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La Nouvelle-Calédonie, nouvelle zone de tension entre Paris et Bakou

Une photo montre des voitures brûlées sur le parking de l'ancien hôpital à la périphérie de Nouméa, le 16 mai 2024. Photo AFP / Delphine MAYEUR

Des drapeaux azerbaïdjanais dans des cortèges à Nouméa, un groupe lié à Bakou soutenant les indépendantistes... La Nouvelle-Calédonie, en proie à des émeutes, devient une nouvelle zone de tension entre France et Azerbaïdjan. Au terme d'une troisième nuit de violences dans le territoire français du Pacifique-Sud, Paris a accusé jeudi Bakou d'ingérence, ce que l'Azerbaïdjan a aussitôt qualifié d'"accusations infondées".

Mercredi, dans un reportage télévisé sur la chaîne TF1, certains indépendantistes de l'archipel arboraient des t-shirt floqués de la bannière azerbaïdjanaise. Un signe de l'apparente influence de l'Azerbaïdjan, pays pourtant très éloigné du "Caillou".

En mars, des médias azerbaïdjanais montraient des manifestants néo-calédoniens tenant des photos du président azerbaïdjanais Ilham Aliev à Nouméa. 

Alors que les relations sont très mauvaises depuis plusieurs mois entre la France et l'Azerbaïdjan, en raison notamment du soutien de Paris à l'Arménie dans son conflit territorial avec Bakou dans le Haut-Karabakh, la Nouvelle-Calédonie s'annonce comme un nouvelle zone de turbulence entre les deux pays. 

Interrogé jeudi sur d'éventuelles ingérences d'Azerbaïdjan, de Chine ou de Russie en Nouvelle-Calédonie, le ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a pointé du doigt Bakou. "L'Azerbaïdjan, ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité", a-t-il déclaré sur France 2, en regrettant "qu'une partie des indépendantistes aient fait un deal" avec ce pays. "C'est incontestable", a-t-il insisté, tout en assurant que la France, malgré "les tentatives d'ingérences", restait "souveraine chez elle".

Mémorandum

Bakou a catégoriquement rejeté ces accusations. "Nous démentons tout lien entre les leaders de la lutte pour la liberté calédonienne et l'Azerbaïdjan", a déclaré la diplomatie azerbaïdjanaise, fustigeant des "déclarations insultantes", "infondées" et "une campagne de calomnie".

Depuis lundi, l'ancienne colonie française devenue territoire de la République en 1946 est secouée par de violentes émeutes qui ont fait cinq morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés. Pour tenter d'y rétablir l'ordre, Paris a instauré l'état d'urgence, ordonné le déploiement de l'armée et interdit le réseau social TikTok, dont la maison mère est chinoise, largement utilisé par les émeutiers.

Les interrogations de Paris sur l'influence de l'Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie datent de plusieurs mois, mais n'avaient jusqu'ici pas été rendues publiques. Elles ont été renforcées depuis la signature en avril d'un mémorandum de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée nationale de l'Azerbaïdjan.

La lointaine république du Caucase pousse le mouvement indépendantiste kanak via le Groupe d'initiative de Bakou (GIB), un groupe de réflexion et d'influence dont l'un des objectifs est de "soutenir le combat contre le colonialisme et le néo-colonialisme". Ce groupe est né en juillet 2023 à Bakou, lors d'une conférence organisée par les autorités azerbaïdjanaises avec les indépendantistes des territoires français de Martinique, Guyane, Nouvelle-Calédonie et Polynésie.

Mardi, le GIB condamnait "l'arrestation des Kanak et les actes de violence des autorités françaises contre les civils en Nouvelle-Calédonie".

"Sel sur les plaies"

L'eurodéputé français Raphaël Glucksmann, qui a présidé une commission du Parlement européen sur les ingérences étrangères, a dénoncé sur la chaîne Public Sénat "une tentative d'ingérence" de l'Azerbaïdjan "depuis des mois déjà".

"Ce ne sont pas les acteurs étrangers qui créent la tension. Là, en l'occurrence, c'est une réforme constitutionnelle, c'est un problème interne. Mais ils se saisissent des problèmes internes pour mettre du sel sur les plaies", a dénoncé la tête de liste des socialistes aux élections européennes du 9 juin. "Des régimes autoritaires comme la Russie, l'Azerbaïdjan, mais la Chine aussi, saisissent la moindre faille dans nos sociétés pour polariser le débat public et pour créer le chaos", a-t-il souligné. 

Une source gouvernementale a fait état à l'AFP d'une "manœuvre" lancée mercredi après-midi par Bakou, avec la diffusion via de réseaux azerbaïdjanais ou pro-azerbaïdjanais d'"un montage montrant successivement deux policiers blancs avec des fusils à visée puis des Kanaks morts".

"C'est une campagne assez massive, avec environ 4.000 publications générées par (ces) comptes", a ajouté cette source. "Ils réutilisent les codes déjà employés lors d'une précédente campagne de dénigrement baptisée Olympia." En novembre, la France avait déjà accusé des acteurs liés à l'Azerbaïdjan d'avoir mené une campagne de désinformation visant à porter atteinte à sa réputation dans sa capacité à accueillir les Jeux olympiques à Paris. Bakou avait aussi rejeté ces accusations.



Des drapeaux azerbaïdjanais dans des cortèges à Nouméa, un groupe lié à Bakou soutenant les indépendantistes... La Nouvelle-Calédonie, en proie à des émeutes, devient une nouvelle zone de tension entre France et Azerbaïdjan. Au terme d'une troisième nuit de violences dans le territoire français du Pacifique-Sud, Paris a accusé jeudi Bakou d'ingérence, ce que...