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Actualités - CHRONOLOGIE

GROS PLAN - Il mélange la provocation, la dérision, l’absurde et les messages politiques déconcertants Shepard Fairey: le graffiti et les affiches au service de l’art-message

Ce type est une véritable icône dans le domaine du Street Art. Shepard Fairey est l’auteur de la campagne artistique la plus ambitieuse de l’histoire récente de l’art urbain. Pour cet ancien skater, les affiches nous donnent des ordres. Comme le logo qu’il appose sur les murs des villes du monde : le visage d’un homme qui martèle un seul message, « Obey » (« Obéis! »). À qui ? À quoi ? Histoire d’une légende née d’une plaisanterie. L’aventure commence en 1989. Shepard Fairey n’est encore qu’étudiant à la célèbre Rhode Island School of Design (Providence, USA). Passionné de musique punk et de skate-board, il crée lui-même ses tee-shirts à l’aide de pochoirs réalisés à partir d’images choisies dans des magazines. C’est au cours d’une démonstration à un ami qu’il prend comme exemple une image de mauvaise qualité représentant le visage d’un catcheur français, André Roussinof, connu sous le nom d’Andre the Giant. Par dérision, il attribue à ce personnage patibulaire un «posse» (une bande dans le milieu du skate), sous-titrant le pochoir de la mention « Andre has a posse ». Mais il ne s’arrête pas là. Shepard reproduit cette image totalement inconnue du grand public sur le plus grand nombre de supports possible, la diffuse partout… Son but : stimuler la curiosité de l’individu et susciter une interrogation sur l’environnement qui l’entoure ... en attendant la réaction des gens. Une expérience tout à fait nouvelle à l’époque, d’autant que l’image en question, pittoresque, originale, voire grotesque, ne peut laisser personne insensible. Shepard recouvre la ville d’autocollants et de pochoirs d’Andre the Giant. Devant les réactions suscitées, il se rend compte du pouvoir de cette image et après quelques années, il passe en 1993 à un format plus imposant, l’affiche, et souligne la représentation du catcheur du mot « Obey ». De cette association résulte un sentiment d’absurdité. La stylisation du visage de l’athlète, les couleurs utilisées (noir, blanc et rouge), ainsi que le slogan lapidaire et péremptoire visent à produire un impact visuel maximal, mais dont le but nous échappe. Obéissez ! À quoi ? À qui ? Les codes visuels utilisés sont dignes de ceux de la propagande stalinienne, mais ils ne servent aucune idéologie, et l’on n’ose comprendre sans sourire qu’ils nous enjoignent à rejoindre et à obéir à un catcheur mort depuis des années. En collant de telles affiches dans le monde entier, le but de Shepard Fairey n’est pas uniquement de provoquer, mais surtout de mettre en évidence les mécanismes de propagande publicitaires qui envahissent l’espace public. Dans son manifeste écrit en 1990 (sur Obeygiant.com), il assimile sa campagne à une expérience de phénoménologie définie par Heidegger comme « le concept qui laisse les choses se manifester d’elles-mêmes». Son travail tendrait à «permettre aux gens de voir clairement ce qui est devant leurs yeux, mais qui leur reste caché», à «faire renaître le sentiment d’étonnement devant notre environnement ». D’où vient ce slogan ? « La série Obey m’a été inspirée par le film They Live, de John Carpenter. Dans l’histoire, les personnages se heurtent à des messages cachés : “ Consomme ; dors ; regarde la télé... ” J’aime beaucoup l’idée qu’il fallait faire un effort pour décrypter les messages. J’écris Obey pour confronter les gens à eux-mêmes. J’ai l’impression que beaucoup ne se rendent pas compte qu’ils agissent en personnes disciplinées et obéissantes. Peut-être que mes affichent peuvent les amener à réfléchir sur leur condition. Beaucoup ne doivent pas le supporter! L’impact de “Obey” tient aussi du traitement en noir et rouge sur papier blanc. Je pense que c’est ce qui marche le mieux en terme d’efficacité visuelle.» Pour ce faire, Shepard Fairey n’a de cesse de coller ses stickers et ses affiches jusque dans les moindres recoins des grandes villes américaines, de Tokyo, Hong Kong ou Melbourne, faisant de Andre the Giant une véritable icône underground. Mais si le catcheur est la figure centrale de sa campagne de propagande, Shepard Fairey, tout en conservant la même orientation graphique, a peu à peu élargi son répertoire iconographique à de nombreux autres personnages, comme le commandant Marcos, Naom Chomsky ou Sid Vicious. Via Internet, il est possible d’adhérer au « posse » et ainsi, on a pu voir les icônes d’Andre le Géant à Vienne, Singapour, Tokyo, Londres ou Paris. On reproche même à Shepard de constituer sa propre « armée » à des fins strictement commerciales et personnelles Aujourd’hui, à 36 ans, Shepard Fairey est patron de l’agence de création graphique Obey Giant, mais il continue à dessiner pour son plaisir. Dans son œuvre personnelle comme dans ses travaux commerciaux, toujours très tendance, il mélange la provocation, la dérision, l’absurde et les messages politiques déconcertants: «Je fais de la politique uniquement quand c’est nécessaire, mais aujourd’hui, la crise est grave, l’Amérique entre dans un système de guerre perpétuelle.» Ce qui n’était qu’une plaisanterie s’est aujourd’hui réalisé: Andre the Giant a un «posse»! Maya GHANDOUR HERT
Ce type est une véritable icône dans le domaine du Street Art. Shepard Fairey est l’auteur de la campagne artistique la plus ambitieuse de l’histoire récente de l’art urbain. Pour cet ancien skater, les affiches nous donnent des ordres. Comme le logo qu’il appose sur les murs des villes du monde : le visage d’un homme qui martèle un seul message, « Obey » (« Obéis!...