le vagin est formé de trois parties, antérieure, moyenne et postérieure, note le Dr Riachi. La partie antérieure est formée de la paroi vaginale qui enveloppe la vessie. La partie moyenne contient le col de l’utérus, si la femme le garde encore. Dans le cas contraire, il renferme la partie finale du vagin. La partie postérieure inclut la paroi vaginale qui couvre le rectum. On parle d’un prolapsus lorsqu’on observe une descente de l’organe qui se trouve derrière cette partie vaginale. Il s’agit d’un trouble dû à un relâchement des fibres ou des ligaments du tissu pelvien, lié à l’âge, au nombre d’accouchements, à la taille de l’utérus, à l’effort ou encore à un problème de constipation. Près de 40 % des femmes souffrent d’une forme ou d’une autre de prolapsus, classé en quatre grades selon les écoles américaine ou européenne. » Bien au-delà de la honte ou de l’embarras, c’est un vrai problème de santé que le prolapsus pose. « Si la vessie descend du vagin, l’urine sera compressée. La femme, qui ne vide pas toute sa vessie, souffrira d’un reflux urinaire qui peut entraîner une infection de la vessie ou des reins, insiste le Dr Riachi. Ce qui est désolant, c’est de voir des femmes de 35 ou de 40 ans, sexuellement actives, qui se culpabilisent de ne pas pouvoir donner du plaisir à leur partenaire et qui se laissent aller, au moment où le problème est facile à traiter notamment avec la nouvelle technique de TVM ou Total Vagina Mesh Plasty. » Approuvée en mars 2005 par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, cette technique innovatrice permet de traiter le prolapsus total ou partiel avec une mèche (TVM) qui servira de soutènement à ces organes de la région pelvienne. La mèche est posée entre la paroi vaginale et la vessie, le rectum ou l’utérus. Cette technique a été mise au point en France par une équipe de neuf chirurgiens menée par le Dr Bernard Jacquetin, de Clermont Ferrand, et le Dr Michel Cosson, de l’Université de Lille, et le Dr Philippe Debodinance, de Saint-Pol-sur-Mer. « Tout comme pour l’incontinence urinaire, le TVM est une procédure non invasive qui peut être pratiquée par voie vaginale et sous anesthésie locale. La majorité des patientes rentrent chez elles dans les vingt-quatre heures qui suivent l’intervention, remarque le Dr Riachi, qui s’est entraîné à cette procédure en France, sous la direction des Drs Cosson et Debodinance. Jusqu’à une période récente, la technique de choix dans le traitement du prolapsus consistait à opérer la femme par voie haute et parfois par voie vaginale, une hystérectomie étant pratiquée dans la majorité des cas, parce qu’on ne possédait pas la technique qui permet de le remettre en place. La paroi vaginale était par la suite relevée avec une mèche et fixée au dos de la patiente. Aujourd’hui, il n’est plus question d’enlever l’utérus s’il n’est pas malade. On peut facilement le remettre en place. » La complication majeure du TVM demeure toutefois le rejet par l’organisme de la mèche, puisqu’il s’agit d’un corps étranger. D’où la nécessité, selon le Dr Riachi, « d’assurer une hygiène parfaite dans la salle opératoire ». Le TVM a été récemment introduit au Liban, par le Dr Riachi, dans trois grands hôpitaux de Beyrouth. Il sera introduit dans les prochains mois dans plusieurs autres hôpitaux des pays arabes. Savoir poser les questions Conscient du devoir du médecin et de sa responsabilité vis-à-vis de ses patientes, le Dr Riachi souligne que dans l’unité où il exerce, le dépistage systématique pour l’incontinence urinaire est à l’ordre du jour des activités du service. « Mes collègues et moi insistons auprès de nos patientes pour savoir si elles ont des fuites d’urine au moindre effort, dans le but principal de soulager la femme et de traiter le trouble à un stade précoce, signale-t-il. Il est décevant de remarquer que les médecins manquent à leur devoir et négligent leurs patientes. Ils doivent savoir poser les bonnes questions et identifier le problème. Il n’est pas normal de dire à une femme qui se plaint de fuites d’urine qu’il s’agit d’un trouble normal et de lui donner un rendez-vous dans l’année suivante pour son check-up habituel. Avoir des pertes d’urine n’est pas une chose normale, quel que soit l’âge de la patiente. Il est de notre devoir de la soulager en ayant recours aux techniques les moins invasives. Nous devons traiter la femme, comme nous aimerions être traités. » Quelles que soient les cultures ou les traditions, l’ignorance de la pathologie demeure le principal problème lié à l’incontinence urinaire, principalement à cause du caractère tabou de ce trouble qui touche à l’intimité de la femme. De nombreux pays ont franchi le pas, menant des campagnes de sensibilisation auprès des femmes et des spécialistes à la fois. Au Liban, les initiatives sont encore timides. De nombreux efforts sont encore à déployer dans ce domaine médical… et dans tant d’autres.

La gêne et la honte sont leurs alliées. Qu’elles soient jeunes ou à un âge avancé, les femmes dans les quatre coins du monde refusent d’évoquer leur problème d’incontinence urinaire et se murent dans un silence de plomb, sacrifiant parfois leur vie de couple et se résignant à l’idée de vieillir. Elles ont peur de rire, de tousser ou de faire du sport, craignant des fuites...