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Actualités - CHRONOLOGIE

Des professeurs d’économie passent au crible le plan de réformes Privilégier la croissance plutôt que de rester fixé sur la dette

L’équipe économique du gouvernement peine à rallier les différents acteurs à son plan. La nécessité d’entreprendre des réformes structurelles est indéniable, mais les ingrédients de la recette s’avèrent difficiles à digérer. Ce fameux plan a été sujet à des analyses souvent politisées, notamment sur la hausse des taxes. « L’Orient-Le Jour » a voulu avoir un avis théorique et technique. Deux professeurs de la faculté de sciences économiques à l’Université Saint-Joseph ont passé au crible les différents volets du plan. Laurent Shilling, professeur d’économie industrielle et de croissance, juge que le plan de réformes présente un habillage social, mais s’attaque essentiellement à la diminution de la dette. Il déplore que le programme n’aborde pas suffisamment les problématiques de l’économie réelle et de croissance. Pour Rayan Haykal, professeur de finances publiques, les problèmes sont structurels, mais les solutions proposées sont conjoncturelles. « Quand on fait un emballage conjoncturel, ça passe plus vite, c’est la pilule enrobée de chocolat », a-il-souligné. Les deux professeurs semblent d’accord sur la nécessité de relancer la croissance, et non juste de miser sur la diminution de la dette ou de la restructurer. Le volet fiscal Le plan regorge de mesures fiscales visant essentiellement à augmenter les recettes de l’État, comme la hausse graduelle de la TVA de 10 à 12 % en 2006 puis à 15 % en 2008. Aussi, les impôts sur la propriété et la succession seront reformés, un impôt global sur le revenu sera instauré et la taxe sur les taux d’intérêt passera à 7 %. Laurent Shilling estime que l’accroissement de la pression fiscale risque de donner un coup d’accélérateur à l’économie souterraine, faisant ainsi disparaître une assiette fiscale considérable, sans parler de la perte du contrôle de l’État sur ces secteurs. M. Haykal, qui conteste l’utilité même des impôts, est catégoriquement contre une hausse des impôts indirects. « Si un impôt doit absolument être appliqué, je suis pour l’application d’impôts directs significativement différenciés », a-t-il expliqué. Pour lui, il serait préférable par exemple de multiplier les tranches de l’impôt sur le revenu et d’augmenter les taux sur les tranches les plus élevés. « L’impôt ne doit pas être prohibitif. Et si la justification des impôts n’est que la finance des dépenses publiques, il faut savoir de quelles dépenses parle-t-on », a-t-il ajouté. « Dans les pays en voie de développement, le citoyen digère mal une hausse de l’impôt, puisqu’il ne sait pas à quoi il servira, selon le principe de la non-affectation des recettes des impôts. De plus, comment un citoyen pourrait accepter une hausse de l’impôt alors que certains de ses concitoyens ne le payent pas ? La collecte d’impôts doit être améliorée pour des raisons d’efficacité et de justice », affirme M. Haykal. La privatisation Cette mesure apparaît comme la solution miracle pour en finir avec la mauvaise gestion de l’État. « Si la privatisation est faite pour augmenter la performance, c’est louable. Par contre, si elle est faite pour éponger la dette, je suis contre. Si, après dix ans, il n’y a pas eu de croissance et que les biens de l’État ont déjà été cédés, alors comment faire ? » s’est demandé M. Haykal. « Actuellement, nous pressentons que l’intention qui règne est d’alléger le fardeau de la dette plutôt que d’augmenter l’efficacité des administrations », a-t-il estimé. De son côté, M. Shilling est pour la privatisation pour des raisons extraéconomiques. « La privatisation est le remède aux maux de la politique et un moyen d’atténuer son ingérence, mais il faut quand même assurer un appel d’offres contrôlé », a-t-il souligné. Solutions Le principal indicateur de la dette est son ratio par rapport au PIB. L’État semble vouloir agir essentiellement sur le numérateur : la dette. Or, il est possible, pour diminuer ce ratio, d’augmenter le dénominateur : le PIB. M. Shilling prône une politique purement keynésienne qui consiste à agir sur la croissance et miser sur sa relance. Pour lui, un moyen de relancer la croissance serait de doubler le SMIC afin de rattraper l’inflation. Une autre politique techniquement correcte, poursuit M Shilling, serait une dollarisation totale. « Quand deux monnaies coexistent, il faut offrir des taux d’intérêt excessifs sur les bons de Trésor, ce qui coûte annuellement très cher à l’État. De plus, la parité de la livre par rapport au dollar est très coûteuse », a-t-il dit. Sur la libéralisation du marché, M. Haykal estime qu’il faut libéraliser les secteurs à valeur ajoutée et abolir les subventions pour les productions n’ayant pas d’avantages comparatifs, comme les secteurs subventionnés actuellement. Au niveau de l’industrie, M. Shilling prône des fusions dans les secteurs atomisés, comme l’agroalimentaire, « car tant que l’offre est atomisée, on reste au stade artisanal et les coûts restent élevés », a-t-il expliqué. Au final, ce ne sont pas les solutions économiques qui manquent, mais ce sont surtout les décisions politiques dans un pays qui repose sur le consensus. Une vision réaliste et adaptée aux spécificités du Liban serait d’appliquer le concept américain de « Log Rolling », propose M. Haykal. Selon ce concept, les politiciens sont forcés d’équilibrer entre leurs préférences sur certaines questions et leurs réticences sur d’autres, étant donné qu’ils n’obtiendront probablement pas l’approbation sur toutes les mesures qu’ils désirent appliquer. Une concession peut être faite à une autre partie sur une matière moins importante, en échange de l’appui de cette partie sur une question plus essentielle. Mais comment et quoi sacrifier ? Magali GHOSN
L’équipe économique du gouvernement peine à rallier les différents acteurs à son plan. La nécessité d’entreprendre des réformes structurelles est indéniable, mais les ingrédients de la recette s’avèrent difficiles à digérer. Ce fameux plan a été sujet à des analyses souvent politisées, notamment sur la hausse des taxes. « L’Orient-Le Jour » a voulu avoir un avis...